b) Protéger la responsabilité juridique du journal

Nous constatons que, d’une manière générale, les prédications éthiques de Libération visent, pour l’essentiel, à protéger la responsabilité juridique du journal car, la plupart des points évoqués, est de nature, s’ils ne sont pas respectés, à être portée devant la justice. Notons par ailleurs, qu’à l’instar de Ouest-France, c’est un ‘« nous’ » qui s’exprime : ‘« nous publions, nous ne devons, nous devons nous interdire, nous pouvons nous donner, nous nous contentons, notre style, notre âme, nous revendiquons, nous devons, etc. »’. La réalisation du quotidien Libération s’inscrit dans une œuvre collective, où chacun, dans le respect de sa liberté, porte une responsabilité dont il est rappelé qu’elle engage aussi celle du journal. Reste que si l’on compare ces recommandations à celles dispensées dans les documents de la PQR, plusieurs constats peuvent être dressés. Le premier consiste à dire que, dans le cas du quotidien national, aucun élément de référence à l’identité, à l’histoire voire à la culture du journal vient renforcer l’argumentaire éthique. Son seul ancrage réside dans la manière de faire et d’être de la profession de journaliste. Le second constat porte sur le fait qu’aucune référence, implicite ou explicite, n’est faite au ‘« droit à l’information du public’ » et qu’à contrario, la liberté du journaliste est mentionnée comme le pendant de sa responsabilité, laquelle est limitée au cadre de la rédaction du journal. C’est donc toute la dimension de proximité avec le lecteur, largement revendiqué par les documents issus de la PQR, qui disparaît. Enfin, le dernier constat relève d’une comparaison formelle. En effet, dans les documents de la PQR, le discours se veut extrêmement normatif et encadre, parfois dans les moindres détails, la pratique journalistique. Or, s’agissant du document de Libération, l’inspiration est très largement celle d’une éthique réflexive dans laquelle le journaliste apparaît ‘« l’alpha et l’oméga de l’autorégulation’ » 752 . Au détail près que sa responsabilité s’arrête là où commence celle du journal, notamment en matière juridique. La phrase qui clôture le document est là pour en témoigner : ‘« le respect de la déontologie professionnelle est l’une des meilleures garanties que nous pouvons nous donner tant vis-à-vis du Journal qu’à chacun d’entre nous : il est partie intégrante du pacte rédactionnel’  ». Nous sommes loin des considérations issues du ‘«contrat de lecture’ » qui nouent des relations entre le quotidien régional et son lectorat. Pour Libération, le seul pacte qui vaille est celui qui lie l’ensemble des journalistes à son journal, en dehors de toutes considérations extérieures. Précisons, à l’issue de ces quelques commentaires, qu’il paraît inconcevable d’envisager une quelconque harmonisation normative en l’état tant ce qui différencie les démarches semble irréductible.

Notes
752.

Expression empruntée à Grevisse B., op. cit., 1999, p 56.