a) Indépendance rédactionnelle et Société de rédacteurs

La Société des rédacteurs de L’Express, rebaptisée depuis lors Société des Journalistes (SDJ) 797 a élaboré, en 1996, une charte sur l’identité et l’indépendance de L’Express. Discutée et amendée en assemblée générale, elle fut approuvée à l’unanimité, d’une part, par le président du directoire et directeur de la rédaction, Denis Jeambar et, de l’autre, par la SDJ. En juin 2000, elle a été actualisée et ce pour trois raisons :

  • l’adapter à l’enrichissement de l’offre éditoriale (création du supplément Multimédia) ainsi qu’a l’irruption de nouveaux modes de communication
  • obtenir son approbation formelle par Denis Jeambar
  • l’imposer comme document de référence associé à l’accord sur les droits d’auteurs à l’ère d’Internet

Selon Vincent Hugueux, président de la SDJ, ‘« il s’agissait à l’époque de réaffirmer et de garantir notre vocation d’hebdomadaire d’information générale. La fascination qu’exerçait le modèle Focus alimentait nos craintes en la matière. De plus, il nous semblait indispensable d’énoncer des principes relatifs à l’indépendance éditoriale, dans un moment où le journal suscitait des convoitises chez d’éventuels acquéreurs »’ 798 . Ce document diffère donc quelque peu des chartes que nous avons jusqu’alors analysées dans la mesure où il a été initié par des journalistes, ceux de la rédaction de L’Express, dans le but précis de garantir leur indépendance éditoriale. Même si le document édicte un certain nombre de principes et rappelle les valeurs auxquelles les journalistes sont attachés, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un code ou d’une charte de déontologie. Vincent Hugueux nous a d’ailleurs expliqué que ‘« s’agissant du code, le débat est en cours’  » et de préciser ‘« le principe d’une codification, énonçant des règles précises quant aux invitations, cadeaux, voyages, se heurte à de fortes résistances, dont certaines ne sont pas dénuées de fondements’ » 799 .

L’objectif est donc clair, il s’agit de se prémunir d’éventuelles tentations de l’actionnaire d’altérer l’identité ou de porter atteinte à l’indépendance de L’Express. Notons d’ailleurs que cette charte est soumise à tout nouvel actionnaire, majoritaire ou minoritaire.

Le document insiste particulièrement sur ‘« l’indépendance rédactionnelle’ » qui, selon les auteurs, ‘« n’a de sens que si elle s’exerce sur un double registre’ » :

  • d’une part vis-à-vis de tous les pouvoirs politiques, économiques, philosophiques et spirituels
  • d’autre part vis-à-vis de l’actionnaire ou des actionnaires

Telles sont les deux articulations principales de la charte sur l’identité et l’indépendance de L’Express. Autour d’elles, nous distinguons des éléments susceptibles d’éclairer l’identité du magazine. Il est qualifié, selon les paragraphes, ‘« d’entité autonome’ », ‘« d’œuvre collective’ » et enfin ‘« d’organisme vivant’ ». Sa mission, largement inspirée du ‘« legs des aînés’ », est : ‘« d’aider le lectorat à anticiper et mieux saisir les élans et soubresauts du monde qui l’entoure’ ». Nul besoin, à l’instar du Livre de Style du Monde, de qualifier l’environnement du lectorat ‘« d’obscur’ » non plus que d’insister sur ‘« les réalités cachées’ » ou encore ‘«occultées par les courants dominants de l’actualité’ ». Le contenu de la Charte d’indépendance de L’Express n’abonde aucunement dans ce sens. Notons toutefois qu’elle ne fait pas l’objet d’une publicité, ce qui aurait pu en nuancer quelque peu la tonalité.

Notes
797.

La SDJ, composée des titulaires de la carte de presse souhaitant y adhérer, a pour mission, en vertu de l’article 2 de ses statuts, de veiller au maintien de la « tradition de qualité, d’indépendance et de liberté ».

798.

Hugueux V., correspondance électronique du 24 mai 2000. Le modèle Focus, très en vogue au milieu de la décennie 90, en référence à l’hebdomadaire allemand ainsi intitulé, renvoie à un concept de magazine « flashy », rythmé, privilégiant les papiers courts, la couleur et l’infographie.

799.

Idem.