« PQR : une déontologie unilatérale » - N°238 – 2ème trimestre 1996

Le SPQR a publié ses ‘« règles et usages’ » de la presse quotidienne régionale. Un document communiqué aux syndicats de journalistes 24 heures avant sa présentation publique. Foin le paritarisme : le syndicat patronal délivre sa ‘« vérité’ » déontologique, le débat proposé in extremis aux journalistes n’étant qu’une formalité. Dont acte. Ce n’est pas la première fois que le SPQR s’exprime sur le sujet. Fin 1989, dans un contexte de ‘« bavures médiatiques’ » ayant suscité un certain raidissement judiciaire et un appel à une plus stricte répression des infractions, le SPQR avait confié à Philippe Bilger la rédaction d’un ‘« Vademecum Presse-Justice ’». Un document technique rappelant les règles du droit de la presse. En juin 1991, le SPQR tenait colloque sur les rapports entre la presse et la justice fortement imprégné de quelques idées simples, voire simplistes :

La presse régionale est plus respectueuse que les autres de la déontologie et du droit des personnes ;

Nul besoin de légiférer, la loi de 1881 suffit largement ;

La vraie cause des ‘« dérapages’ » (générateurs de procès) c’est l’insuffisante information et formation des journalistes.

En 1993, une nouvelle version du Vademecum tenant compte de la loi Vauzelle (respect de la présomption d’innocence) était éditée et, en principe, diffusé dans les rédactions de la PQR. En 1995, dans le droit fil du colloque de 1991, le SPQR publie ses ‘« Règles et usages’ » dont le titre à lui seul pose problème. S’agit-il de règles à respecter par des journalistes, y compris dans un rapport de subordination ? Ou seulement d’usages constatés (mais qui alors ne s’imposeraient pas) ? La question est importante. Or s’il énonce souvent implicitement, des règles légales (loi de 1881 et autres) s’imposant aux journalistes et aux médias, le document formule également des principes de nature déontologique. Dans l’absolu, il n’y a guère à redire aux préceptes énoncés, qui recoupent largement nos textes déontologiques de référence (déclaration de 1918, charte de Munich) et certaines chartes d’entreprise. Le souci d’informer sans condamner » de donner la parole aux diverses parties et de ne divulguer les identités que si nécessaire ; le respect de la présomption d’innocence et de la vie privée ; l’appel à la prudence et l’équité dans l’expression et dans l’utilisation de l’image ; l’observance du ‘« devoir de suite’ » (des mises en cause) et d’une pratique moins restrictive du droit de réponse…autant de principes éthiques de nature à restaurer la fonction même d’un journalisme trop souvent perverti par son concubinage judiciaro-policier. Mais peut-on prendre au sérieux de si ambitieux commandements qu’à quelques exceptions, la PQR se garde de mettre en pratique ? ‘« Des règles et usages’ » que, dans certains journaux, on diffuse avec une réticence qui en dit long ? Et puis – ce qui est encore plus préoccupant – ce catalogue ne connaissant que la responsabilité des directeurs de publication, vise manifestement à édicter, à imposer aux journalistes leur déontologie. Certes non conventionnel, il n’a, sur ce plan, aucune portée réelle. On rappellera au passage l’opposition patronale à toute référence déontologique autre, dans la CCN, que le dernier alinéa de l’article 1-3, simple vœu pieux. S’ils doivent respecter leur éthique professionnelle, les journalistes de la PQR ne sont en revanche pas liés par les ‘« règles et usages »’ du syndicat patronal, et doivent veiller à ce qu’aucune référence n’y soit faite ni dans leur contrat de travail, ni dans un accord d’entreprise. On peut en revanche se demander, si, à l’avenir, dans certains litiges, les journalistes ne pouvaient pas s’appuyer sur lui. Bien qu’unilatéral, ce document public engage les entreprises membres du syndicat patronal à respecter des ‘« règles et usages »’ qui peuvent coïncider avec les principes évoqués par un journaliste en conflit avec sa hiérarchie. Ce serait un bon usage d’un document dont les intentions n’étaient peut-être pas tout à fait pures…