« Convalescence : déontologie et précarité » - N°279 – mars 1995

Toutes les générations de journalistes représentées, avec une présence significative de jeunes. Un nombre de participants encore un peu faible par rapport au degré de participation que l’on a pu observer dans les années 70 ou 80. Un certain équilibre entre l’écrit et l’audiovisuel. Mais des absences remarquées comme celles des grands quotidiens de l’Est, de l’Ouest ou du Sud que la sur-représentation du Nord ou de RadioFrance ne saurait faire oublier. L’union syndicale des journalistes français CFDT est aujourd’hui en convalescence. Les résultats des élections à la commission de la carte l’ont montré. La dégringolade est arrêtée, ce qui somme toute, n’est déjà pas si mal compte tenu de ces dix années de crise que nous venons de vivre et qui ont amené nombre de nos adhérents à quitter un navire qui ressemblait plus à un bateau ivre qu’à une organisation dynamique et efficace. Et pour en arriver à ce désastre, nous n’avions même pas eu besoin de conflits de personnes. Les querelles et les imbroglios structurels avaient suffi à ce laminage. (…) Ayant désormais la garantie de moyens financiers stables calculés sur la base du nombre de journalistes syndiqués à la CFDT, l’USJF pourra mener, en concertation avec les autres composantes de la CFDT oeuvrant dans le champ de l’information, la politique votée par l’A.G de Villefranche-sur-Saône, qui a défini comme priorités d’actions la lutte contre la précarisation de la profession et contre les dérives déontologiques.

Déontologie et précarité

Les dérapages déontologiques sont en effet de plus en plus fréquents du fait de l’évolution vertigineuse des moyens et des techniques de communication, du fait aussi de la confusion grandissante entre l’information et le spectacle, entre l’information et la communication. Ce sont des dérapages qui font que les journalistes aujourd’hui, et c’est là un paradoxe, n’ont pas bonne presse. Dans ce contexte, il apparaît plus que jamais nécessaire que la profession se donne les moyens de lutter contre les dérives éventuelles des pratiques professionnelles avant que d’autres ne profitent des circonstances pour nous imposer un ordre professionnel. Organisme paritaire reconnu par l’ensemble de la profession, la commission de la carte d’identité professionnelle des journalistes ne doit plus se contenter de dire qui est journaliste et qui ne l’est pas, elle doit aussi provoquer des débats dans la profession en formulant des avis sur les éventuelles dérives des pratiques professionnelles, dont elle peut être amenée à avoir connaissance. C’est dans ce but que l’USJF-CFDT va organiser en mai prochain deux grandes journées de réflexion consacrées à ces problèmes déontologiques. Ce combat ne saurait laisser indifférents les journalistes CFDT qui doivent se saisir de ces problèmes déontologiques partout où ils se posent avec les outils dont ils disposent (délégation du personnel ou conseils de rédaction, là où il en existe) car ce combat est étroitement lié à ce lui pour une amélioration des conditions de travail des journalistes. La déontologie n’est pas seulement affaire de conscience professionnelle, de morale, de conviction ou d’éthique personnelle. Elle est en effet étroitement dépendante des conditions de travail dans lesquelles le journaliste exerce quotidiennement sa profession. La multiplication des journalistes précaires (pigistes dans la presse magazine et dans les radios locales privées, faux correspondants et journalistes sous contrats à durée déterminée dans les quotidiens régionaux et nationaux) rend notre profession plus vulnérable aux pressions éventuelles de nos employeurs ou aux sollicitations insistantes de nos interlocuteurs. Parce qu’ils sont plus vulnérables, les salariés précaires ont le droit de pouvoir compter sur nous. Il y a là une obligation morale autant qu’une impérieuse nécessité. Il ne faut pas s’y tromper : la défense de leur droit est un contrat qui concerne tous les journalistes car les employeurs des ‘« précaires’ » sont aussi ceux des ‘« titulaires’ ». Jamais en effet nous n’avons été aussi près de ce fameux journal sans journalistes auquel rêvent certains patrons de presse d’autant que les techniques le permettent, ne serait-ce que par le développement du télétravail. Malgré l’action constante de la CFDT sur ce terrain, ce phénomène de précarisation galopante de la profession se constate aujourd’hui dans toutes les formes de presse même s’il est de beaucoup plus grande ampleur dans les magazines ou les radios locales privées que dans les grands médias écrits ou audiovisuels. Sur ce point aussi il y a urgence et la réaction doit être à la hauteur du problème posé. C’est de la survie de notre profession, qu’il s’agit…