Le syndicat général des journalistes F.O

« La Morasse »

« Les pressions et atteintes aux libertés » N°834 – septembre 1990

Les pouvoirs politiques, judiciaires étatiques ont multiplié ces derniers mois les tentatives d’atteintes à la presse s’attaquant une nouvelle fois aux journalistes pris comme boucs émissaires. A l’occasion de la présentation, par le PCF, d’un projet de loi sur la répression des actes xénophobes et racistes, lors de la session de printemps de l’Assemblée Nationale, diverses propositions ont été votées en première lecture qui ont suscité la réprobation de tous les professionnels et démocrates avertis. Il apparaît que des reculs ont été négociés mais il reste qu’une nouvelle fois le danger existe et que le coup est passé près. Une disposition demeure que nous réprouvons formellement : le directeur de la publication ne serait pas systématiquement coresponsable des délits de presse commis dans son journal. Or, le journaliste, sur qui pèserait seul, au plan civil et pénal, la responsabilité, reste bien évidemment subordonné, de par son contrat de travail, au propriétaire du journal, au responsable de la publication écrite ou audiovisuelle. Il serait, si on continuait dans la voie actuelle, doublement victime des ordres de son patron, de sa hiérarchie auxquels il ne peut se dérober, puis éventuellement puni de les avoir suivis. Le principe de cette coresponsabilité a été posé par la loi de 1881 sur la presse, première et seule loi démocratique en ce domaine. Notons d’ailleurs à ce sujet que depuis le début du siècle, les dispositions, complétant ou annulant cette loi, ont, toutes, été répressives : Suppression du jury en matière de presse, mesures restrictives prises sous couverts de ‘« protection de la jeunesse ’», etc. Venant à la suite de cette affaire, les événements du Golfe (par ailleurs et quel que soit le jugement que l’on peut porter sur le fond diplomatico-politique, prétextes à une nouvelle offensive contre les salariés) ont été l’occasion de déclaration et prises de position contre les journalistes et qui mettent en cause la liberté d’information. Tout en approuvant parfois le contenu, les organes de presse ont été cependant unanimes à condamner les déclarations du Premier ministre, du 20 août, qui appelait les journalistes à ‘« s’interroger sur leur rôle et de ne pas servir l’intérêt d’une puissance étrangère ’». Ce que tout le monde a été amené à condamner, c’est le principe même de l’intervention de pouvoir politique. Pour notre part, nous ne pouvons en outre que déplorer le procès d’intention ainsi fait ‘: « servir les intérêts d’une puissance étrangère ’». Alors même qu’aux USA, par exemple, la liberté d’information (et de commentaire) de la presse écrite et audiovisuelle n’a jamais été ainsi contestée, y compris ces derniers jours. Quant à l’intervention, le 31 août, du CSA, elle est à la fois illégitime et scandaleuse. Le CSA s’adresse ‘« aux rédactions’ ». De quel droit ? Alors que la tutelle de l’information ne lui est, légalement, aucunement reconnue. D’ailleurs aucune ‘« tutelle’ » n’est acceptable sur l’information. Le CSA dit que ‘« la liberté de l’information s’exerce dans le respect des principes’ » fixées par la loi ajoute ‘« au nombre desquels figurent le respect du pluralisme, la sauvegarde de l’ordre public et les besoins de la défense nationale’ », ce que nous contestons formellement. La liberté ne s’exerce pas dans le cadre de principes abstraits, dont l’interprétation est toujours discutable, mais dans celui des dispositions concrètes des lois écrites (Etat de droit). La liberté d’information n’est subordonnable à rien, et surtout aux besoins de ‘« l’ordre public’ » ou de la ‘« défense nationale’ ». Une telle subordination n’existe que dans les régions de dictature déclarée ou lors d’état dit ‘« d’exception’ », quand les libertés fondamentales sont suspendues. Elle est, en tout été de cause, contradictoire avec les principes les plus élémentaires de la démocratie. Il nous faudra réagir à ces dérives et ces empiètements des pouvoirs sur la liberté, d’autant qu’ils prennent les journalistes, en général, et parfois même intuitu personae, pour cible directe.