« Les anciens et les nouveaux » - N°840- Juillet- Août- Septembre 1992

Pour le début de cet automne, M.Jean Schwoebel, fondateur de la société des rédacteurs du journal ‘« Le Monde’ », a prévu la tenue d’une assemblée générale des sociétés des journalistes afin de relancer une formule tombée en léthargie ces dernières années. Son ambition est de ‘« démocratiser les médias’ » par la définition de ce que devrait être ‘« l’information pour demain’ » et ‘« la participation des journalistes aux prises de décision touchant la mission actuelle de la presse. Il entend apporter’« une vision éthique et mondialiste des problèmes et une vision écologique ou plus exactement cosmique de l’information qui, dit-il, ‘« manque désespérément’ ». Il envisage même la reprise de La Cinq par les journaux dont les équipes rédactionnelles ne seront pas légalement reconnues dans les entreprises d’information, la presse sera soumise au règne du veau d’or ». Autrement dit, l’arsenal légal et réglementaire de la profession est, d’après lui, notoirement insuffisant. Le fait qu’il soit inopérants ne veut pas dire qu’il est inexistant. Nous avons des lois anti-monopole qui ne sont pas appliquées. Nous avons des lois sur la liberté syndicale qui ne le sont pas non plus. Notre syndicat avait déjà demandé que le bénéfice des aides de l’état soit retiré aux entreprises qui ne respectent ni le code du travail ni la loi, notamment en reconnaissant pas les droits des pigistes à la sécurité sociale, en négociant exclusivement avec l’organisation de leur choix, que ce soit le Livre CGT, des sociétés de rédacteurs, voire le seul SNJ ou encore en ignorant le rôle du comité d’entreprise, etc. M.Schwoebel n’a qu’une réponse à toutes ces questions, dans la mesure où il se les pose : La création des sociétés de rédacteurs. Sa pensée paraît procéder de cette appréciation sommaire selon laquelle les syndicats feraient uniquement du quantitatif, bornant leur action aux revendications de salaires, et qu’il revient à d’autres de faire du qualitatif, comme si cette opposition artificielle n’était pas totalement dépassée par le fait que lorsque les syndicats interviennent à propos des retraites, de la formation, des nouvelles technologies, de l’organisation du travail et de la marche de l’entreprise, ils ne faisaient pas autant de l’un que de l’autre. Est-il nécessaire de mettre sur pied des structures nouvelles de conception corporatiste inspirées de l’association Capital / travail pour apporter aux journalistes les garanties nécessaires au sain exercice de leur profession ? Les belles formules élaborés à la Libération, et qui allaient beaucoup plus loin que les sociétés de journalistes, n’ont pas résisté aux pressions économiques du capital. Même si des formules dites ‘« modernes’ » pour instaurer un succédané de syndicalisme peuvent séduire certains confrères, le réalisme consiste à rappeler –ce que nous n’avons cessé de faire depuis l’apparition de cette formule – que ce n’est pas l’entrée de quelques confrères dans les conseils d’administration, voire dans le capital même moral, des entreprises qui suffira à faire appliquer des mesures qui déplaisent à nos employeurs. Le plus urgent et le plus efficace consiste à revigorer les syndicats de journalistes. La liberté syndicale est aussi vitale que la liberté de la presse pour asseoir la vie démocratique d’un pays jusque dans ses médias. Les deux sont inséparables. La réponse aux élucubrations de M. Schwoebel est entre les mains des journalistes syndicalistes.