Présentation de mes travaux de recherche. Les commentaires qu’ils ont suscités :
Ce n’est pas un instrument 922 pour ou contre les journalistes, c’est un instrument pour ou contre l’Administration, les administrations. Tenter de faire labelliser les agences de presse. C’est-à-dire que l’on a aucun problème… la Charte quand on l’a créée on l’a aussi envoyée aux syndicats de journalistes qui n’ont pas hurlé parce qu’il n’y a pas grand chose qui puisse les faire hurler là-dedans. Je ne la connais pas par cœur. Je peux dire qu’il y a un paragraphe qui peut gêner, et pas nécessairement les journalistes, c’est celui qui concerne la vie privée où l’on a intentionnellement dit autre chose que la jurisprudence établie à partir de l’art 9 du code civil 923 . On a dit très clairement que ‘« la vie privée des personnes publiques, on la prenait en main à partir du moment où, professionnellement, on estimait que tel aspect de la vie privée d’une personne publique peut avoir des retombées sur la vie publique donc pour l’information du citoyen’ ». C’est un truc qui n’est pas du tout pris en compte par la jurisprudence, au contraire, la jurisprudence dit clairement ‘« les personnes publiques ont droit à leur vie privée, comme les autres’ », point ! Nous, on dit "non, pas tout à fait". Et on le dit très intentionnellement. Pour le reste, y’a rien qui puisse chiffonner les journalistes. Je ne crois pas que ça puisse être conçu comme un instrument de pouvoir pour discuter de quoi que ce soit avec les journalistes. C’est une arme éventuelle pour discuter avec les magistrats. On a pensé aux magistrats en écrivant ça. On leur a dit ‘« nous, on n’est pas d’accord avec vous sur la vie privée des personnes publiques ’». On estime que, nous, les journalistes on est mieux à même de décider, et pas vous, les magistrats, ce qui doit être sorti de la vie privée des personnes publiques et donner en pâture, si vous voulez. On peut citer comme exemple récent, ‘« Chirac’ ». C’est très clair, pour nous, il n’y a aucune entorse à la déontologie professionnelle à parler de ça. Bien au contraire, c’est notre devoir.
- Elle (la Charte de la FFAP) n’a pas de valeur juridique ! ?
Aucune. Aucune. Mais on a déjà vu des textes anciens exhumés en justice de temps en temps, pourquoi pas demain ! Elle n’a aucune valeur juridique, bien sûr. Cela dit la jurisprudence sur la vie privée fait à partir de l’article 9 du code civil, ce n’est qu’une jurisprudence. Pas une fois, dans un texte de loi ou un texte législatif, vous trouvez la moindre allusion au droit de l’image. Ça n’existe pas. Je considère que si les magistrats inventent quelque chose, c’est parce que le législateur ne le fait pas. Et le droit à l’image, c’est pour moi un exemple parfait, d’une absence de législation. Donc le législateur n’a pas fait son boulot, c’est le magistrat qui se substitue au législateur. Ce n’est pas bien.
Comme vous l’avez dit vous-même, une jurisprudence c’est évolutif donc ça n’offre aucune visibilité pour les entreprises. Les agences de presse, tout ou partie aujourd’hui, ignorent si elles vont être condamnées à rien, à un franc symbolique ou à beaucoup d’argent. C’est contraire à la loi tout ça. Ça manque de visibilité. Le droit à l’image n’existe pas dans la législation française. On intervient auprès du législateur pour qu’il fasse un article 9 du code civil qui dise quelque chose. Il ne dit rien.
Je pense que c’est l’idée, un jour ou l’autre, les chartes professionnelles…je crois que c’était la première dans une corporation professionnelle. Y’a eu des chartes déontologiques dans les entreprises. Je crois que c’est historiquement la première en France qui concernait une corporation professionnelle en dehors des chartes de journalistes. Nous, on l’a fait parce que l’on pense qu’un jour ou l’autre ce type de texte sera pris en compte. Dans la presse, y’a quelque chose qui est unanime, on ne veut pas d’un ordre professionnel. Et en même temps, on cherche à trouver des modes d’arbitrage, il en existe plein en matière de droit social, notamment, qui sont vraiment exorbitants du droit commun propres à notre métier. Y’en a pas sur le plan de la déontologie. Je pense que, de temps en temps, ce type de texte pourrait être exhumé pour une table ronde qui pourrait se tenir à la rentrée et qui pourrait traiter du droit à l’image, par exemple. J’y crois beaucoup. Ca sera cette année ou une autre année. Les mois qui précèdent les élections présidentielles, en général, ne sont pas propices aux grandes réformes législatives.
- En la lisant, j’ai eu l’impression, et plus encore, que vous parliez plus de vos droits que de vos devoirs ! ?
Ouais, c’est une explication de métier et puis y’a une petite part sur les droits et les devoirs.
Je vais vous balancer des poncifs, excusez-moi. Internet, nous on constate qu’il y a de tout. Tout et son contraire en général. Y’a de très belles informations élaborées par des professionnelles et de superbes manipulations élaborées par des gens qui ont intérêt à la manipulation. Je suppose, par ce principe en tout cas, que les internautes ont besoin ou envie de savoir ce qui est de l’information et ce qui n’en est pas. En parallèle, nous partons du principe que, nous, Agences de presse française, obéissons à une législation unique au monde, unique au monde, qui nous oblige à vendre de l’information principalement à des médias et les médias qui achètent de l’information ils veulent que ça soit de l’information et qui nous interdit toutes recettes de publicité. C’est absolument unique au monde dans l’histoire de la communication. On est les seuls. On essaie de partir de ça pour résoudre le problème en amont. Et on va arriver à dire ‘« nous seuls au monde sommes susceptibles de dire voilà l’information a été élaborée par un journaliste professionnel, elle obéit à une règle de loi qui est très précise et à une déontologie »’ Voilà, on a fait la moitié du boulot. On a dit que l’on était bon et qu’on savait faire. On va bien être obligé de dire que l’on n’est pas tout à fait les seuls au monde, peut-être, mais c’est déjà plus mon problème fédéral à moi. Ce n'est pas un problème d’adhérents à la FFAP, c’est un problème qui doit être pris en compte pour les Agences de presse françaises reconnues par la commission paritaire figurant sur une liste paraissant au J.O, etc. Les contrôles sont réels. On en parle tout le temps sauf qu’il y a des moments ou l’on en parle plus qu’autre chose. Y’a même chez nous des bagarres entre certains directeurs d’entreprise et des directeurs d’agence qui sont majoritairement des journalistes mais pas exclusivement des journalistes. De temps en temps, y’a des grosses discussions entre les directeurs d’agence journalistes qui parlent déontologie tout le temps. Ils sont autant journaliste que directeur d’agence et ceux qui ne sont pas issus du milieu journalistique et qui disent ‘« attendez, on est là pour faire fonctionner les entreprises pas pour parler déontologie »’. Y’a déjà des discussions là dessus. C’est à longueur d’années mais y’a certainement des moments où l’on en parle plus. Les moments dits de dérive ne sont pas les moments les plus propices, d’abord parce que, à chaud, on ne fait rien de bon à mon avis. Ce ne sont pas les plus propices à élaborer des textes intelligents sur la déontologie. Notre Charte a été faite à froid et pas à chaud. Ça a été fait bien avant Diana. Ce n’était pas un texte circonstanciel, c’était un texte pour l’avenir, pour semer. Il n’a jamais été revu, tout le monde dit qu’il faut le revoir et puis, quand on le relit, on se dit y’a pas grand chose à retoucher.
Je vais vous dire l’écueil entre employeurs et salariés. C’est très clair. Personne ne va vous le dire, moi je vais vous le dire. C’est très clairement de dire une charte de déontologie qui sera signée par les employeurs, oui, bien sûr, à condition que le non-respect de la Charte soit assimilable à une faute grave pour le journaliste. Et là, on n’a plus d’interlocuteur. Donc, il n’y aura jamais une signature commune. Donnant, donnant.
-Vous déléguez la faute ?
Non, non, on ne délègue pas. C’est une responsabilité de toute façon partagée. Y’a la responsabilité du directeur de publication et puis celle l’auteur.
- Vous le présentez comme tel (non-respect assimilable à une faute grave) ?
Non pas du tout. On discute de ça dans les salons, de temps en temps. Pour rigoler. Les organisations syndicales ne signeront pas, évidemment. Un syndicaliste ne peut pas fabriquer de futur croche pied à ses adhérents. Donc, il n’y aura jamais de signatures communes. Chacun aura sa charte qui, peut-être, sera la même à quelque chose près. Personne n’ose le dire mais tout le monde le sait.
Oui, mais uniquement pour la raison que je vous ai dite tout à l’heure. Ce n'est pas du tout un obstacle de morale ou de déontologie. Les entreprises de presse, dans leur immense majorité, en tout cas c’est vrai chez nous, les syndicats de journalistes sont absolument sur la même longueur d’ondes. On dit la même chose au même moment. Sans se concerter quand y’a un problème quelque part, etc. On fait des communiqués, on pourrait se les échanger. On parle de « La » Charte de déontologie des journalistes, d’ailleurs y’en a pas une, ce n’est pas vrai, y’en a trois ou quatre mais différentes, elles disent pas toutes, très exactement, les mêmes choses, nous c’en est une de plus. Il y a un corpus de Chartes professionnelles, de déontologie, on trouve exactement la même chose à quelques détails près.
- Vous en êtes sûr ?
Y’a pas d’oppositions sensationnelles, à ma connaissance, enfin dans les textes que je connais. Je connais quoi, la mienne, celles, au pluriel, des journalistes. Y’a par-ci, par là, des trucs qui ne vont pas, plus, parce que ce sont des textes anciens qui n’ont pas été revus ou réactualisés.
- Celle du SNJ ?
Nous, elle ne nous suffisait pas. Une entreprise ne peut pas prendre la charte de déontologie de ses salariés. C’est l’engagement de l’entreprise. Ce n’est pas l’engagement des salariés. C’est l’engagement de l’entreprise vis à vis de ses clients.
- Pourquoi ne pas l’appeler « cahier des charges » ?
C’est la même chose. Ca y ressemble furieusement, non. Vous ne trouvez pas ! Y’a trois pages de cahier des charges et une demi page de charte déontologique. Charte de déontologie, ça sonne mieux. Quand on l’a élaborée, y’a eu un gros travail de fait en interne. Y’a eu une assemblée générale spéciale pour la voter, l’amender, etc. Ca a duré une journée entière, tout le monde est intervenu, c’était très riche dans les débats et puis on l’a ressortie lorsque l’on a créé une commission de labellisation, pour vous donner le contexte, trouver un label pour Internet et puis pour les autres médias, label agences de presse, pas un label fédération. On a dit « bon ça va reposer sur quoi ? » Ça va reposer sur le fait que les entreprises sont reconnues par la commission paritaire donc obéissent à une législation plus à un engagement sur un texte qui pourrait être la Charte. On a ressorti la charte. J’ai eu l’impression que tout le monde la découvrait après l’avoir complètement oubliée. Il y a eu un intérêt ponctuel alors que ça ne correspondait pas à une période de crise du tout. On la retrouve maintenant alors que tous les nouveaux adhérents, et les statuts de la fédération le précisent, s’engagent par écrit sur le règlement intérieur et sur la charte. Tout nouvel adhérent nous envoie d’abord son accord sur la charte. Y’a pas beaucoup de corporation professionnelle qu’il le fasse à ma connaissance. C’est-à-dire que, n’est pas adhérent, celui qui refuse d’appliquer la charte.
Je vais vous donner deux réponses là encore. D’abord l’unicité de la profession n’existe pas. Y’a un statut du journaliste. Bon. C’est un statut social, quasi exclusivement, mais vous ne me ferez jamais accepter qu’un journaliste qui travaille dans un quotidien et qui fait de la politique, qu’un journaliste qui travaille à la télé et qui fait de la société, le journaliste qui travaille dans la presse spécialisée, dans la presse professionnelle fait le même métier. Ce n’est pas vrai.
Ils ont tous la carte de presse, non !
Et alors. L’unicité de la profession, c’est bidon. Ca amuse tout le monde, mais ce n’est pas vrai. Chaque fois que quelqu’un, en dehors de moi et de mon franc parlé, tout le monde le sait, écrit quelque part qu’il y a X catégories de journalistes, bon, le résultat on le connaît d’avance, ça été encore fait par Claude Sales à la demande de Trautman, dans un rapport etc., le lendemain tout le monde dit : ‘« Vous portez atteinte à l’unicité de la profession’ ». C’est une rigolade.
Comment expliquez-vous, qu’en amont, il y ait une carte de presse et, qu’en aval, l’information bien souvent se répète et est la même ?
Parce que vous ne lisez que la grande presse. Si vous regardez la presse spécialisée, elle ne parle pas du tout de la même chose et on n’en parle pas du tout de la même façon. Et puis y’a le poids de la publicité…
Ah, la bonne vieille contrainte chère aux journalistes !
Y’a pas un journaliste en presse spécialisée, même grand public, qui ne soit pas contraint par les annonceurs.
Et vous, les agences, qu’en est-il de la pression publicitaire ?
Nous, on est les seuls à être interdits de ressources publicitaires.
Aucune pression publicitaire !
ça peut arriver que la dépêche ne passe pas, ça change quoi !
Rétention d’information…
On va ouvrir une parenthèse là, parce que c’est amusant. L’AFP, pour prendre cet exemple là, mais on peut le répéter à l’infini, a un fil France qui contient, à peu près, 1200 dépêches. Pour constituer, ces 1200 dépêches par jour, elle en reçoit un peu près 8 fois plus, ce qui veut dire qu’elle en jette 7 sur 8. Ce n’est pas rétention d’information, c’est un choix professionnel de hiérarchisation. Ce n’est pas sous la pression que le chef de desk jette l’information mais parce qu’il n’a pas la place de mettre 15000 dépêches par jour et parce qu’il le juge pas suffisamment intéressant, pas suffisamment porteuse d’information pour l’avenir, en manque de perspective, etc. C’est uniquement un travail professionnel. Le premier travail du journaliste et plus encore du journaliste d’agence, c’est de trier dans ce qui va être en diffusion et dans ce qui va partir à la poubelle. Ensuite les 1200 dépêches diffusées par l’AFP, elles vont être utilisées à quel pourcentage par les clients de l’AFP ? A 10 à 20 %. Vous ne trouverez aucun journal en France qui utilise 1200 dépêches par jour. ça veut dire que lui-même a refait derrière, professionnellement, en fonction de l’intérêt présumé de ses lecteurs, etc. un nouveau choix. Poubelle Diffusion, Poubelle Diffusion. Il n’y a pas de rétention d’information. Le journal utilise les dépêches comme il l’entend, ce qu’on lui demande c’est de ‘« sourcer’ ». Ils sourcent pour se protéger eux-mêmes. Le fil de l’AFP est adressé en même temps à plus de 1000 organes de presse. Vous ne pensez pas que l’on va supprimer tout ce qui concerne tous les actionnaires des 1000 clients AFP. Ca ne tient pas debout. C’est une peur qu’il faut éliminer dans l’esprit du public. Quelques fois les agences sont manipulées contre leur gré mais elles ne s’autocensurent pas, ce n’est pas vrai. Pour un client qui ne sera pas satisfait, les 999 autres seront ravis. L’Agence, elle ne repose que sur la fiabilité de l’information. Si elle s’amuse à balancer n’importe quoi elle perd des clients très vite. Le problème est réglé. Elle ne repose que sur son sérieux et sur son travail. Quand Juppé intervient auprès de l’AFP, ça fait rigoler toute une profession. Croire, quand on est Premier ministre, qu’intervenir auprès du président de l’AFP pour que le fil de l’AFP change c’est une rigolade. Le président de l’AFP est directeur de publication, les journalistes sont responsables professionnellement de ce qu’ils diffusent. Ce n’est pas le président de l’AFP qui va descendre pour dire ‘« telle dépêche faut pas la diffuser’ », il est viré sur-le-champ, c’est clair. L’intervention du Premier ministre est sans effet et il se ridiculise.
Les chartes d’entreprise, c’est un peu stupide ce que je vais dire, correspondent à une culture d’entreprise. En même temps à un corpus déontologique mais à une culture d’entreprise. C’est pour ça que, d’un titre à l’autre, elles ne sont pas tout à fait pareille. Mais moi j’y vois tellement de points communs…
Vous en êtes sûre ?
- Selon l’enquête menée par la FNPF en 1998, oui.
Je ne vois pas comment la charte…C’est l’engagement de l’entreprise à l’égard de ses clients et pas l’engagement de ses salariés.
- Et votre Charte ?
C’est une charte puisque les Agences de presse l’ont rédigée et l’appliquent.
- Et celle du SNJ, vous ne vous y reconnaissez pas ?
Je ne la connais pas par cœur. Vous savez la charte du SNJ, elle a été revue en, heu…47.
- elle a été révisée en 1938
Ah ! , 38, bon, elle a eu des essais de révision qui pourraient être appliqués. Et les essais sont intéressants de temps en temps.
- Et celle de Munich ?
Très proche. Très proche. Encore une fois, parce que je survole plus que je n’analyse, mais j’y vois plein de choses en commun et des petites différences. Ce qui m’inquiète le plus, dans les chartes des journalistes, c’est quand ils disent par exemple qu’un journaliste ne doit pas cacher son identité professionnelle etc. C’est fini ça, il faut le gommer de la charte. C’est une bêtise. Si on veut avoir, par exemple, des informations sur la Corée du sud et bien les gens qui partent de Paris pour ramener un reportage, il ne faut surtout pas qu’ils disent qu’ils sont journalistes. Surtout pas. Sinon d’abord ils n’ont pas de visa et ensuite, si jamais il veut un visa, il ne pourrait pas l’obtenir. De temps en temps il ne faut pas hésiter à cacher sa profession de journaliste. Le travail du journaliste c’est l’information. Ce n’est pas autre chose. Ce n’est pas se faire plaisir. C’est informer. Et la législation européenne qui est bien mieux faite que la législation française parle d’information dérangeante.
Y’a un truc extrêmement particulier concernant les journalistes en France, ça s’appelle la commission arbitrale. Elle est instituée par la loi, par le code du travail. Elle est abritée à la commission de la carte mais elle pourrait être arbitrée n’importe oùailleurs. La commission arbitrale se réunit dans deux cas. Licenciement d’un journaliste, quelle qu’en soit laraison, lorsqu’il a plus de quinze ans d’ancienneté. Licenciement d’un journaliste pour faute, quelle que soit son ancienneté. Et le résultat est que vous pouvez avoir un journaliste licencié pour faute dont les prud’hommes confirment que c’était une faute grave justifiant le licenciement sans indemnités et, derrière, la commission arbitrale lui donne de l’argent au titre de l’indemnité de licenciement. Je ne sais pas si c’est unique au monde, c’est ce que l’on appelle une législation exorbitante du droit commun. C’est parfaitement crétin et on a vu des journalistes fautifs, faute avérée confirmée aux prud’hommes, partir avec un énorme chèque.
La commission arbitrale fait partie du code du travail.
- Qui la préside ?
Un magistrat.
- Elle est paritaire ?
Ouais, si on peut dire. C’est une forme juridique particulière. Elle est présidée par un magistrat et il y a quatre arbitres, deux qui sont nommés par les syndicats d’employeurs et deux qui sont nommés par les syndicats de journalistes. Et il n’y a pas d’appel. Pas mal ! !Hein. C’est une décision de justice sans appel qui ne correspond pas du tout, et toute la jurisprudence le dit, à ce que disent les prud’hommes. Les deux sont indépendantes. Les prud’hommes dit oui ou non, il y a faute grave ou il n’y a pas faute grave et la commission arbitrale donne le chèque. Elle peut donner zéro. Donc cela veut dire qu’un journaliste licencié pour faute, il part avec de l’argent. C’est le seul salarié en France qui parte avec de l’argent. Donc ça n’incite pas. C’est pour ça que je dis « on signera la charte du journaliste quand le non-respect de la charte sera faute professionnelle grave » car c’est très intentionnel.
- Je rattache directement ses propos à la question suivante :
Ouais, mais je ne suis pas forcément d’accord. Y’a des pays, par exemple l’Angleterre, où ça fonctionne différemment et où ça fonctionne bien. C’est-à-dire qu’il y a un « Press council », ce n'est pas tout à fait un conseil de l’Ordre mais…
Un conseil de l’Ordre en France !
Ouais, je sais. Un conseil de l’Ordre ça fait référence à quoi ? A Pétain ! Attendez encore une ou deux générations puis voilà.
- C’est une question de terminologie ! ?
Bien sûr. Il y aura, avant le juge, quelqu’un qui dira « oui, là il y a une faute professionnelle »
- Je rebondis :
Je pense que Larché dit un peu sûrement ce qui se fera d’ici dix ans maintenant. Peut-être deux ans. Y’a des amorces. Notre essai vers une labellisation qui reposera beaucoup sur une charte, on ne va pas le faire que pour nous parce que l’on sait, on n’est pas suffisamment idiot pour penser que l’on puisse dire très longtemps « nous sommes tous seuls au monde à diffuser l’information fiable ». ça va de soi que lorsque l’on aura fini notre travail qui sera, je l’espère, fini à la rentrée, qu’on ira voir monsieur Devevey qui, de son côté, fait le même travail. Et on va se réunir tous les deux et peut-être chacun aura sa charte…
- Et les syndicats de journalistes ?
On verra si l’on peut se mettre d’accord sur des textes communs mais encore une fois, les entreprises et les salariés de l’entreprise ne se mettront pas nécessairement d’accord sur un texte commun pour les raisons que je vous ai dites. Peut-être que oui, peut-être que non. Je n'en sais rien.
Peut-être (souffle). Alors j’ai deux commentaires à faire que j’ai déjà faits. D’une part, les textes il faut les revoir et, d’autre part, il faut une confrontation. ça sera annexé à la convention de journalistes le jour où les syndicats de journalistes accepteront de dire, qui est une demande absolument légitime des employeurs, même sur le plan de la déontologie, que le non-respect est une faute. Tant qu’ils ne l’auront pas accepté, il n’y aura pas de texte commun. Chez nous, Agences de presse, il n’y a sûrement pas la revendication d’abandonner la responsabilité pénale du directeur de la publication bien au contraire, car c’est ce qui nous différencie des autres. Donc la responsabilité pénale du directeur de publication, nous on y tient énormément. On la revendique. A mon avis, formaliser le texte ensemble ce n’est pas un problème. Avoir un consensus ensemble sur un texte déontologique, ça n’est pas un problème.
Pour moi, la déontologie du journaliste ça consiste à porter à la connaissance du public toutes les informations susceptibles d’intéresser le citoyen.
- Mais c’est quoi une information susceptible d’intéresser ?
Ah ! Après effectivement. Y’a un malheur en France, on n’a jamais défini ce qu’était l’information. On arrive à des petits bouts de définition en disant l’information, ce n’est pas la communication. Alors c’est quoi la différence ? Une entreprise qui va être payée, précepteur pour publier quelque chose, c’est de la communication. Une entreprise qui n’aura comme rémunération que celles de son client pour qui on publie, on diffuse, ça sera de l’information. Qui paie quoi ? Telle est la question.
- L’une des particularités des agences de presse c’est de ne pas être soumises au couperet du grand public ! Les entreprises de presse, quant à elle, sont attentives aux attentes de leur public ! Vous n’avez donc aucune pression.
Les agences de presse, elles sont soumises à la pression de leur client, bien évidemment.
- Ne m’avez vous pas dit le contraire tout à l’heure !
Ce n'est pas des pressions au quotidien
Ah ! ça change tout…
Non mais attendez, ce n’est pas des pressions au quotidien pour changer la dépêche, etc., etc. La pression elle est financière, c’est-à-dire on s’abonne ou l’on se désabonne. Mais c’est la fiabilité de l’information qui fera que le client est fidèle ou pas. Le client, il peut détester telle ou telle dépêche de l’AFP, il restera abonné à l’AFP parce que, parce que…Il ne trouvera pas ailleurs et au même prix la même chose, de la même qualité. La sanction elle est commerciale, pas politique.
Vous savez en France, la presse est tellement pauvre qu’elle est réduite à un petit nombre de sources d’information. Mais si on regarde chez nos voisins, on va prendre l’Allemagne au hasard, y’a pas un journal ou un quotidien qui ne soit pas abonné à plusieurs agences de presse…
- Oui, peut-être, mais si nous prenons le Bild Zeitung, il tire à 3 millions d’exemplaires je crois…
Le Bild Zeitung c’est un hebdomadaire !
- Pourtant, récemment il y a eu une enquête et il me semble que le Bild Zeitung arrivait en tête des tirages quotidiens (après vérification, le Bild Zeitung est bien un quotidien dont la diffusion totale s’élève à 4 256000. Il s’agit du plus grand tirage de quotidien en Europe. Source : Association Mondiale des journaux, 2000, Diffusion Contrôle)
Bon peu importe. ça ne change rien. La presse quotidienne française est plus pauvre quelles qu’en soit les raisons, que ses voisins anglais ou allemands qui sont abonnés à plusieurs agences. Bon c’est vrai, vingt ans avant la pression du gouvernement sur l’AFP, enfin vingt ou trente ans je ne sais pas, elle était réelle et efficace. C’est terminé parce que si c’était encore le cas, l’AFP aurait disparu. C’est impossible. Il s’est passé quoi ? Au moment de la guerre d’Algérie, ce n'est pas tout jeune, l’AFP s’interdisait un certain nombre de choses. Il s’est passé quoi ? Il s’est passé qu’un concurrent a diffusé l’information. A partir du moment où l’agence fait bien son travail elle est prospère. Si elle fait mal son travail, elle disparaît.
De manière générale, les moyens des entreprises de presse sont faibles. Les dépenses rédactionnelles sont de plus en plus faibles, on demande aux journalistes de plus en plus de choses et y’aura forcément de plus en plus de dérapages puisqu’il y a absence de contrôle.
Elle pourrait avoir un rôle. Aujourd’hui elle n’a pas ce rôle encore une fois parce que le journaliste a un statut fiscal et social. La distribution de la carte que vont solliciter les journalistes, on aura toujours une majorité de gens qui ont un copain qui veut la carte, on lui donnera d’une manière ou d’une autre. C’est comme ça que ça se passe. C’est tout à fait possible que la commission de la carte soit le moteur, je ne sais pas qui sera le moteur, je suis certain qu’il y en aura.
La Charte de la FFAP.
Art. 9 du code civil : «chacun a droit au respect de sa vie privée».