1945-1947 : Tisser la chrysalide

Suite à cette première période assez obscure mais où l’écriture se fonde, notamment grâce à la pratique de la traduction, Cortázar semble ne plus traduire pendant la première moitié des années 40. En 1941, il parle comme nous l’avons vu de son « passé de traducteur » : il ne traduit donc plus et ne semble pas envisager de reprendre cette activité.

Pourtant, entre 1945 et 1947, paraissent 7 traductions, toutes excellentes et vraiment fondatrices pour son œuvre postérieure, nous le verrons.

En 1944, Cortázar a 30 ans, il est professeur depuis quelques années dans la petite ville de Chivilcoy, où l’ambiance commence à devenir irrespirable 42 . C’est là qu’il produit la première traduction de cette série, qui paraîtra en 1945 : le Robinson Crusoe de Daniel Defoe. Peu après, il obtient un poste de professeur remplaçant à l’Université de Cuyo, à Mendoza 43 , où il restera deux ans, jusqu’en 1946. Il y traduit Memorias de una enana de Walter de la Mare, avant de démissionner pour des motifs politiques. De retour à Buenos Aires, il devient en 1946 gérant de la Cámara argentina del Libro, une importante association d’éditeurs. Il est désormais impliqué dans le milieu éditorial argentin et semble se « professionnaliser » dans la littérature : il traduit beaucoup et toujours des livres d’une grande qualité.

On le voit, nous avons ici affaire à un Cortázar en mutation : en deux ou trois ans, il prend un véritable tournant de vie. Il ne sera plus jamais enseignant de province et se professionnalisera toujours plus vers la littérature. Cette chrysalide biographique correspond également à une période de maturation littéraire : il n’est pas anodin qu’il traduise des livres comme Naissance de l’Odyssée de Giono ou L’Immoraliste de Gide. Nous sommes ici face à un véritable laboratoire littéraire : Cortázar explore des styles, des techniques et des poétiques très diverses en même temps qu’il questionne et malaxe sa langue maternelle.

Mais à présent, voyons cela en détails.

Notes
42.

Voir Cartas, p. 163.

43.

Cartas, p. 163, nous permet de dater avec précision la charnière, puisqu’il dit avoir quitté Chivilcoy le 4 juillet 1944. Il s’installe ensuite à Mendoza.