Carol Dunlop, Llenos de niños los árboles : pour un amour

Ce livre posthume se présente sous la forme d’un album mêlant photographies et textes de Carol Dunlop. Il mesure 18 cm par 26, comporte 53 pages et possède une couverture verte rehaussée de photographies en noir et blanc. L’édition est en charge de Manuel Mejía et présente un prologue de Claribel Alegría. Ce livre paraît à Managua, au Nicaragua, en août 1983, avec le double patronage « Editorial Nueva Nicaragua – ediciones Monimbó ». La couverture porte la mention « Traducción de Julio Cortázar ». La langue originale n’est pas précisée, ce qui est problématique puisque Carol Dunlop écrivait aussi bien en anglais qu’en français.

Le décès de Carol Dunlop s’est produit le 2 novembre 1982. Cette traduction posthume par Cortázar est un bel hommage à cette femme qu’il a tant aimée. Elle est éditée au Nicaragua, où le couple a défendu la révolution et où a été écrit ce récit de voyage. Il faut mettre cette traduction en relation avec Los autonautas de la cosmopista, autre récit de voyage écrit à quatre mains mais publié après le décès de Carol, ainsi qu’avec Nicaragua tan violentamente dulce, un texte politique et informatif de Cortázar sur la révolution nicaraguayenne.

Llenos de niños los árboles est à mi-chemin entre le journal et le récit de voyage. Il se compose de neuf petits textes autonomes ayant tous trait au Nicaragua sandiniste et plus particulièrement à ses enfants. Ces derniers présentent une grande étrangeté aux yeux de la narratrice : ce sont des enfants comme les autres, gais et joueurs, mais ils ont aussi été soldats durant la révolution ; les entendre raconter la guerre avec leurs mots d’enfants est fort troublant. Ils représentent par ailleurs l’avenir du pays, la promesse d’une société plus égalitaire. Mais le livre est aussi le portrait d’un pays en ruine où tout est à reconstruire : hôpitaux, écoles, maisons même. Le style est fluide et le regard de la narratrice imprégné de tendresse, sans pour autant tomber dans la sensiblerie ni dans le cliché idéologique. Cela en fait un récit touchant, humain, qui ne cherche pas à convaincre mais à témoigner, depuis une voix de l’intime.

Le 11 octobre 1983, Cortázar écrit à sa mère :

‘Dentro de tres semanas será el primer aniversario de la muerte de Carol, pero para mí sigue siendo como si fuera el primer día. Mi única manera de sentirme un poco mejor ha sido trabajar en un libro que estábamos haciendo juntos [Los autonautas de la cosmopista], y que saldrá editado el mes que viene ; por supuesto te lo enviaré enseguida. Ahora quiero traducir al español sus cuentos, que son bellísimos, y darlos a algún editor. Así me hago la ilusión de que ella está a mi lado, pues la alcanzo a través de sus escritos y la siento muy cerca. 294

Nous n’avons pas retrouvé la trace de cette traduction des nouvelles de Carol Dunlop par Julio Cortázar, mais nous pouvons comprendre par ce biais que la parution de Llenos de niños los árboles a eu un sens tout particulier pour lui : c’est un acte d’amour.

Notes
294.

Cartas, p. 1811. « Dans trois semaines, ce sera le premier anniversaire de la mort de Carol, mais pour moi, tout est comme au premier jour. Le seul moyen de me sentir un peu mieux a été de travailler à un livre que nous étions en train de faire ensemble [Les autonautes de la cosmoroute], et qui sortira le mois prochain –je te l’enverrai tout de suite, bien sûr. Maintenant, je veux traduire ses nouvelles en espagnol, elles sont très belles, et les donner à un éditeur. Comme ça, je me fais croire qu’elle est à mes côtés, puisque je la trouve dans ses textes et que je la sens toute proche. » (Trad. S.P.)