Janus aux deux visages : aux seuils de la traduction et de l’Écriture

Nous avons tenté de montrer jusqu’à présent à quel point le passé de traducteur littéraire de Julio Cortázar a été pour lui une véritable école d’écriture. Nous allons voir dans cette deuxième partie qu’il existe toute une frange de la littérature, et particulièrement dans l’œuvre de notre auteur, qui se trouve aux seuils de la traduction et de l’écriture, les deux se donnant simultanément, tels les deux visages de Janus.

Nous commencerons par l’étude de plusieurs manuscrits traduisant de la poésie : leur genre prédispose à une analyse du rythme et de l’image, qui, nous le verrons, ne se traduit pour Cortázar qu’en injectant une part de création propre à la traduction en elle-même, allant même parfois jusqu’au pastiche. De plus, le fait qu’il s’agisse de manuscrits nous permettra de voir la traduction en marche, en train de se construire vers après vers, avec toutes ses biffures et ses hésitations révélatrices.

Nous verrons ensuite qu’il existe dans l’œuvre de Cortázar une problématique de l’auto-traduction : il écrit et publie certains textes directement en français, puis les traduit en espagnol, les insérant dans ses almanachs. Nous avons donc là encore une œuvre à deux visages, où Cortázar est l’auteur des deux textes, ce qui influe nécessairement sur la création comme sur la traduction.

Nous montrerons enfin, qu’à l’inverse, la traduction traverse l’œuvre propre de notre auteur. Nombre de ses citations sont en réalité des traductions, mais le procédé va plus loin : la traduction sert de moteur et de motif à la production de nombreux textes.

On le verra, Julio Cortázar n’hésite pas à utiliser le recours de la traduction dans son écriture, tout comme il se sert de l’écriture dans ses traductions.