Rayuela et la traduction

Nous avons vu en première partie qu’étudier Rayuela en intertexte avec les traductions littéraires de Julio Cortázar offre un jour très éclairant sur la genèse de ce livre. En traduisant, notre auteur apprend à maîtriser des techniques qu’il met plus tard en œuvre avec brio dans Rayuela : focalisation interne sur un personnage-lecteur (Memorias de una enana), récit à double fond (Nacimiento de la Odisea), gestion des réactions du lecteur (El Hombre que sabía demasiado), structure en climax et catabases (El Inmoralista), oralité du phrasé (La Víbora), textes théoriques intercalés dans la narration, que le lecteur a le choix de lire ou de sauter (La vida de los otros)… Par ailleurs, au niveau des motifs généraux, l’influence sur Cortázar des textes traduits est également remarquable : on retiendra la notion qu’une narration peut être un chant (Nacimiento de la Odisea), qu’elle naît du questionnement de la validité des valeurs collectives et de la poétique existentialiste (les deux ouvrages de Stern) et que son moteur est une psychologie du questionnement vital (Memorias de Adriano). Enfin, au niveau des microstructures, certaines traductions fournissent des figures clairement identifiables dans Rayuela : la problématique du mensonge chez Horacio (Nacimiento de la Odisea), son comportement amoral (El Inmoralista), ses relations aux autres (le doppelgänger de Poe pour sa relation avec Traveler ; le triangle médiumnique qui fait apparaître un personnage dans un autre avec La Sombra de Meyerbeer) et les traductions fournissent même une bonne part du personnage de Morelli (La poesía pura pour sa poétique et Así sea o la suerte está echada pour son portrait en auteur mourant).

Nous allons à présent montrer que la thématique de la traduction est présente sous d’autres aspects dans Rayuela.