Interlude

On le voit, dans Rayuela, Cortázar s’applique à démonter la mécanique habituelle de l’action romanesque de sorte que le lecteur ne puisse reproduire son activité normale qui l’enferme dans un illusionnisme où il ne peut être que témoin. Les climax se jouent dans des scènes assez absurdes ; au contraire, les scènes habituellement clés sont purement et simplement éludées ; lorsque le texte ouvre un horizon d’attente, ce n’est que pour mieux décevoir son lecteur. Les personnages se substituent même à lui pour décoder l’action, en produisant un effort interprétatif, en convoquant à sa place le scénario intertextuel et en l’appliquant sur l’action.

Par ailleurs, nous avons vu à quel point l’énonciation est instable dans Rayuela : d’un chapitre à l’autre, le lecteur doit suppléer à ces instabilités en faisant des hypothèses de lectures, par inférence, analogie et attribution hypothétique.

Par ce travail de sape des fondements traditionnels du roman –l’énonciation et la diégèse–, Cortázar réussit à mettre en oeuvre son projet initial : le lecteur ne peut plus lire comme à l’habitude. L’auteur doit encore lui suggérer d’autres manières de lire, et il le fera par le biais des personnages, qui sont eux-mêmes des lecteurs très particuliers.