A - La géoarchéologie, définition

Le terme géoarchéologie est utilisé depuis les années 1970 et la définition de la notion s’est forgée progressivement. Il s’agit d’une discipline qui se situe au croisement des sciences de la Terre et de l’archéologie. L’enjeu est bien résumé par K.W. Butzer (1982)pour qui l’archéologie ‘«’ ‘ has been equally dependent on geology, biology and geography…during its development… ’ ‘[and] is heavily dependent on…the natural sciences ’ ‘»’. La géoarchéologie est donc née de l’importance constatée par les archéologues eux-mêmes de l’utilisation des sciences de la Terre, et particulièrement de la géographie physique, dans leurs analyses.

La géoarchéologie a alors évolué en une discipline considérée par certains comme une branche de l’archéologie (Rapp Jr. et Hill 1998) et pour d’autres comme une branche des sciences de la Terre (Königsson 1989, pour qui la géoarchéologie est indépendante de l’archéologie et est considérée, avec les sciences de la Terre, comme une « service science » pour l’archéologie). Dans la première perspective, G.R. Rapp Jr. et C.L. Hill (1998), perçoivent la géoarchéologie comme une science qui utilise les méthodes, les concepts et les techniques des sciences de la Terre (géographie et géologie) pour étudier les artefacts et les processus impliqués dans la création des données archéologiques. Dans ce cadre, les objets comme le paysage, lorsqu’ils résultent de l’action humaine, sont considérés comme des artefacts et sont donc analysables par l’archéologie. Pour les deux auteurs précités, cette définition implique donc de considérer la géoarchéologie comme une branche de l’archéologie et de n’importer des concepts des sciences de la Terre que pour servir des problématiques archéologiques.

Ce n’est pas le point de vue qui sera adopté ici, car il nous paraît trop restrictif. En effet, il nous semble que la géoarchéologie répond également à une perception systémique du milieu dans son évolution au cours des temps. Elle se fonde donc sur des problématiques géographiques pour lesquelles l’analyse de l’occupation humaine et de la mise en valeur du sol passe d’abord par l’étude du milieu (les interrelations entre l’Homme et la nature) et les analyses de l’espace ; l’archéologie est utilisée dans la mesure où elle apporte des éléments de compréhension de l’occupation humaine et des pratiques agricoles (ou autres) passées. Géographie et archéologie participent donc, dans le cadre de la géoarchéologie, de l’analyse contextuelle de l’occupation humaine et de son évolution historique, dans son rapport avec le milieu naturel. Nous adoptons donc une perspective que l’on pourrait qualifier de « géographique » de la géoarchéologie, ainsi que cela a été fait précédemment par J.-F. Berger et al. (1997). Elle envisage la géoarchéologie comme ‘«’ ‘ une discipline généraliste des sciences de la Terre qui coordonne les études paléoenvironnementales sur une fouille archéologique [analyse intra site ou in-site analysis] ou dans des programmes de reconstitution des paléomilieux à l’écart des lieux d’occupation [analyse hors-site ou off-site analysis] ’ ‘»’ (Ibid. p. 105). Ces auteurs mettent l’accent sur la nécessité d’une démarche systémique pour analyser l’évolution du milieu, à travers l’impact des facteurs socio-économiques et/ou climatiques sur ce milieu. Pour ce qui nous concerne, cette analyse systémique se fera hors-site puisqu’elle a pour objet la compréhension de l’organisation de l’occupation et de la mise en valeur des sols sur l’ensemble de la région et non sur un ou plusieurs sites fouillés. Il s’agira de mettre en évidence le comportement humain à l’échelle de la région et des unités morphopédologiques qui seront dégagées. Les études intra site pourraient nous apporter des informations plus précises sur le fonctionnement des petites sociétés qui ont existé dans la région. Mais cela nécessite une fouille et celle-ci n’était pas l’objet du présent travail.