B - Le déroulement de la recherche et les acquis méthodologiques

Durant les deux premières missions, en 1996 avec J. Besançon, puis seul, en 1997, je logeais à Alep, à une cinquantaine de kilomètres de la région du lac Jabbûl. Lors des missions suivantes 1998, 1999 et 2000, j’ai choisi de m’installer sur le terrain même. Cette immersion au cœur de la zone de travail a duré plusieurs mois. Elle m’a permis d’avoir une perception interne des modes de vie et des conditions d’exploitation du sol dans ce milieu aride. Il s’agissait alors de réaliser, dans un premier temps, une étude géomorphologique (1997), puis, dans un second temps, une étude des modes d’occupation dans leur contexte naturel (1998). Lors du séjour de huit mois en Syrie, mon attention a été concentrée sur l’étude géomorphologique de la période holocène en relation avec la présence humaine, et l’étude du milieu et notamment des variations des modes d’occupation et de mise en valeur agricole a été poursuivie. Ces séjours successifs sur le terrain ont contribué à la construction progressive d’une perception et d’une compréhension des régions de marges désertiques du Proche-Orient, tant au point de vue des modes d’occupation humaine que du milieu naturel. Les séjours sur le terrain de B. Geyer et son équipe, au sud du lac Jabbûl, m’ont permis de compléter ces connaissances du terrain et des techniques actuelles d’analyse du milieu, grâce au contact de chercheurs spécialisés (géomorphologie, micromorphologie, pédologie, paléoenvironnement, archéologie, géographie humaine).

Dès le début de ce travail, une base de données regroupant une partie des informations recueillies sur le terrain a été construite. Le système de positionnement par satellite (GPS) a été notamment utilisé pour localiser en coordonnées géographiques les sites archéologiques et certaines informations d’ordre naturel. Afin de mener à bien l’étude du milieu naturel, un certain temps a été consacré à l’observation de la région dans son ensemble (organisation des ensembles morphologiques, hydrographie, types de dépôts superficiels…), un grand nombre de coupes de terrain ont été analysées et localisées précisément par le GPS. Ces études ont permis de développer une vision relativement précise de la nature des formations superficielles et, par là même, de l’évolution des paysages à la fin du Pléistocène et à l’Holocène. Une première étude de l’occupation humaine s’est faite de concert, par la description et la localisation dans leur contexte naturel des sites rencontrés. Par la suite, une étude des modes d’occupation et de mise en valeur agricole a été menée de manière systématique à partir de l’observation de toutes les traces de présence humaine et de leur datation quand cela était possible. L’analyse de ces traces a ensuite été réalisée dans une perspective géoarchéologique, c’est-à-dire croisée avec les données du milieu naturel et en particulier de la ressource disponible. L’analyse a été menée tout d’abord sur l’ensemble du terrain, afin de mettre en évidence, à petite échelle et sur le long terme, les étapes de l’évolution de l’occupation et leurs liens avec le milieu naturel. Pour mettre en évidence le rôle du milieu naturel et en particulier celui des facteurs édaphiques dans l’organisation de l’occupation et dans la mise en valeur agricole à l’échelle des sites d’occupation eux-mêmes, une analyse sur trois secteurs représentatifs a été conduite à l’aide du SIG. Cette étude a été réalisé à mon retour en France, après traitement des données récoltées sur le terrain et des données numériques satellitaires, et leur intégration dans la base de données du SIG. Dans le cadre de l’utilisation du SIG, j’ai pu approfondir une méthode d’analyse spatiale expérimentée ailleurs (et que j’avais moi-même appliqué au Canada) consistant à croiser des couches de données variées pour produire des informations nouvelles. Un certain nombre d’algorithmes a été testé, en particulier l’interpolation spatiale et les calculs de distance en fonction de surfaces de friction. Il s’agissait alors de prendre la mesure de l’outil SIG et de ses capacités, tout en explorant les limites inhérentes à sa nature, en particulier la difficulté d’introduire la dimension qualitative dans les calculs.

Ces étapes de recherche se déclinent en trois parties. Dans une première partie, l’analyse sera centrée sur le milieu naturel et son évolution depuis la fin du Pléistocène. Les éléments permettant une compréhension du contexte naturel de l’occupation humaine seront mis en évidence. Dans une seconde partie, l’analyse portera sur les modes d’occupation et de mise en valeur au cours de l’Holocène et leur relation avec la ressource disponible qui sera caractérisée sur la base de l’analyse menée en première partie. Enfin, dans une troisième étape, l’étude se concentrera sur trois secteurs, pour lesquels l’analyse systémique du milieu et de son évolution sera menée dans le cadre de l’élaboration d’un SIG.