Première partie - Les conditions de l’occupation et de la mise en valeur agricole dans la région du lac Jabbûl

Introduction : le milieu naturel, entrée nécessaire pour la connaissance de l’œkoumène 42

La région du lac Jabbûl recèle un grand nombre de vestiges d’une présence humaine parfois ancienne, qui se mêlent aujourd’hui aux nombreuses petites agglomérations. L’installation des populations au cours de l’histoire a été conduite dans des contextes naturels variés et évolutifs. Bien que nous ayons conscience qu’à partir du Néolithique, les rapports entre les sociétés et le milieu naturel ne seront plus les mêmes et que le milieu sera de moins en moins « naturel », il nous paraît fondamental d’étudier en détail ce que l’on appelle traditionnellement en géographie le « cadre naturel ». En effet, pour appréhender comment le milieu a évolué, sous l’effet des influences partagées des sociétés et de la nature, il faut connaître, dans un premier temps, le poids du « cadre ». Comment peut-on le définir, quelles sont les composantes de ce cadre, quelle est la réalité de leur influence sur les Hommes... Autant de questions qui constituerons les objectifs de cette première étape de l’étude. La partie qui vient étudie donc le cadre naturel. Mais il ne s’agit pas d’un cadre enfermant comme cela a pu être stigmatisé de manière forte par R. Brunet (2001, p. 375) :

‘« L’analyse du “cadre” occupait au moins la moitié, sinon la totalité des monographies “régionales”, au point d’en évacuer le contenu même. La compétence du géographe s’est mesurée durant deux ou trois décennies à sa virtuosité dans ce seul domaine, et cette virtuosité seule l’autorisait à se préoccuper ensuite de géographie “régionale” : pour avoir travaillé dix ans sur les cailloux, on était fondé à parler des hommes (…) ».’

Il s’agit, au contraire d’une porte à franchir pour pénétrer dans ce monde particulier des steppes arides, où le poids de la nature, ses déterminants, semblent, ici plus qu’ailleurs, jouer un rôle fondamental sur les sociétés. Ce rôle est peut-être « fantasmé », comme a pu le dire R. Brunet (ibid.), mais comment en être certain, sinon par l’étude précise de ce « cadre » ?

Cette étude débute par l’analyse détaillée des différentes composantes du milieu naturel, dans la mesure où le jeu de ces composantes intervient dans la typologie du milieu naturel et de son évolution. Cette première phase sera suivie d’une analyse géomorphologique visant à mettre en évidence les étapes de l’évolution de la dépression du Jabbûl depuis la fin du Pléistocène jusqu’à la période actuelle. Au final, ces analyses déboucheront sur une cartographie des différents ensembles morphopédologiques caractérisant la région, et de leur potentiel de mise en valeur agricole.

Notes
42.

Partie habitée de la surface terrestre (George et Verger 1996)