1 - Une région centrée sur un lac temporaire

La région correspond peu ou prou à un bassin occupé en son centre par le lac Jabbûl (figure 2). Ce lac temporaire très salé (entre 92 g/l dans la partie centrale et 10 g/l dans la Sebkha Rasm ar-Ruam 44 ) incarne l’unité morphologique de la région centrale, aussi bien au plan topographique qu’au plan dynamique. En effet, il occupe une dépression localisée au centre du secteur, vers laquelle chaque élément du paysage semble converger. Cette disposition topographique influence la dynamique morphogénique générale. La dépression du lac Jabbûl est donc le niveau de base de la région, à partir duquel les différents ensembles morphologiques se positionnent (topographiquement et altitudinalement) et évoluent.

Le lac est une étendue d’eau de forme plus ou moins triangulaire. Au nord, la base du triangle s’étire sur une vingtaine de kilomètres d’ouest en est ; la hauteur du triangle, dirigée vers le sud, est également d’environ 20 km. Cette géométrie est déformée vers le sud-est par une excroissance formant un petit lac secondaire appelé Sebkha Rasm ar-Ruam, relié au lac principal par un étroit chenal. Notons que la presqu’île qui divise presque entièrement le lac à cet endroit n’est pas, comme cela avait été supposé 45 , une forme de type poulier (flèche littorale tendant à barrer un estuaire), mais le résultat de l’érosion différentielle (il existe bien une formation sableuse, mais elle n’est que superficielle ; la presqu’île est formée par un substrat constitué d’un dépôt lacustre induré, plus résistant à cet endroit). Sur sa berge ouest, le lac est bordé par le Jabal al-Has. Ce dernier est au contact direct avec le lac vers le sud, tandis qu’ailleurs ce sont les alluvions qui lui ont été arrachées qui s’étalent aux abords du lac. Ces alluvions se sont accumulées de manière à former une série de courbures convexes avançant dans le lac, qui matérialisent l’aval des cônes alluviaux. Le contact avec le lac y est progressif, comme c’est le cas le plus souvent au nord, tandis qu’à l’est et au sud il est fréquent qu’un dénivelé assez fort voire même une falaise de plusieurs mètres marque ce contact.

La profondeur du lac est homogène, ne dépassant pas 50 cm à la sortie de l’hiver. Seule la Sebkha Rasm ar-Ruam peut connaître des lames d’eau de 1,5 m voire 2 m. L’ensemble est uniformément plan comme on peut s’en rendre compte lorsque le lac s’assèche 46 et seules six îles de dimensions parfois importantes (5 km de long sur 2 km de large et 15 m de haut pour la plus grande), localisées dans les parties centrale et septentrionale du lac, rompent la monotonie du paysage.

Cette brève description sera complétée par une étude sur le fonctionnement du lac. Celle-ci sera menée dans le cadre de l’étude de l’hydrographie de la région (cf. paragraphe D)

Notes
44.

Mesures réalisées en juin 2000. La forte variation est due au fait que la Sebkha Rasm ar-Ruam est alimentée toute l’année par un cours d’eau drainant une partie des eaux provenant de l’irrigation de la région de Meskéné à l’est du lac Jabbûl et que le canal reliant la Sebkha Rasm ar-Ruam au lac principal a été récemment fermé. Le terme Sebkha a été conservé car c’est le nom d’usage de ce petit lac ; il n’a pas valeur de définition géographique.

45.

J. Besançon et B. Geyer, « Rapport final sur la mission d’octobre 1995 », in B. Geyer, Les marges arides de la Syrie du Nord, Rapport d’activité 1996, p. 58.

46.

Ce qui est confirmé également par les observations faites par certains habitants de la région qui étaient habitués, dans le passé, à traverser le lac asséché en automobile.