4 - Le bas plateau de l’est

Contrairement aux différentes unités de relief décrites précédemment, l’est du lac ne possède pas de relief d’impulsion. Il s’agit d’un plateau homogène peu élevé, marqué de douces ondulations caractérisant d’anciennes incisions aujourd’hui presque inactives. Son altitude varie de 315 m-320 m aux abords du lac souvent marqués par une falaise (d’une hauteur maximum de 10 m) à 375 m vers l’est puis diminue à 350 m à la hauteur de l’Euphrate, où tombe également soit une falaise abrupte, soit un versant très raviné, avec un dénivelé pouvant atteindre 75 m (à Meskéné, le fleuve se situe à une altitude de 275 m). Ce plateau est donc légèrement bombé, avec une limite de partage des eaux entre le bassin-versant de l’Euphrate et du lac Jabboul vers 375 m. Cette limite est plus proche de la vallée de l’Euphrate que du lac Jabboul, d’où une pente est-ouest relativement douce en direction de la dépression du Jabbûl (figure 2 et voir aussi la figure 30).

Le bas plateau s’est constitué dans un terrain calcaire surmonté d’une épaisse couche d’alluvions d’origine taurique, mêlées en surface à des débris de calcaire tendre et de gypse (provenant de l’érosion du calcaire marneux sous-jacent) et de limons gypseux (provenant de l’érosion de la dépression du lac Jabbûl lors de périodes d’assèchement). Trois unités morphologiques, aux potentiels de mise en valeur agricole bien différents, s’individualisent : la berge du lac, les secteurs non encroûtés (essentiellement les secteurs de vallées) et les secteurs recouverts d’une croûte gypso-calcaire.

La berge du lac Jabbûl, sur une largeur de 1 km à 2 km, est recouverte d’une formation éolienne (planche 3, photo B) comme c’est souvent le cas en bordure des lacs temporaires salés (sebkhas). Elle résulte de l’action du sel qui a tendance à provoquer la floculation des argiles et les limons dans le fond de la dépression asséchée. Les petites particules qui en résultent, appelées pseudo-sables, sont transportées par le vent et déposées non loin, souvent sur la berge de la dépression. Ce dépôt forme parfois un bourrelet (lunette) soulignant la partie sous le vent de la sebkha. Dans la zone étudiée, les particules se sont déposées sur la rive est du lac Jabbûl et forment parfois des dunes allongées (et non en croissant, comme c’est généralement le cas) dans le sens du vent dominant (ouest). Ces dunes sont composées de pseudo-sables défloculés (des limons essentiellement) ainsi que de micro-cristaux de gypse, minéral présent en grande quantité dans la cuvette du Jabbûl. Dans ce milieu naturel, la mise en valeur agricole est limitée par l’instabilité de la couverture sableuse. Même stabilisée par la végétation, la surface reste sensible à la déflation et ne résiste pas longtemps aux labours. Cette formation sableuse peut constituer de bons pâturages mais, là aussi, l’érosion éolienne (planche 3, photo B) peut se déclencher rapidement en cas de surpâturage et de raréfaction de la végétation. Mais cette unité morphologique particulière n’occupe qu’une faible surface.

Le reste du secteur se divise en deux unités morphologiques qui se différencient par la présence ou non, en surface, d’une croûte gypso-calcaire. Ce bas plateau est légèrement ondulé et les zones les plus élevées supportent souvent une croûte gypso-calcaire d’une épaisseur maximale de 50 cm. La croûte résulte de la recristallisation des poussières de gypse prélevées à la surface de la dépression du Jabbûl et mêlées à du carbonate de calcium d’origine éolienne. Elle peut être très dure mais, dans la région, elle est souvent assez tendre voire pulvérulente et, lorsqu’elle affleure, elle empêche toute mise en culture, sauf si elle est défoncée. Dans ce cas une culture irriguée est possible, et c’est le cas plus à l’est, autour de Meskéné (projet d’irrigation lié au barrage de Tabqa, construit en 1973), ou encore dans certains secteurs de la vallée du Wadi Abû al-Ghor.

Les vallées sont tapissées d’une formation limoneuse dont l’exploitation agricole s’avère délicate près du lac, du fait de la présence de sels (chlorures et sulfates). En s’éloignant du lac, les cultures irriguées sont possibles mais peu fréquentes du fait de la rareté de l’eau, sauf le long du Wadi Abû al-Ghor et dans les deux oueds au nord-est du lac, qui canalisent les eaux de drainage et les surplus d’eau d’irrigation en provenance de Meskéné. La pratique agricole principale reste l’élevage, en particulier vers le sud-est, mais nous verrons que la pression trop importante des troupeaux a fortement dégradé les terrains de parcours. Quant à la culture sèche, elle est interdite depuis 1995 du fait de la trop grande fragilité de la steppe et du temps nécessaire à la régénération des espèces pérennes arrachées par les labours 52 .

Notes
52.

Ce problème sera traité plus loin, dans la partie relative à la végétation et à la culture (voir première partie, Chapitre I, I, F).