C - Le poids d’un climat méditerranéen aride

Avant d’aborder la description régionale du climat, il semble nécessaire d’évoquer les éléments qui le structurent : circulation générale et orographie.

1 - Les grands traits de la circulation atmosphérique

Le climat de la région est un climat méditerranéen, même s’il possède, on le verra, une identité propre due aux conditions orographiques et à la continentalité de la région. Il se caractérise par sa sécheresse estivale et ses précipitations hivernales.

La sécheresse est généralement associée à de longues phases de stabilité anticyclonique. Une théorie récente, celle de l’agglutination des Anticyclones Mobiles Polaires (AMP), formulée par M. Leroux (1983, 1993, 1996), a proposé une explication convaincante et renouvelée de la dynamique du temps et du climat fondée sur une nouvelle interprétation de la circulation atmosphérique 60 . Celle-ci serait mise en œuvre par « l’éjection » permanente, par la zone arctique, de masses d’air lourd et froid dérivant à la fois vers l’est et le sud à faible altitude. La fréquence et surtout l’intensité de ces éjections dépendent de la température arctique qui varie saisonnièrement. Durant l’hiver les AMP sont de grosse taille et très froids tandis que pendant l’été leur taille diminue et leur température augmente. Ainsi dérivant, poussées par la formation d’autres AMP, ces masses d’air rencontrent des obstacles orographiques qui les bloquent ou les canalisent vers les basses latitudes où elles rentrent en collision, stagnent et forment des agglutinations 61 . Au cours de leur voyage, ces masses d’air froid font remonter vers le nord des masses d’air chaud et humide qui produisent des précipitations au contact de montagnes ou d’air froid.

Ce phénomène peut être décrit à l’échelle de la Méditerranée orientale. Les AMP, descendant par le couloir scandinave, buttent contre les Alpes et se divisent en deux parties. L’une se déplace vers l’est le long de la façade nord des Alpes ainsi que vers le sud dans le bassin oriental de la Méditerranée et au nord de l’Afrique, sous forme de vents froids (Bora, Meltem). Ces masses d’air de hautes pressions se mêlent aux AMP fragmentés qui proviennent de l’Atlantique et provoquent une agglutination anticyclonique définie comme saharienne en période hivernale et saharo-méditerranéenne en période estivale (Leroux, 1983). Circulant en sens inverse, les vents chauds et humides sont refoulés sur la face avant des anticyclones où ils produisent des pluies lorsqu’ils rencontrent un obstacle, comme le long des côtes libanaise et syrienne (Mont Liban et Anti-Liban, Jabal Ansariyé, ce dernier doublé des Jabals Zawiyé et Samaan). Le phénomène est renforcé en hiver, lorsque les AMP sont les plus puissants et leur trajectoire méridionale plus prononcée. Cette puissance leur permet de franchir les montagnes côtières et de former une agglutination définie comme une cellule arabe (ibid.). Celle-ci est en partie responsable de l’extrême aridité de la péninsule arabique. Une autre masse montagneuse autrement plus imposante contribue à l’aridité de la Syrie intérieure. Il s’agit de la longue barrière s’étendant du Taurus aux hauts plateaux himalayens, qui retient les AMP au nord et les dévie vers l’est, empêchant toute ascendance d’air en territoire syrien et donc toute précipitation.

Ainsi, on constate que, dans le cas de la Syrie intérieure, c’est à la fois l’orographie et la circulation générale qui conditionnent la sécheresse du climat. Lorsque les AMP descendent jusqu’au nord de l’Afrique et poursuivent leur mouvement vers l’est, ils provoquent des remontées d’air chaud et sec par le sud (Khamsin), qui favorisent, à leur tour, un assèchement du Levant continental. Cet assèchement est extrêmement marqué en été (sécheresse absolue), période durant laquelle l’Équateur Météorologique (EM) 62 remonte vers le nord et avec lui les hautes pressions subtropicales basées sur l’Afrique et alimentées par l’agglutination des AMP.

Notes
60.

Cette théorie ne fait pas l’unanimité mais a le mérite de proposer une alternative à l’ancienne théorie cellulaire statique qui ne prenait pas en compte la dynamique générale du climat à l’échelle du globe.

61.

L’influence du relief est à nuancer selon la taille et l’altitude des AMP et selon la hauteur des reliefs.

62.

Ou Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) : zone proche de l’équateur où se rencontrent les alizés des deux hémisphères. Elle se caractérise par des ascendances générant de puissants nuages et d’abondantes précipitations (Sanlaville 2000, p. 244).