2 - Les eaux souterraines

Les sources évoquées plus haut ont pour origine, essentiellement, des nappes souterraines percolant au pied des plateaux. Mais la majorité des eaux souterraines se localise dans des nappes qui n’atteignent pas ou n’atteignent plus la surface.

Ce sont des nappes libres de faible profondeur. Elles se localisent principalement dans les alluvions pliocènes (au nord du lac) et dans la partie supérieure altérée et fissurée du calcaire « crayeux » de l’Éocène moyen et supérieur 81 pour l’ensemble de la région. La nappe de l’aquifère pliocène est peu volumineuse étant donné la faible épaisseur des sédiments (32 m au maximum selon V.P. Ponikarov et al., 1966). Elle est alimentée directement par les eaux d’infiltration et offre une réserve très fluctuante, saisonnière et généralement peu profonde (entre 3 m et 10 m). Cette eau, selon V.P. Ponikarov et al. (ibid.), contient beaucoup de calcium, de chlore et de carbonates pour une salinité modeste (chlorure de sodium) de 0,3 g à 0,5 g/l (dans les années 1960). Les roches de l’Éocène moyen et supérieur, calcaire argileux, marnes et surtout calcaire « crayeux », sont souvent fracturées et constituent un réservoir volumineux, dont le plancher est imperméabilisé par la partie saine du calcaire « crayeux » ou les argiles marneuses sous-jacentes. L’eau se trouve à une profondeur oscillant entre 5 m et 50 m de profondeur, pour une épaisseur de la formation pouvant dépasser 100 m au total. Déjà, dans les années 1960, les géologues soviétiques (ibid.) notaient que l’eau de ces nappes, sous le lac Jabbûl, était très minéralisée et salée : 5,5 g de chlorure de sodium par litre d’eau.

Une nappe existe dans les dépôts pléistocènes, en particulier sur le piémont nord du Jabal Shbayth et dans le couloir de Monbatah. Ici la nappe se trouve dans les sables gypseux et les conglomérats pléistocènes et dans les calcaires siliceux que V.P. Ponikarov et al. (ibid.) ont interprété comme étant de l’Éocène ancien et qui nous paraissent appartenir à la formation lacustre décrite plus haut. L’eau apparaît dès 6,5 m au nord, non loin du lac Jabbûl, où elle est aujourd’hui extrêmement salée (jusqu’à 16 g/l), et à plus de 20 m (27 m) au sud, où la salinité diminue (4 g/l) 82 .

Il existe enfin des nappes à grande profondeur (jusqu’à 500 m) utilisées actuellement pour l’irrigation, en particulier dans le sud du couloir de Monbatah et en amont du glacis de Sfirat. Ces nappes sont logées dans des aquifères profonds du Crétacé (marnes et calcaires) et se renouvellent très lentement, notamment parce qu’il peut s’agir de nappes captives, devenues telles par l’action de mouvements tectoniques (présence, au sommet de la nappe, de couches géologiques imperméables). Rapidement épuisées par les ponctions des agriculteurs elles ne peuvent réellement se reconstituer en raison des prélèvements importants réalisées dans les couches supérieures et de la faiblesse des précipitations. Les nombreux puits de ce type, aujourd’hui abandonnés, témoignent de leur caractère temporaire. L’eau y est très minéralisée, sulfo-carbonatée, chaude (20°C à 30°C), dégage une forte odeur de soufre et contient des chlorures et des sulfates de sodium et de potassium (Besançon 1993). Les agriculteurs la laissent donc au moins 24 heures à l’air libre, dans un bassin de « dégazage », avant de l’utiliser.

Notes
81.

L. Dubertret (1933 b, p. 404) parle de petits aquifères logés dans la partie supérieure de la craie qu’il date de la période sénonienne (Crétacé sup.) : « l’eau se trouve parfois dans les parties supérieures de la craie, qui se sont fissurées et crevassées par altération (...). En profondeur la craie devient compacte et ne contient pas d’eau ».

82.

Ces mesures ont été réalisées en mai 2000. V.P. Ponikarov et al. notent, en 1966, qu’en général la salinité ne dépasse pas 4 g/l. La salinité s’est donc accrue très fortement. Cela a également été noté par les chercheurs de l’ICARDA qui travaillent dans la région et dont les résultats montrent, à partir des valeurs de conductivité électrique, que l’eau des nappes du couloir de Monbatah est plus salée à la fois au centre de la vallée et au nord, aux environs du lac. L’auteur du rapport remarque que la nappe du lac Jabbûl semble pénétrer, au nord, celle du couloir de Monbatah, tandis que les nappes des Jabals al-Has et Shbayth l’alimentent en eau « douce » à l’est et à l’ouest. (ICARDA annual report 1998, p. 42-43).