Conclusions du chapitre : les conditions de l’occupation

L’étude du milieu naturel dans la région du lac Jabbûl a défini le cadre dans lequel s’est mise en place l’occupation humaine. L’ensemble est conditionné avant tout par la composante climatique qui détermine l’évolution générale, naturelle et humaine. Secondairement, des ensembles géographiques spécifiques sont apparus, qui participent à la détermination de l’occupation humaine et aux modes de mise en valeur du sol (figure 14).

Le premier ensemble est formé par le lac Jabbûl, autour duquel s’organise le reste de la région. L’ensemble du réseau hydrographique local converge vers cette dépression et cette situation constitue un des intérêts du lieu. Ces cours d’eau, pérennes ou non, constituent une ressource en eau immédiate précieuse. Par ailleurs, en raison de la dynamique fluviale passée, ils ont favorisé l’accumulation d’alluvions fines favorables au développement de sols fertiles.

Les plateaux du al-Has et du Shbayth forment un second ensemble dont nous avons étudié avant tout les versants et les vallées. Les conditions édaphiques déterminées par le caractère des roches, du modelé, des sols et de l’hydrologie, contribuent à faire de ces espaces (aujourd’hui comme dans le passé) des zones tout à fait adaptées à la mise en valeur agricole. La présence de nombreuses sources au contact du basalte et du calcaire sous-jacent est l’autre caractère fondamentalement accueillant, pour les hommes, de ces secteurs. Le poids de l’aridité climatique, qui s’accuse vers l’est et le sud, altère cependant légèrement les qualités agricoles de cet ensemble et peut se traduire, dans le cadre d’une occupation humaine, par une diminution des sites de sédentaires dans le Jabal Shbayth. Cependant, l’existence de sources a toujours constitué un élément modérateur. Nous verrons que, dans le passé, en raison de la présence de ces sources et de l’action des composantes dynamiques du climat, les différences ont été moins fortement marquées.

Un troisième ensemble est constitué par les piémonts des plateaux et le grand glacis du nord du lac. Ces espaces subhorizontaux constituent a priori des supports naturels favorables à une mise en valeur agricole, en particulier à la culture sèche. Cependant, des périodes subhumides ont contribué à la formation de croûtes calcaires parfois affleurantes qui constituent des terroirs agricoles de qualité très médiocre. Ces mêmes épisodes ont façonné des vallées et des glacis secondaires emboîtés dans ces ensembles uniformes. Ces surfaces ont été activement cultivées, grâce à des conditions édaphiques particulièrement bonnes (sols épais, cohérents, présence d’eau). Mais là encore, le même schéma de dégradation du milieu (au point de vue humain), en direction du sud et de l’est, du fait de l’aridité, se met en place.

Le dernier ensemble est le bas plateau de Meskéné à l’est et au sud-est du lac. Dans cet espace géographique relativement uniforme, les composantes locales du milieu et le climat ont façonné un environnement dont l’exploitation agricole (et surtout la mise en culture) est difficile. La présence de gypse en grande quantité est néfaste pour les sols, et cela d’autant plus que les précipitations sont rares et ne permettent pas de lessivage. Si cette unité est assez répulsive pour la culture, elle constitue, en théorie, des pâturages de qualité (steppe à armoise). Mais cette qualité est dépendante de la pression animale. Il s’agit d’un milieu fragile en raison de l’aridité aussi bien édaphique que climatique. Cette dimension n’a pas été prise en compte par les agriculteurs à l’époque contemporaine qui ont provoqué (jusqu’au début des années 1990), une dégradation des conditions de mise en valeur agricole : surpâturage 99 , arrachage de la végétation pour l’établissement de cultures extensives, érosion éolienne des sols.

L’étude qui précède a mis en évidence deux caractéristiques fondamentales du milieu, typiques des secteurs arides. D’une part le milieu est soumis à de fortes contraintes naturelles dominées par le climat ; l’occupation et la mise en valeur des sols en sont directement dépendants. D’autre part, l’évolution du milieu n’est plus conditionnée uniquement par ces contraintes naturelles. Les actions humaines ont une influence de plus en plus déterminante sur cette évolution. Elle se traduit aussi bien en termes positifs, pour l’Homme, à travers son développement technique et ses capacités d’adaptation (irrigation), qu’en termes négatifs, pour la nature (et l’Homme en conséquence) : dégradation du support de la mise en valeur agricole.

Notes
99.

Concentration trop importante et trop fréquente de bétail sur un secteur dont la végétation, de ce fait, n’a plus le temps de se renouveler et se réduit fortement.