C - Le Dryas récent : bref retour du froid et de l’aridité

Ce retour du froid est bref mais semble avoir été brutal. Il est enregistré dans les carottes marines et il apparaît très clairement au Levant, en particulier dans les diagrammes polliniques, où il s’apparente à une « crise climatique majeure » (Sanlaville 1996). Dans les diagrammes le pourcentage d’arbre descend à 20 % (25 % pour celui du Houlé, contre 40 % à 60 % dans la phase précédente) 107 . Il semble que l’aridité se soit traduite également par un abaissement de la Mer Morte à environ - 420 m. Ce phénomène expliquerait l’importance de l’incision des oueds tributaires, en particulier dans ce que l’on appelle les « marnes de la Lisan 108  », profondément ravinées. Durant la même période des sebkhas apparaissent et des croûtes gypseuses se mettent place. C’est le cas notamment dans le Negev, où P. Goldberg note l’apparition de sebkhas de barrages dues à des dunes de sables au sein desquelles les évaporites essentiellement gypseuses et carbonatées sont datées de 10,3 ka BP (Goldberg 1986). Il est possible que cet épisode a été davantage marqué dans le sud que dans le nord du Levant. Dans la région, en particulier, on n’en garde pas de traces franches. On peut néanmoins supposer qu’une partie des dépôts éoliens a été remaniée à cette époque. Cependant, la présence d’outils de silex du Kébarien en surface de ces dépôts, à de nombreux endroits sur le pourtour du lac, indique que cette reprise a été limitée.

Notes
107.

Signalons qu’une analyse pollinique récente (Yasuda et al. 2000), réalisée dans la plaine du Ghab, montre qu’entre 12500 BP et 9000 BP, le chêne atteint un maximum dans le pourcentage total des pollens, tandis que le cèdre est encore fortement représenté. Par contre, il ne semble pas que la phase de Dryas récent ait été fortement marquée. En effet, si les chénopodiacées atteignent leur maximum vers 11500-10100 BP, c’est uniquement dans leur rapport avec l’Artemisia. Mais c’est toujours l’arbre qui domine (même si la concentration totale de pollens baisse). Cette analyse est difficile à accepter, étant donné que le Dryas récent est partout signalé et de manière très claire (voir par exemple M. Rossignol-Strick 1993). Il est donc possible que les dates données par Y. Yasuda doivent être revues. En effet, les auteurs de l’article n’ont pas jugé nécessaire de revoir ces dates en particulier parce que, selon eux, l’effet de « l’eau dure » serait mineure dans leur cas (cela est étonnant car il s’agit bien d’un milieu karstique). Par ailleurs, un autre élément de « preuve » concernant la qualité des dates 14C réalisées, est la corrélation opérée par les auteurs entre leur diagramme et celui de M. Rossignol-Strick (1995) : en calculant le rapport chénopodiacées/Artemisia, les auteurs trouvent donc un pic de chénopodiacées vers 11500-10100 BP, ce qui correspondrait, selon eux, à la phase des chénopodiacées mise en évidence par M. Rossignol-Strick (ibid. et 1993), phase assimilée à la période du Dryas récent. Ces éléments nous paraissent insuffisants pour valider totalement les dates réalisées. De plus, il est étonnant que la période suivant le Dryas récent et particulièrement l’Optimum climatique holocène se caractérise, selon l’analyse menée par Y. Yasuda, par une chute de l’arbre au profit des herbacées et des ligneux. C’est bien l’inverse qui est noté ailleurs (Rossignol-Strick 1993). Pour les auteurs, cela correspondrait à une « phase majeure d’impact humain » au PPNB, phase qui aurait commencé dès la fin du Natoufien. L’hypothèse est intéressante, même si l’on a du mal à croire que les hommes du début néolithique aient été capables (et aient eu besoin) de réaliser des défrichements d’une telle ampleur. Il nous paraît donc, pour le moment, que les analyses polliniques menées sur le Ghab par Y. Yasuda doivent être maniées avec la plus grande prudence.

108.

La Lisan correspond à la mer intérieure qui existait dans la région à l’époque, et dont la Mer Morte actuelle constitue le dernier témoignage. Les marnes de la Lisan sont des dépôts très épais déposés au cours des périodes de haut niveau de cette mer, antérieurement au Dryas récent.