Si elle n’est pas toujours très épaisse, la couverture alluviale des glacis est bien présente. Il s’agit donc de glacis couverts (Dumas 1967), mais dans notre cas il est nécessaire de préciser cette terminologie en employant la formule de glacis à couverture mince.
Sur le piémont du Jabal al-Has on retrouve deux niveaux de glacis pléistocènes emboîtés ou superposés, que l’on peut noter QIa et QIb. La formation qui constitue le plus ancien (QIa) s’observe dans une coupe réalisée lors de la construction de la route reliant Sfirat à Khanasir (planche 8, photo C). Sur environ 5 mètres la coupe laisse voir, de bas en haut (figure 16 et figure 17, coupe 1) :
Au site de Dart al-Khraybat, sur le piémont du Jabal Shbayth, une coupe assez similaire laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 17, coupe 2) ;
Le glacis que l’on observe en contrebas (QIb) est assez similaire à celui que nous venons de décrire. Cependant, sa croûte est moins épaisse et sa position topographique moins élevée. Ce niveau peut être très caillouteux, en particulier sur les piémonts des plateaux, tandis qu’au nord et au nord-ouest son matériel est beaucoup plus fin.
Un exemple représentatif de couverture caillouteuse grossière est apporté par la coupe située en amont du village de Abû Jrayn, sur le piémont du Jabal al-Has, qui laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 18, coupe 3) :
Cette surface de glacis est souvent recouverte d’un manteau d’alluvions non consolidées résultant d’une phase de sédimentation postérieure, qui la ravinent légèrement. Au nord-ouest du lac Jabbûl, le glacis de Sfirat se compose en général d’une couverture de limons et de blocs non indurés surmontant une croûte calcaire plus ancienne. Celle-ci constitue le sommet d’une surface de glacis qui nous semble contemporaine de celui que nous venons de décrire.
Une coupe située à l’est du village de Sfirat laisse voir, de bas en haut (figure 16 et figure 19, coupe 4) ;
Au nord du lac les deux niveaux de glacis à croûte calcaire se superposent fréquemment, à l’image de ce que nous avons observé au sud du lac (coupe 2 décrite plus haut). Une coupe localisée au sud-est de Dikwânat, le long de la route menant au village de Jabbûl laisse voir de bas en haut (figure 16 et figure 19, coupe 5) :
Un glacis plus récent (Q0) à couverture alluviale meuble est emboîté dans le glacis précédent. Dans certains secteurs il n’y a pas eu d’érosion suffisamment importante pour créer un emboîtement et les deux couvertures alluviales se superposent (la seconde ravinant la première). Dans ce cas la couverture récente peut être mince, comme on l’a vu avec la coupe 5 (figure 19) et comme on le verra avec la coupe 6 (figure 20, voir ci-après). Dans l’étude de la couverture récente qui va suivre, l’analyse de certains secteurs sera plus approfondie car ces zones constituent des supports privilégiés pour la mise en valeur agricole.
C’est le cas du glacis de Sfirat dont la mise en valeur agricole est presque généralisée en raison du potentiel agricole des sols élevé et de la réserve hydrique. En amont, en bordure du front montagneux, la couverture du glacis est mince et se superpose à la croûte calcaire du glacis précédent. Une coupe type laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 20, coupe 6) :
Vers l’aval la couverture est plus épaisse et, généralement, se succèdent une strate de galets et de blocs de moins d’un mètre à plusieurs mètres d’épaisseur et une accumulation limono-argileuse, très peu caillouteuse, pédogénisée au sommet. Cette disposition caractérise l’ensemble du piémont du Jabal al-Has et le glacis de Sfirat : seule la taille du matériel de la strate caillouteuse et son épaisseur peuvent varier. Un exemple de ce type de couverture est représenté par la coupe suivante qui laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 20, coupe 7) :
Mais la strate caillouteuse observée à peu près partout sur le piémont du Jabal al-Has montre également, assez fréquemment, un premier niveau constitué de limon et de blocs en vrac, surmonté d’une strate de cailloux relativement homométriques avec peu de matrice fine.
On l’observe dans la coupe suivante qui montre, de la base au sommet (figure 16 et figure 20, coupe 9) :
Cette coupe est située à la limite sud du glacis de Sfirat, mais d’autres coupes similaires s’observent sur le piémont du Jabal al-Has, plus au sud (voir par exemple la coupe 10, figure 18).
Dans certains secteurs du glacis de Sfirat, la couverture meuble s’amincit et, parfois, la croûte calcaire du glacis précédent affleure. Lorsqu’elle n’affleure pas tout à fait, mais qu’elle n’est pas loin de la surface, il semble que le dépôt limoneux à blocs disparaisse et que seul le dépôt de cailloux et de blocs homométriques soit en place, surmonté de la couverture limoneuse sommitale.
C’est le cas par exemple de la coupe suivante qui laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 20, coupe 8) :
De l’amont à l’aval, sur le piémont, la dalle calcaire du glacis précédent apparaît régulièrement dans les coupes observées, sauf dans la zone centrale. La surface du glacis ancien a donc été ravinée, à l’image de nombreux glacis observés dans d’autres régions arides (cf. Géomorphologie des glacis 1974), même si ce ravinement a été assez limité car la couverture n’est jamais très épaisse. Elle ne semble pas dépasser 10 m ; c’est en tout cas l’épaisseur maximale que nous ayons notée dans une coupe plus au sud, sur la partie aval du glacis de Haklâ - Um ‘amûd Kabirat, en bordure du lac (figure 2). La coupe laisse voir, de la base au sommet, sur 12 m (figure 16 et figure 21, coupe 11) :
Ces diverses coupes sont représentatives de la couverture des glacis observés sur le piémont du Jabal al-Has. Les glacis anciens à croûte calcaire semblent avoir été davantage disséqués au sud du glacis de Sfirat, où certaines coupes montrent une accumulation alluviale sur une dizaine de mètres directement sur le calcaire éocène altéré, qu’au nord où on a vu que la croûte calcaire affleurait parfois. L’étroitesse du piémont, la densité des cours d’eau et la dimension de leur bassin versant expliquent, en partie au moins, cette forte dissection vers le sud.
Au nord du lac la couverture du glacis récent (Q0) est souvent superposée à un niveau antérieur conglomératique, qui constitue généralement la croûte calcaire du glacis précédent. Mais, dans les environs immédiats du lac, il semble que l’assise du glacis récent soit un conglomérat néogène. C’est la conclusion des géologues soviétiques qui ont travaillé dans la région dans les années 1960 (Ponikarov et al. 1966) 114 . Comme sur le glacis de Sfirat et plus au sud sur le piémont du Jabal al-Has, la couverture du glacis présente à peu près partout les mêmes caractéristiques, avec au-dessus du glacis à croûte calcaire précédent (ou du conglomérat néogène en bordure du lac), une accumulation caillouteuse surmontée d’un niveau limono-argileux à cailloux. La couverture récente coiffant le glacis ancien à croûte calcaire est d’une épaisseur variable. Une coupe laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 22, coupe 12) ;
Sur le glacis récent plus à l’aval, la couverture est un peu plus épaisse mais similaire. Ainsi, une coupe située au nord-est du lac, près de la berge, laisse voir de la base au sommet (figure 16 et figure 23, coupe 13) :
Le niveau caillouteux est parfois remplacé par une accumulation plus fine, à dominance calcaire. Cette variation de faciès est probablement due au mode de façonnement du glacis, incisé par des chenaux dans lesquels transitaient les alluvions grossières tandis que les dépôts fins s’étalaient sur la plaine d’inondation lors des crues. On a pu observer la trace de ces chenaux sur la berge même du lac. Ainsi, à l’est du village de Jabbûl, une petite falaise laisse voir, de la base au sommet (figure 22, coupe 14) :
Il semble que l’accumulation de cailloutis puisse être importante car une coupe située à l’ouest du village de Jabbûl montre une accumulation de ces cailloutis et sables sur 2 m visibles. Au regard de la position de ces coupes, il pourrait s’agir de dépôts deltaïques du Nahr ad-Dahab, dépôts qui seraient contemporains du glacis récent.
Dans le nord du lac, le glacis ancien à croûte calcaire a donc été lui aussi disséqué, mais cette dissection est plus nette vers l’aval, aux abords du lac. Ailleurs les vallées ont incisé le glacis peu profondément (mais souvent ces incisions sont très larges). Là encore, on constate que les conditions de la mise en valeur du sol dans ce secteur n’ont probablement pas été partout aisées du fait de la présence de la croûte calcaire. Cependant, le sol qui forme la partie supérieure de la couverture du glacis récent, qui lui-même recouvre le glacis précédent à croûte calcaire, permet le développement d’une culture sèche.
Sur le piémont du Jabal Shbayth la couverture du glacis diffère sensiblement de ce que l’on observe sur le piémont du Jabal al-Has et dans le nord de la région, en raison de la présence d’un type d’alluvions particulier et en raison de l’épaisseur des dépôts meubles souvent assez forte. Sur le haut piémont, la couverture du glacis récent n’est présente qu’à la sortie des vallées, elle forme des terrasses et des cônes alluviaux coincés entre les affleurements du glacis antérieur encroûté. En bas de pente, celui-ci est généralement encore présent et la croûte calcaire affleure. Vers l’aval, la couverture récente se généralise. Dans la partie médiane du glacis la couverture est relativement épaisse. Une coupe laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 24, coupe 15) :
L’observation de plusieurs puits sur le piémont révèle une couverture sédimentaires identique. La couverture du glacis du piémont du Jabal Shbayth se caractérise donc par sa relative épaisseur. En surface se trouvent des limons gypseux accompagnés d’une faible proportion d’argiles et, sous cette couche superficielle, s’observe un dépôt alluvial de sable et de cailloutis d’origine allogène (Taurus), probablement remanié. On a pu voir, grâce à la présence de puits, que cette formation est présente jusqu’au sud du couloir des Monbatah. Elle surmonte une formation alternant de fines couches d’un sédiment calcaire très fin et de gypse. Cette dernière formation est identique à celle observée sur le pourtour de la Sebkha Rasm ar-Ruam que nous décrirons plus loin, et qui correspond à une phase de dépôt « lacustre ». Les alluvions grossières observées sur le piémont du Jabal al-Has ne sont présentes qu’au sein des vallées.
Détermination de F. Abbès.
C’était également l’avis de J. Besançon qui avait parcouru la région en 1995 et 1996.