Une série de terrasses fluviatiles appartenant au Pléistocène et à l’Holocène s’observe dans quelques secteurs de la région, en particulier dans la vallée aujourd’hui morte du Nahr ad-Dahab (figure 16 et figure 25). Dans cette vallée, les dépôts n’ont pas révélés d’artefacts ou de restes datables (charbons de bois). Leur datation est relative et se fonde sur la comparaison avec les niveaux de glacis observés dans l’ensemble de la région. Sont pris en compte le faciès et les altitudes, même si, pour ce dernier cas, la fréquente superposition des niveaux dans le nord du lac rende l’analyse difficile.
Il existe un lambeau d’alluvions dominant le fond de vallée de 5 m à 7 m. Il n’y a pas de coupe visible, mais à l’affleurement on observe une croûte calcaire bréchique très dure et qui semble épaisse, comme en témoigne l’entrée d’un abri sous dalle aujourd’hui comblé. Cette dalle est composée essentiellement de blocs de croûte calcaire arrondis, pouvant atteindre 20 cm de grand axe. On observe également la présence de concrétions formées de petits grains calcaires (taille du sable) et d’une très faible proportion de quartz. Il s’agirait d’une terrasse ancienne assimilable au niveau le plus ancien de glacis observé dans le secteur (QIa).
Une terrasse plus basse serait assimilable au niveau de glacis suivant (QIb). Elle domine le fond de vallée de trois à cinq mètres. Il s’agit d’une accumulation limono-calcaire avec présence de galets de calcaire arrondis atteignant 15 cm de grand axe, sur une épaisseur difficilement définissable étant donné l’absence de coupes. Cette accumulation est surmontée d’une croûte calcaire bréchique très dure formée de blocs de croûte calcaire arrondis (20 cm de grand axe maximum) dans une matrice calcaire rosée.
Une terrasse récente, en contrebas, est assimilable au glacis récent observé dans la région (Q0). Elle domine le fond de vallée d’environ 1 m. Elle se caractérise par un dépôt argilo-sableux de couleur rougeâtre (10 YR 4/3) avec quelques rares cailloutis, mais l’absence de coupe ne nous a pas permis de l’étudier avec plus de précision.
Les terrasses étudiées sur les piémonts des jabals fournissent plus de détails concernant les dépôts holocènes. Au lieu d’un simple niveau holocène Q0, nous pouvons fréquemment observer une superposition de deux terrasses (Q0a et Q0b), témoignant de deux épisodes morphogénétiques.
Sur le flanc ouest du Jabal Shbayth, dans le couloir de Monbatah, à la sortie de la vallée de Sirdah s’observent trois terrasses superposées (figure 16). Le niveau supérieur (qui s’apparente au QIb du Nahr ad-Dahab) laisse voir, de la base au sommet (figure 26, coupe 16) :
La formation suivante (qui s’apparenterait à un Q0a) montre, de la base au sommet (figure 26, coupe 17) :
Cette terrasse contient des artefacts lithiques du néolithique, probablement du PPNB 116 .
La coupe du niveau inférieur (qui s’apparenterait à un Q0b), dans le centre du lit majeur de l’oued, laisse voir de la base au sommet (figure 26, coupe 18) :
Vers l’aval l’emboîtement des deux terrasses inférieures est très net, et le niveau supérieur atteint une forte épaisseur, jusqu’à 3,5 m (2 et 3), tandis que la terrasse inférieure atteint 1,8 m d’épaisseur (1).
D’autres coupes s’observent dans les vallées des Jabals al-Has et Shbayth, et on retrouve notamment la même succession de terrasses et de glacis dans la vallée de Khraybat (voir plus bas). Certaines coupes nous semblent intéressantes à décrire car elles confirment les observations faites dans la vallée de Sirdah mais apportent également des données supplémentaires. Un dépôt type s’observe dans toutes les vallées et se caractérise par un matériel caillouteux grossier surmonté d’une couche de sédiments fins dont l’épaisseur peut être importante (plusieurs mètres, à Fijdân dans le Jabal al-Has, notamment). Il s’agit de la terrasse notée Q0a dans la vallée de Sirdah.
Dans la partie aval de la vallée de Tât, à la hauteur du village d’Al-Hbaychyat, dans le Jabal al-Has (figure 16), une coupe (Q0a) laisse voir, de la base au sommet (figure 27, coupe 19) :
En amont de la vallée de Samâd, à Fijdân, une autre coupe (dans la terrasse Q0a) montre une épaisseur beaucoup plus grande de limons argileux. Elle laisse voir, de la base au sommet (figure 27, coupe 20) :
Certains dépôts, souvent emboîtés dans les précédents, montrent des niveaux à dominante nettement plus caillouteuse. En amont des vallées, ce sont les accumulations grossières qui dominent, tandis que sur les piémonts les accumulations de cailloutis et galets sont plus fréquentes. Ce dépôt caillouteux s’apparente à une terrasse récente assimilable au Q0b de Sirdah. La coupe de Jnid sur le piémont du Jabal al-Has, en contrebas du glacis QI, (figure 2) est l’exemple d’une accumulation caillouteuse à dominante fine (planche 8, photo A). Le matériel est avant tout composé de cailloux et de cailloutis calcaires et parfois de basalte (surtout en blocs). De la base au sommet on observe (figure 28, coupe 21) :
Des tessons de céramique datés de l’époque romaine voire romaine tardive sont présents dans toute la hauteur de la coupe 118 . Une coupe du même type, mais au matériel plus grossier, s’observe plus en amont dans une autre vallée, en contrebas d’un site byzantin. Elle comporte un grand nombre de tessons de céramique byzantine dans toute sa hauteur.
Les coupes relevées dans le Jabal Shbayth ont apporté des éléments qui n’avaient pas été observés dans le Jabal al-Has et qui ont permis de préciser l’âge de certaines terrasses. À la sortie de la vallée de Al-Qli‘at, l’étagement de trois niveaux de terrasses et de glacis est très clairement visible. Emboîté dans le glacis QIb, le glacis-terrasse Q0a est incisé par l’oued à la hauteur de Khraybat (figure 2). La coupe laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 29, coupe 22 ; planche 8, photo B) :
La coupe contient, dans sa partie caillouteuse basale, des silex taillés du Kébarien et du Néolithique 119 .
Quelques centaines de mètres en amont, dans un dépôt caillouteux au centre de la vallée, l’oued incise une terrasse (Q0b) emboîtée dans la précédente. La coupe laisse voir, de bas en haut (figure 29, coupe 23) :
Des tessons de céramique attribués au Bronze moyen ont été retrouvés dans toute la hauteur de cette petite coupe 120 .
Plus en amont dans la vallée, les coupes observées se rapprochent davantage de la coupe de Khraybat, montrant souvent, sur le calcaire « crayeux » raviné, un niveau hétérométrique très caillouteux surmonté d’une accumulation limoneuse pouvant atteindre 1,5 m. Il arrive que l’on observe, au-dessus du calcaire, une fine couche de sable gris taurique ; le dépôts remaniés du paléo-Euphrate ont donc atteint le cœur des vallées du Jabal Shbayth. Les autres vallées du Jabal Shbayth montrent des dépôts comparables aux deux types de formations précédemment décrits.
Au total, on a relevé quatre niveaux de terrasses distincts. Deux semblent appartenir au Pléistocène et deux autres à l’Holocène. Les deux premières (QIa et QIb), sont coiffées d’une croûte calcaire, et la plus récente des deux renferme, dans sa partie supérieure, des outils du Paléolithique moyen.
Emboîtées dans cette dernière se localisent deux terrasses plus récentes. La plus ancienne des deux, Q0a, (qui peut également s’apparenter à un glacis-terrasse, la terrasse étant située dans le prolongement du glacis du même âge) se caractérise par un matériel à dominance fine, dans lequel on discerne souvent deux niveaux limoneux ou limono-sableux, évoluant en un sol, séparés par une phase caillouteuse (présente également à la base de certaines coupes). Ces limons peuvent être très épais, comme c’est le cas à Fijdân, en amont de la vallée de Samâd, dans le Jabal al-Has (3-4 m dans la partie inférieure et 1 m à 1,5 m dans la partie supérieure). Dans les coupes du piémont du Jabal Shbayth on ne distingue qu’une seule strate de limons, par exemple à Khraybat (coupe 22). Par ailleurs, dans certaines coupes, les limons se superposent à un niveau caillouteux ravinant le calcaire « crayeux » (à Khraybat notamment). Ailleurs la base n’est pas forcément visible, ce qui empêche de connaître la partie inférieure de la formation. Dans deux de ces coupes, s’observent des artefacts lithiques datant du Néolithique. Il semble donc, au vu de ces coupes, qu’un épisode principal de dépôts de sédiments fins, suivis d’une période suffisamment stable pour favoriser une pédogenèse aient eu lieu au début de l’Holocène. Cette phase de stabilité aurait été précédée d’une phase d’instabilité caractérisée par le dépôts d’alluvions grossières. Dans la vallée de Fijdân, l’épisode de sédimentation fine a été interrompu par une courte phase d’instabilité (dépôt d’une strate caillouteuse) (voir le paragraphe suivant pour l’interprétation paléoclimatique).
Cette formation surplombe une basse terrasse emboîtée (Q0b). Celle-ci se caractérise par une abondance de sables, cailloutis, cailloux, galets et blocs de calcaire, de croûte calcaire et de basalte, émoussés mais subanguleux, avec également des limons. Les variations de faciès sont très fréquentes : on passe parfois d’un matériel bien classé, homométrique en strates, à des lentilles de limons, ou des couches de sédiments hétérométriques, blocs, cailloutis ou cailloux dans du limon sableux. Parfois il n’y a pas vraiment de classement, en particulier dans les zones où la coupe a été observée près du front montagneux, à l’aval de petites vallées. On trouve dans plusieurs de ces terrasses des tessons de céramique de périodes récentes, Bronze moyen pour une coupe, Romain pour deux autres et Byzantin pour une dernière. Le dépôt contenant de la céramique du Bronze moyen est similaire par son faciès à ceux contenant de la céramique romaine ou byzantine. Sa position dans le paysage est également identique. Enfin, ces alluvions ne sont pas recouvertes d’un dépôt plus récent. Il est donc possible, sachant par ailleurs que le site, en amont, est un site du Bronze, que cette terrasse date en fait de l’épisode morphogénétique postérieur à l’époque romaine. Ces terrasses témoignent d’une phase d’instabilité marquée par le sapement des berges des oueds et le remaniement d’un matériel grossier, davantage qu’une érosion des sols.
La présence de sables tauriques dans la partie inférieure de certaines coupes (Q0) témoigne que le remaniement puis le dépôt des alluvions tauriques a été contemporain de la mise en place de la formation Q0a. Il s’agit donc d’un épisode morphogénétique de vaste ampleur, marqué par une première étape de dépôts plus grossiers (formation hétérométrique basale des coupes des vallées, cailloutis dominant à la base des coupes de piémont), suivie d’une sédimentation à dominante fine (limons et sables fins) en fin de cycle.
Ce que l’on a présenté comme étant des terrasses du Pléistocène sont probablement davantage des glacis-terrasses incisés par les cours d’eau. En bordure de vallée ces formations constituent des supports ingrats pour la mise en valeur agricole étant donné la présence, en surface, d’une croûte calcaire souvent très dure et épaisse.
Les terrasses suivantes sont beaucoup plus intéressantes du point de vue de la mise en valeur agricole, et surtout la terrasse Q0a. Celle-ci présente presque systématiquement, en surface, un dépôt limono-sableux épais évoluant en un sol aux qualités agronomiques indéniables. Comme il vient d’être vu, cette formation est présente non seulement dans les fonds de vallées mais également sur les glacis récents. Elle constitue un des principaux atouts agricoles de la région (se reporter à la figure 37).
Détermination de F. Abbès.
Détermination de F. Abbès.
Détermination de M.-O. Rousset.
Détermination de M.-O. Rousset.
Détermination de F. Abbès.
Détermination Y. Calvet.