3 - Le caractère spécifique des bas plateaux de l’est

Les terrains situés à l’est du lac sont caractérisés par un vallonnement qui s’établit au gré des larges incisions aujourd’hui sèches qui les parcourent. En descendant vers le lac on note plusieurs paliers, deux ou trois suivant les endroits, avant le fond de la dépression (dénivellation de 340 m à 312 m au niveau du lac, en moins de 1 km). En se dirigeant vers l’est les altitudes augmentent progressivement jusqu’à atteindre 375 m puis redescendent à 350 m avant Meskéné, et enfin tombent brutalement à 275 m dans le fond de la vallée de l’Euphrate. L’altitude diminue vers le sud, en direction de la vallée du Wadi Abû al-Ghor, plus encaissée vers l’est où le relief est plus prononcé (de 15 m à 20 m). Dans cette vallée on observe également un ou deux paliers, sans doute des terrasses d’érosion. Celles-ci correspondent à des étapes morphogénétiques, mais il est difficile de les replacer dans le contexte analysé plus haut en raison notamment d’un manque de repères chronologiques.

Au-delà des environs immédiats du lac, à partir de la courbe des 340 m environ, la couverture des bas plateau de l’est se caractérise par une accumulation superposant d’une part une formation caillouteuse, sableuse et gypseuse et d’autre part du limon, un peu plus argileux vers l’est, dans la région de Meskéné.

Une coupe localisée au nord-est du lac, à 350 m d’altitude, laisse voir, de la base au sommet (figure 30, coupe 24) :

Les variations de faciès sont importantes dans cette formation. Ainsi l’épaisseur de la couche limoneuse supérieure peut être beaucoup plus importante, ou bien les cailloutis tauriques laisser partiellement leur place à un dépôt limoneux induré. Dans les incisions, une partie de la couche caillouteuse et sableuse a été érodée et le limon domine, associé parfois au sable gris et aux cailloutis remaniés, souvent induré dans sa partie supérieure du fait de la présence de gypse recristallisé (observation faite à 343 m).

En se rapprochant du lac, une coupe localisée à 335 m d’altitude montre le même type de formation que celle observée plus à l’est, à 350 m d’altitude (coupe 24). Une coupe laisse voir, de la base au sommet, sur 2 m à 3 m visibles (figure 30, coupe 25) :

Au sud-est de la région, dans le bassin versant du Wadi Abû al-Ghor, les dépôts de couverture sont très différents. Les cailloutis et les sables tauriques sont quasiment inexistants. La couverture est mince, surmontant souvent directement le calcaire éocène parfois massif. Au sud de l’oued principal la même formation s’observe régulièrement. Une coupe laisse voir, de la base au sommet (figure 31, coupe 26) :

À proximité du Wadi Abû al-Ghor les coupes observées sont un peu différentes. Il s’agit soit de terrasses de l’oued, soit de la roche en place incisée. Une coupe de terrasse laisse voir, de la base au sommet (figure 16 et figure 31, coupe 27) :

Plus en amont l’oued incise directement le substrat. Une coupe laisse voir, de la base au sommet (figure 32, coupe 28) :

La bordure est du lac, ainsi que certaines zones sur la berge nord, sont occupées par une formation éolienne qui se présente parfois sous forme dunaire. Le matériel composant cette formation est sablo-limoneux : sable formé de cristaux blanchâtres de gypse, allongés, à l’arrondi moyen, et limons. Les dunes observées sont le plus souvent des appareils allongés ouest-est, d’une hauteur variant, entre 1,5 m et 3 m. On observe également des petites barkhanes et des nebkhas récentes dans les zones totalement dénudées de l’est (en particulier à l’est de la Sebkha Rasm ar-Ruam). Les dépôts éoliens vers l’est sont davantage limoneux, les sables gypseux sont plus rares. Il peut s’observer, notamment, contre les habitations abandonnées, dans les villages inoccupés qui s’ensablent lentement, et dans les larges oueds secs où les nebkhas sont très fréquentes, jusque loin au sud-est (figure 33) (planches 3 et 5).

Sur le pourtour immédiat du Jabbûl un certain nombre de sites contenant de l’industrie paléolithique supérieur et/ou kébarienne et plus rarement néolithique PPNB 121 s’observent en surface du dépôt éolien (et notamment des dunes allongées). Il s’agit donc là d’une formation ancienne antérieure à l’Holocène, qui représente la dernière grande phase éolienne dans la région. Cet épisode serait à associer à une période plus aride que celle connue durant l’Holocène.

Les bas plateaux de l’est et la vallée du Wadi Abû al-Ghor se caractérisent donc par la présence d’un dépôt alluvial fin d’origine taurique, surmonté d’une accumulation limoneuse qui peut être épaisse par endroits, accompagnée d’une forte proportion de gypse. La berge du lac, quant à elle, est recouverte d’une formation sableuse stabilisée mais fragile. Nous verrons, dans la seconde partie de ce travail, que la nature de ces sédiments rend le secteur relativement difficile à mettre en valeur d’un point de vue agricole, et cela d’autant plus que l’eau se fait rare. Il est vrai que, dans la zone de Meskéné, la mise en valeur agricole est intense, mais cela est rendu possible grâce à l’irrigation et parce que l’horizon supérieur du sol y est moins gypseux.

Notes
121.

Détermination de F. Abbès.