2 - Les niveaux anciens à croûte calcaire

En l’absence de datation il est difficile de donner un âge absolu à ces formations. Sur le piémont du Jabal Shbayth, une coupe a montré que les deux niveaux de glacis à croûte calcaire pouvaient se superposer. Or le niveau supérieur (QIb) contient des outils datant du Paléolithique moyen, tandis que le niveau inférieur (QIb) n’en a pas livré. On peut donc supposer que le niveau supérieur s’est façonné au cours du Paléolithique moyen ou peu après.

La couverture des glacis anciens à croûte calcaire se caractérise par une formation hétérométrique à gros blocs. Ce dépôt témoigne d’une dynamique morphogénique puissante, se traduisant par la capacité de transport d’importants volumes d’alluvions grossières. Cette dynamique typique des milieux arides fonctionne sous des climats secs mais durant lesquels les phénomènes de torrentialité sont fréquents. La brutalité des précipitations sur un milieu naturel sec et peu végétalisé provoque l’érosion des pentes et le sapement des terrasses. Au sortir des vallées se mettent progressivement en place des cônes alluviaux qui s’étalent sur le piémont. La couverture une fois établie, un lent processus d’aplanissement s’opère, probablement durant les périodes un peu plus humides ou en tout cas au début de ces périodes. Lorsque l’humidité est suffisante, un sol se développe sur ces surfaces subhorizontales qui donne naissance, plus tard, aux croûtes calcaires que l’on observe aujourd’hui. Les processus sont très complexes, mais il semble que, dans la région, au regard de ce qui se passe actuellement, ce façonnement affecte d’abord les horizons inférieurs du sol (horizon B d’accumulation des carbonates). L’étape suivante est la lente dissection du glacis lors du passage à une période plus sèche mais au cours de laquelle la torrentialité reste suffisamment fréquente pour permettre l’érosion linéaire.

À partir de cette analyse des étapes du façonnement des glacis, il est possible de déterminer l’époque de leur apparition. Pour ce qui concerne le glacis QIb, si les outils du Paléolithique moyen ont été pris dans la croûte calcaire en place, c’est au cours de la période plus humide de fin d’aplanissement du glacis, au moment où ce dernier est recouvert d’un sol. C’est donc vraisemblablement durant un interglaciaire. La faible dissection de ce glacis et le fait qu’il constitue le dernier glacis à croûte calcaire, nous incitent à penser qu’il est d’âge relativement récent. On peut supposer, au vu de la chronologie établie par P. Sanlaville (2000), qu’il s’est mis en place au cours du dernier glaciaire, précisément à la fin du stade isotopique 4, au cours de la transition avec le stade 3 (55-65 ka BP) (figure 15).

Le niveau de glacis antérieur (QIa) daterait d’une phase alluviale précédente très active. Celle-ci pourrait être, si l’on s’en remet aux hypothèses de P. Sanlaville, le stade isotopique 6 (entre 140 et 200 ka BP). Cependant, l’absence d’artefacts lithiques ne nous permet aucune certitude. Il est donc possible que cette phase alluviale soit en fait assimilable à l’épisode morphoclimatique majeur qui précède, durant le stade isotopique 10. Dans ce cas, la phase morphoclimatique du stade isotopique 6 aurait été peu marquée dans la région.

Il est assez difficile de juger si les terrasses alluviales se localisent très précisément dans le prolongement des glacis, en particulier le long du Nahr ad-Dahab, en raison de l’absence de coupes latérales. Il nous semble cependant possible, au vu de l’absence de ruptures altitudinales importantes entre les terrasses et les glacis sensés appartenir à la même phase morphoclimatique, que ces deux formes de relief se sont établies sinon à la même époque, au moins avec seulement un léger décalage. La fin de l’établissement du glacis et le début de son aplanissement seraient contemporains du dépôt de la terrasse (baisse de la capacité de transport du cours d’eau, retour de la végétation). Par la suite, en raison de la présence d’une végétation plus dense, la morphodynamique privilégierait l’érosion linéaire. C’est à ce moment que la terrasse serait incisée et apparaîtrait.