1 - Les témoins de l’occupation sédentaire

a - Les tells : caractérisation et localisation

Les tells sont des éminences de terre résultant de la succession en un même lieu de plusieurs phases d’occupation humaine. La terre provient des constructions ainsi que, pour une part, de particules éoliennes accumulées contre ou sur ces collines.

Dans la région le plus grand nombre de tells est situé dans le nord et le nord-ouest du lac (planche 9, photo C ; exemple de tell dominant une agglomération actuelle). Selon une prospection anglaise de 1939 (Maxwell Hyslop 1942) ils seraient une centaine. Nous en avons relevé une quarantaine uniquement dans le voisinage immédiat de la berge nord du lac et le long du Nahr ad-Dahab (figure 39). Ils représentent la moitié de tous les tells que nous avons localisés dans la région. Il s’agit là d’éléments très significatifs quant à la densité de l’occupation ancienne dans le nord du lac, et surtout quant à son mode d’organisation.

Les tells sont les témoins d’une occupation regroupée, dont la taille et la morphologie, notamment, nous renseignent sur le type du site : agglomération de taille variée, forteresses... Ainsi, le site majeur du nord du lac Jabbûl est Um al-Marâ, grand tell d’environ 25 ha, situé aujourd’hui au sud de la ville de Dayr Hâfir, à 6 km du lac. Il s’agit d’un centre urbain régional qui apparaît à la fin du Bronze ancien (Schwartz et al., 2000). Sa taille est importante au regard des autres sites de la région, mais bien inférieure aux grands sites urbains apparaissant à la même époque, en particulier Tell Mardikh (Ébla), Mari ou Tell Leilan. Toujours au nord du lac Jabbûl, G. Schwartz et al. (2000) ont relevé trois centres secondaires représentés par des tells de 5 ha et plus, et huit tells de 2 à 3 ha. Le reste, c’est-à-dire la majorité des sites de l’âge du Bronze (ancien, moyen et récent confondus), consiste en de petites agglomérations dont les vestiges couvrent moins de 1 ha. Au nord-ouest du lac les tells sont également nombreux, en particulier autour de Sfirat et le long de la berge du lac Jabbûl. Enfin, quelques tells (8) ont été relevés au sud du lac et trois petits tells au sud-est. Parmi les tells localisés au sud du lac Jabbûl, quelques-uns sont de grande taille. Il s’agit du Tell Monbatah, au sud du couloir du même nom, du site de Rasm Ahmar, au sud de la Sebkha Rasm ar-Ruam, et du site de Hûdlû, à la pointe sud du lac (figure 39).

La taille de ces sites est loin de rivaliser avec celle de Um al-Marâ, mais il s’agit cependant, pour ce secteur, des plus grands sites de l’époque. D’après une étude menée dans les années 1970 (de Maigret 1974), la majeure partie de la céramique trouvée à Tell Monbatah date de la fin du troisième millénaire av. J.-C., c’est-à-dire de la fin du Bronze ancien. Ce tell aurait été une agglomération protégée par un système de défense consistant en un mur circulaire établi sur les flancs d’une colline artificielle. Sa raison d’être aurait été, entre autres, d’assurer partiellement la sécurité d’une des routes reliant l’Euphrate à Tell Mardikh.

Le tell de Hûdlû, à la pointe sud du lac Jabbûl, semble également protégé de remparts. Il s’agit d’une colline circulaire déprimée en son centre, de 330 m de diamètre. Elle se localise à une centaine de mètres du lac Jabbûl. Enfin, le site de Rasm Ahmar est un large tell circulaire de 330 m de diamètre situé à 2,5 km de la berge sud de la Sebkha Rasm ar-Ruam. Ces deux sites datent du Bronze moyen. Il s’agit là aussi vraisemblablement de petites agglomération, centres névralgiques de l’occupation humaine dans le secteur à cette époque.

La plupart des tells observés datent du Bronze, mais certains ont été réoccupés postérieurement. C’est le cas, par exemple, du site de Um ‘amûd Saghirat 3, sur la berge ouest du lac Jabbûl, réoccupé à l’époque romaine. Cependant, le plus souvent, les occupants des époques postérieures s’installent au pied des tells. Ainsi, le tell évoqué précédemment est-il accompagné d’une petite agglomération située à sa base occupée à l’époque byzantine et islamique. C’est également le cas du grand tell de Rasm Ahmar, qui domine une grande agglomération occupée à l’époque byzantine et omeyyade. Enfin, c’est le cas dans la plupart des sites situés à l’ouest et au nord du lac Jabbûl. Le sommet des plateaux n’a pas été pris en compte dans la prospection, ce qui explique l’inexistence de tells dans ces secteurs sur la carte. Cependant, concernant le Jabal Shbayth, les visites effectuées sur le plateau n’ont pas révélé la présence de tell. Il semble qu’à l’époque du Bronze, seuls les glacis et les vallées du Jabal Shbayth aient été, très ponctuellement, occupés. Une des principales raisons réside dans le problème d’accès à l’eau, en raison de la difficulté que pouvait constituer le creusement de puits à travers le basalte, à l’aide de simples outils de bronze.