2 - L’évolution historique de l’occupation : la prééminence des choix agricoles

a - La réoccupation progressive de la région du lac Jabbûl

À la fin du XVIIIe siècle la région est vide d’habitants sédentaires ; Jabbûl était presque en ruine et Haklâ, sur la rive ouest du lac, fut parmi les derniers villages habités, car déserté seulement à la fin du siècle (Lewis 1987). Les actions violentes menées par certaines tribus nomades, dont les Mawali, ont été une des causes des migrations. Au XIXe siècle, l'État ottoman et les grands propriétaires mettent en place une politique de sédentarisation visant à contrôler les populations restées en marge et à étendre les surfaces cultivées. C’est à cette époque que la région est réoccupée progressivement, en particulier grâce à la reconstruction de nombreux villages au nord du lac, sous l’impulsion d’Ibrahim Pacha (ibid. et Jaubert 1993). Cette réoccupation s’accompagne d’un lent développement agricole, marqué par l’accroissement des surfaces réservées aux cultures pluviales et le développement des cultures irriguées à partir de puits (notamment pour les cultures spéculatives telles que le coton, tandis que l’arboriculture n’est toujours pas réimplantée), jusque dans les années 1940-1950. Au sud-est d’Alep, à la fin des années 1950, les jachères occupent encore plus de 50 % de la surface cultivable (Jaubert 1993). C’est vers la fin des années 1950 que l’extension du front de culture s’accélère brutalement dans cette région en raison de l’apparition de la mécanisation.

La réoccupation accélérée de la région à cette époque s’explique également par la sédentarisation d’une partie des nomades à qui l’État offre des terres. Cette occupation nouvelle se concentre dans les secteurs les moins peuplés, à savoir la moitié sud de la région (figure 76). Le village actuel de Jub al-‘ali, sur le piémont nord du Jabal Shbayth est un exemple de cette implantation nouvelle. On peut encore apercevoir aujourd’hui la grande bâtisse du Chaykh.