Conclusions générales de la seconde partie : la nécessaire analyse de l’occupation à l’échelle des sites

Dans la région du lac Jabbûl, le milieu semble avoir connu, jusqu’au XXe siècle, une situation d’équilibre. La présence humaine et la densité de l’occupation ont été soumises en partie au contexte socio-politique, tandis que l’extension des surfaces exploitées, et notamment des cultures pluviales dans les secteurs les plus arides, a pu être favorisé par les composantes dynamiques du milieu naturel. L’équilibre entre les ressources disponibles et les sociétés s’est traduit par un mode de mise en valeur agricole adapté, caractérisé par la complémentarité, à plusieurs époques (et notamment lors des phases d’intense occupation), entre la culture et l’élevage. Cette dernière activité a été pratiquée non seulement par les nomades, mais très probablement par des sédentaires ou des semi-nomades. Ainsi la steppe aride et la présence des plateaux basaltiques constituent un cadre naturel original, dans lequel s’inscrivent le développement agricole et l’occupation spécifiques de la région du lac Jabbûl. La steppe a permis une cohabitation permanente avec les nomades et le développement d’une agriculture extensive fondée sur l’élevage et la culture pluviale. Les plateaux basaltiques quant à eux, ont constitué indirectement la ressource fondamentale de la région, en raison des réserves d’eau et de la qualité des sols qui y sont associées. Par ailleurs, la présence de ces plateaux a contribué à la mise en place d’une agriculture mixte, mais cette fois intensive, fondée très probablement sur l’exploitation de l’olivier et surtout de la vigne, associée à l’irrigation en fond de vallée et à l’élevage. L’équilibre du milieu semble n’avoir été rompu qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle, avec l’introduction des nouvelles techniques et la densification de l’occupation. On constate malgré tout la permanence des pratiques agricoles décrites plus haut, reposant en particulier sur la cohabitation des sédentaires des nomades, sur la frange sud-est de la région.

Au final, l’analyse qui précède a établi le rôle fondamental du relief, non seulement dans la région du lac Jabbûl, mais aussi, plus largement, dans les secteurs de marges arides. C’est en effet cet élément naturel qui peut modifier radicalement les conditions d’occupation et de mise en valeur. Ainsi, les plateaux du al-Has et du Shbayth apparaissent clairement comme les pièces maîtresses du contexte environnemental de la région du lac Jabbûl. En permettant une plus grande concentration des réserves hydriques et surtout en favorisant leur exploitation directe par le biais de sources, ces jabals sont à l’origine de la concentration de l’occupation et du développement de la mise en valeur dans cette région aride. Le secteur nord de la région est néanmoins exclu de cette analyse en raison de son appartenance à un autre ensemble morphopédologique, celui du piémont du Taurus 215 .

Ce rôle fondamental du relief dans les marges arides s’observe dans d’autres régions du Proche-Orient. En effet, dans le Levant sud notamment, les secteurs de moyenne montagne (Hauran, Sinaï) ont constitué un cadre privilégié du développement de l’occupation. Dans de telles zones arides, en dehors de ce contexte montagneux favorable, l’occupation a été soumise (et l’est encore) soit à des facteurs extérieurs : écoulements de surface ou d’inféroflux en provenance de secteurs montagneux, comme dans la steppe des marges arides située au sud du Jabal Shbayth ; soit à des facteurs locaux : présence de sources artésiennes, comme c’est le cas à Palmyre par exemple.

L’importance majeure du relief, telle qu’elle vient d’être démontrée dans sa globalité, appelle également une étude plus détaillée à l’échelle locale. Celle-ci portera sur l’analyse systématique de l’insertion des sites d’occupation et des aménagements agricoles au sein du milieu naturel dont on tentera de mesurer l’influence exacte. Dans cette perspective, trois secteurs de la région ont été choisis et seront étudiés à l’aide d’un SIG. On mettra l’accent sur l’analyse spatiale et la production de cartes.

Notes
215.

Mais la qualité agricole de ce secteur est également due au relief. En effet, les contreforts du Taurus, bien que situés loin en amont, ont été pourvoyeurs d’écoulements plus abondants dans le nord de la région du lac Jabboul.