2 - La réalisation de la carte de la végétation

La carte de la végétation a été réalisée à l’aide de l’image de février 1997. Cette période est intéressante pour la végétation naturelle, qui est en plein développement, mais moins bien adaptée à l’étude des surfaces cultivées dont les végétaux (orge, blé, légumineuses) achèvent leur cycle de développement en avril-mai. N’ayant pas pu obtenir d’image de cette période, nous avons donc réalisé une classification à partir de l’image de 1997, sur laquelle nous avons pu obtenir une bonne cartographie de la végétation, malgré des contrastes de végétation moins marqués qu’au cœur du printemps 222 .

Pour mener à bien la classification, un indice de végétation a été utilisé. Il permet de calculer des densités de végétation en fonction des mesures de réflectance obtenues par les capteurs des satellites. Il est fondé sur la constatation que la végétation chlorophyllienne a tendance à absorber les rayonnements dans la bande spectrale du rouge et à les réfléchir dans la bande spectrale du proche infrarouge. Lorsque l’on soustrait la bande rouge à la bande du proche infrarouge, ce qui est réalisé dans la plupart des indices de végétation, on obtient une image dans laquelle les zones dont la luminosité est identique dans les deux images deviennent sombres (la végétation sénescente ou les espaces sans végétation), tandis que les zones très lumineuses dans la bande du proche infrarouge (la végétation saine) deviennent claires. Il est alors possible d’interpréter l’image sur cette base : plus la réflectance est forte (zone claire), plus la végétation est chlorophyllienne et dense, et plus la réflectance est faible (zone sombre) et moins la végétation est dense tandis que l’influence du sol augmente. Les zones sombres regroupent également la végétation sénescente, le sol nu et les zones humides sans végétation.

Après avoir réalisé plusieurs classifications fondées sur différents indices de végétation (Différence, SAVI, NDVI), nous avons constaté que l’indice de végétation normalisé (NDVI, Normalized Differential Vegetation Index) donnait le meilleur résultat par rapport à la réalité du terrain. Il s’agit d’un indice fondé sur les propriétés des végétaux verts (végétation chlorophyllienne). L’influence du sol peut être forte, en particulier lorsqu’il est très humide et surtout quand la végétation est peu dense. L’humidité du sol intervient sur le comportement spectral de la végétation, dans le canal du proche infrarouge, en diminuant la réflectance des végétaux chlorophylliens. L’impact de cette diminution est d’autant plus fort que la densité du couvert végétal est faible. C’est pourquoi, dans certains secteurs très humides, la végétation, peu dense, n’apparaît pas. Cependant, cette situation ne fausse pas l’interprétation de la classification car les secteurs humides de la région nous sont connus, ce qui permet d’ajuster l’analyse à la réalité.

Après avoir soumis le NDVI à un étirement d’histogramme afin de faire ressortir les contrastes, la classification a été réalisée. Huit classes ont été définies en fonction des valeurs de gris de l’image (tableau 8), correspondant à des niveaux de densité du couvert végétal.

Tableau 7 : Les différentes classes de densité de végétation et les valeurs de gris correspondantes
numéro des classes nom des classes valeur de gris
1 tresdense 252-255
2 dense 215-250
3 moydense 180-212
4 peudense 158-179
5 lâche 152-163
6 sporadique 140-154
7 sol-nu 128-139
8 eau 0-100

Nous avons ensuite réalisé la classification à partir de ces classes déterminées sur l’image. Le choix s’est porté sur l’algorithme utilisant le maximum de vraisemblance. Des nuances de couleurs différentes ont été affectées aux secteurs cultivés (zones agricoles 1, 2, 3, 4) et aux secteurs non cultivés (steppe, zone 5). Ces deux espaces sont suffisamment homogènes pour être analysés différemment.

La classification est globalement bonne puisque 98,5 % des pixels de l’image ont été bien classés (figure 83, matrice de confusion). Dans le détail, on constate cependant que certaines confusions existent, en particulier entre les classes 3 et 4. Il en résulte que certaines catégories de pixels sont moins bien classées que d’autres (essentiellement des classes intermédiaires). Cependant, le pourcentage de pixels bien affectés aux différentes classes reste suffisamment élevé pour valider la classification.

Le résultat (figure 13) donne une image de la densité de la végétation qui est conforme à la réalité observée sur le terrain. Les secteurs de sol humide, labouré, peu végétalisé et les fonds d’oueds actifs se confondent avec les zones à faible végétation sur sol labouré peu humide ou sur croûte calcaire. La raison en est la faible proportion de végétation dont la réflectance est, dans le cadre du NDVI, fortement atténuée par l’influence du sol. La différenciation entre les secteurs de sol nu humide et les secteurs de sol nu sec est réalisée dans la carte des sols, on peut donc s’y reporter pour information. La carte de la végétation reste exacte, malgré cette confusion, car elle renseigne sur la densité de la végétation, faible, sur ces deux types de sols.

La couverture végétale est presque généralisée, sans être dense. C’est dans le secteur de steppe, au sud-est de la région, que se localisent les zones les plus dénudées. Il s’agit d’espaces qui furent labourés à la fin des années 1980. La fragilité des sols de ce secteur, en raison de leur minceur, de l’absence d’argile et de matière organique, de la faiblesse du stock grainier ainsi que des sécheresses répétées ces dernières années, ont compromis le retour d’une végétation pérenne dense. La végétation est faite d’annuelles dont la réponse spectrale est forte et de plantes pérennes au taux de recouvrement variable, dont la réponse spectrale est moins forte. Dans cette zone, on constate que certains fonds d’oueds sont occupés par une végétation dense. Il s’agit d’annuelles qui bénéficient de l’humidité de ces incisions. La vallée du Wadi Abû al-Ghor est recouverte d’une végétation très peu dense sur un sol labouré. À l’ouest de la région, sur le Jabal al-Has, on note également des zones très dénudées. Il s’agit de terres arables humides labourées, recouvertes d’une végétation insuffisamment dense pour apparaître dans la classification. Sur le plateau, on observe également la présence d’un nuage (blanc). Certains secteurs sont presque nus (en gris). Il s’agit de zones d’affleurement du substrat (croûte calcaire, roche calcaire) ainsi que de secteurs urbains (l’agglomération de Sfirat notamment, au nord-ouest de la région).

Certains secteurs de la région possèdent une réponse spectrale forte. Il s’agit de zones de cultures d’hiver et en particulier les cultures irriguées (tons verts), ainsi que de plantes annuelles (tons bruns). Il faut remarquer que les secteurs où la végétation naturelle est la plus dense sont situés à proximité des sebkhas. Il s’agit d’une steppe à armoise qui s’est maintenue sur un sol à forte proportion de sels. Cette salinité ayant empêché toute culture, la végétation naturelle n’a pas été détruite.

Notes
222.

Il est important de signaler cependant que la réflectance des végétaux cultivés en hiver n’est pas négligeable dès la fin du mois de février et permet une relativement bonne discrimination de la végétation. En effet, des mesures réalisées sur une parcelle de blé d’hiver à différentes dates, montrent que la réflectance dans le proche infrarouge atteint 50 % à la fin du mois de février (contre 90 % en mai) (Girard et Girard 1999).