3 - Le potentiel agricole

La mise en relation des données pédologiques, géomorphologiques et géologiques a mis au jour les potentiels agricoles du secteur (figure 85-A).

Un premier groupe de sols très favorables à la mise en culture recouvre la partie centrale du glacis et le fond des vallées sèches qui l’incisent. Il s’agit d’un sol épais, relativement riche en matière organique, en argiles et en limons et possédant, de ce fait, une forte capacité de rétention en eau. Cette dernière est illustrée par le niveau d’humidité élevé qui caractérise ce sol. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’une partie des informations ayant aidé à la réalisation de cette carte proviennent d’une image satellitaire prise en été. Ainsi, les secteurs où le sol est le plus humide correspondent aux zones irriguées (figure 86-A). Ce sol est caractérisé également par un fort pourcentage de calcaire, roche qui constitue l’essentiel du substrat. L’argile provient de la décalcification du calcaire et du dépôt de colluvions en provenance des secteurs amont du glacis. Ces colluvions sont héritées. Elles résultent d’une phase de dépôt datant du début de l’Holocène et d’une seconde phase plus restreinte datant de l’époque romano-byzantine. Actuellement, l’érosion et le dépôt colluvial par ruissellement de surface, traditionnel sur les glacis des zones arides, est très faible. Deux raisons l’expliquent : d’une part, la faiblesse de la pente, puisque le MNT réalisé sur le secteur nous montre que la plupart des pentes ne dépassent pas 5 % ; d’autre part, des précipitations insuffisantes pour provoquer un départ de matériel ; enfin, une texture des sols perméable qui favorise une bonne pénétration de l’eau. Ces caractéristiques garantissent aux sols une grande stabilité et participent de son fort potentiel agricole.

La plupart des fonds de vallées apparaissent comme des secteurs très favorables à la mise en valeur agricole. Pourtant, seule une partie de la vallée du Nahr ad-Dahab, large vallée occupée anciennement par un cours d’eau pérenne, est recouverte du sol de la première catégorie, la plus favorable. Cette vallée est incisée dans les calcaires éocènes et les croûtes calcaires du Pléistocène. Une partie des terrasses en est constituée à l’affleurement, ce qui ne favorise pas la constitution de sols de grande qualité dans une optique de mise en culture. Cette constatation est particulièrement frappante pour la partie aval de la vallée, aux abords du lac Jabbûl. Dans ce secteur, les sols sont davantage des lithosols, secs et peu épais recouvrant la croûte calcaire ou le substrat calcaire (en particulier des conglomérats très durs du Pliocène). Cependant, plus en aval, aux abords même du lac, le cours d’eau a formé un petit delta et a déposé un matériel fin qui permet la constitution d’un sol au potentiel agricole plus élevé (figure 85-A).

En raison de ses caractéristiques, ce premier type de sol est adapté à la culture pluviale, non seulement d’orge, mais également de blé et de légumineuses, plantes fragiles qui nécessitent une humidité forte.

La seconde catégorie comprend des sols qui possèdent les mêmes caractéristiques que ceux du précédent groupe mais à un degré moindre. Ils bénéficient d’une certaine capacité de rétention en eau mais sont moins humides et possèdent un pourcentage d’argile et de matière organique moins élevé. C’est un sol moins épais que le précédent, qui contient un fort pourcentage de carbonates et qui recouvre essentiellement le glacis amont (figure 85-A). Ce sol est peu présent dans les vallées qui sont essentiellement occupées par le sol décrit précédemment, hormis certains secteurs de la vallée du Nahr ad-Dahab, recouverts d’un sol moins fertile encore. Pour cette seconde catégorie de sols, les héritages sont les mêmes que pour la précédente, mais l’épaisseur et le pourcentage de colloïdes argileux sont plus faibles, d’où une capacité de rétention en eau moins élevée. Cette capacité de rétention plus faible est une des caractéristiques les plus représentatives de ce sol. Il reste cependant adapté à la culture pluviale de céréales et de légumineuses, quoique n’offrant pas des conditions idéales de développement de ces plantes tout en ne permettant que des rendements peu élevés.

La troisième catégorie de sol possède un potentiel agricole faible, même si une mise en valeur agricole reste possible. Il s’agit d’un sol mince, sableux et caillouteux, très calcaire, à très faible pourcentage d’argile et de matière organique. La croûte calcaire sous-jacente ou la roche en place sont subaffleurantes. Ainsi, la capacité de rétention en eau, élément fondamental pour garantir la qualité agronomique des sols, est faible. Aux environs du lac Jabbûl, le sol est plus limoneux mais possède un fort pourcentage de gypse qui provient de la désagrégation de la roche mère sous-jacente. Ce sol se localise dans la partie aval du glacis d’Al-Bâb, dans le secteur où la croûte calcaire est très proche de la surface, mais également sur le glacis récent en contrebas, en bordure du lac Jabbûl, à la périphérie de certaines des vallées sèches et enfin en bordure et à l’aval de la vallée du Nahr ad-Dahab (figure 85-A). Dans ces derniers secteurs, la croûte calcaire voire la croûte calcaro-gypseuse est subaffleurante et contribue à diminuer le potentiel agricole du sol. La présence de ce type de sol dans la vallée du Nahr ad-Dahab et sur ses bords a déjà été partiellement expliquée. Rajoutons que la densité des aménagements humains contemporains dans la moitié nord de la vallée (routes, agglomérations, usines…), expliquent également l’apparente faible qualité agronomique des sols aujourd’hui.

Les caractéristiques de ce sol (finesse, faible capacité de rétention en eau, rareté des argiles, fortement caillouteux) en font un support peu favorable aux cultures. Seul l’orge peut être cultivé sans problème du fait de sa robustesse, et en particulier de sa plus grande résistance à la sécheresse. Nous avons pu observer sur place ces cultures d’orge. Elles sont localisées à l’aval du glacis d’Al-Bâb ainsi que sur les bords de la vallée du Nahr ad-Dahab et, par endroits, sur le glacis récent gypseux (en particulier à l’aval de la vallée du Nahr ad-Dahab). Certains secteurs de ce glacis sont aujourd’hui irrigués, en particulier dans sa partie sud-est. Aux abords immédiats du lac, le sol limoneux, poudreux, dans lequel il existe un fort pourcentage de gypse et d’halite, et maintenu par une végétation halophile, constitue un espace voué aux pâturages. Ce sol, que l’on peut qualifier de pauvre, garde malgré tout un potentiel de mise en valeur non négligeable et cela essentiellement en raison de la plus grande humidité qui règne dans ce secteur. Nous verrons que le même type de sol, situé dans un contexte naturel plus sec, ne possède qu’un potentiel très limité de mise en valeur et ce, dans des conditions favorables (années humides) et, surtout, ne tolère pas la succession de périodes légèrement plus sèches, postérieurement à la mise en valeur.

Enfin, un dernier type de sol occupe une faible surface dans le secteur. Il s’agit d’un sol caillouteux de type lithosol, possédant un très faible pourcentage de colloïdes. Par endroits, ce sol est constitué de débris de la roche en place ou d’une croûte calcaire ou gypseuse très peu évolués. Notons également que les canaux d’irrigation en béton, très denses dans le secteur sud-est, apparaissent également dans cette catégorie de sol. À proximité immédiate du lac, cette catégorie de sol caractérise également les sols très salins (gypse ou halite) et dénudés. Elle apparaît également par endroits dans la vallée du Nahr ad-Dahab. Il s’agit de l’affleurement de roche en place en bordure de l’incision de la vallée, ainsi que de la présence d’un matériel lithique « frais » utilisé comme soubassement aux voies de communication récentes ou aux canalisations d’eau à l’air libre (figure 85-A).

On le voit, les caractéristiques de ce sol en font une surface inadaptée à la mise en valeur culturale, pluviale ou irriguée. Il reste cependant ouvert à une exploitation en pâturage grâce à la persistance d’une végétation qui réussit à se développer dans des petites poches de sol résultant de l’apport d’un matériel fin par le vent.

Cette portion du glacis nord du lac est donc marquée par la présence majoritaire de sols de bonne qualité agronomique, tout à fait favorables à l’agriculture, en particulier la culture pluviale. Cette qualité est due au substrat (fonds de vallées et glacis à couverture limono-argileuse), ainsi qu’à la bonne humidification des sols grâce à l’apport d’humidité par les écoulements d’inféroflux depuis les zones plus arrosées du nord de la région. Enfin, concernant le modelé, ce secteur est subhorizontal, ce qui garantit aux sols une plus grande tolérance face à un ruissellement qui serait provoqué par des pluies d’orage, typiques du climat local (aride de type méditerranéen).