3 - Un potentiel agricole des sols élevé

La superposition entre la carte des sols et celle de la géologie et des formations superficielles a fait apparaître l’importance de la surface occupée par les terres arables dans ce secteur. La présence du Jabal al-Has constitue un atout (présence de basalte) mais peut également se révéler une contrainte, en particulier à cause des pentes fortes. La valeur des pentes a été intégrée à la réflexion, afin d’en tenir compte dans l’évaluation du potentiel des sols. La carte finale fait ressortir les secteurs où la pente est supérieure à 9 % (en rose), valeur au-delà de laquelle la culture est rendue très aléatoire sans aménagement adéquat. Trois ensembles topographiques caractérisent ce secteur : les fonds de vallées, le glacis du piémont et le sommet du plateau à la couverture basaltique (figure 88-A).

La première catégorie de sol, très favorable à la mise en valeur agricole et surtout à la culture pluviale, recouvre une partie du sommet du plateau et le fond de la vallée de Tât, en forme d’amphithéâtre (figure 88-A). Ce sol est caractérisé par son épaisseur importante, la présence d’argile, de limons et de matière organique, ce qui lui confère une forte capacité de rétention en eau, condition nécessaire, on l’a vu, à la bonne qualité agronomique d’un sol dans les régions sèches.

Au sommet du plateau, c’est un sol rouge qui dérive en partie de l’altération ancienne du basalte et de la croûte calcaire qui le recouvre partiellement. Des limons éoliens sont mêlés au produit de cette altération pour donner naissance à ce sol épais de bonne qualité agronomique grâce à sa grande capacité de rétention en eau. Dans le fond des vallées, on retrouve ce même sol, mais seules les poches les plus humides sont placées dans cette classe très favorable. C’est un sol d’origine colluviale, constitué d’un matériau fin (argiles et limons) provenant du sommet du plateau. On l’observe essentiellement dans la vallée de Tât et, ponctuellement, dans la vallée de Samâd ainsi que, par endroits, sur le glacis de piémont (figure 88-A).

Épaisseur et forte capacité de rétention en eau sont les caractéristiques fondamentales du bon potentiel agricole de ces sols. À ces éléments s’ajoute le rôle du modelé. Les surfaces sur lesquelles ils se localisent possèdent une pente qui ne dépasse pas 5 %. Cette caractéristique, dans un secteur peu végétalisé, contribue à la stabilité de ces sols en rendant aléatoire le rôle de l’érosion par ruissellement.

Une seconde catégorie de sol occupe une vaste surface dans ce secteur. Il s’agit d’un sol relativement similaire au précédent (en particulier en ce qui concerne son origine), mais qui se caractérise par une épaisseur moindre et surtout une capacité de rétention en eau plus réduite en raison d’une plus faible proportion d’argile et de matière organique et un pourcentage plus important de calcaire. Il se développe sur un substrat calcaire ou basaltique, caractérisé soit par la roche en place (basalte du sommet du plateau, calcaire « crayeux » des versants), soit par les colluvions calcaires du fond des vallées et des piémonts (colluvions héritées de l’érosion des versants). Il s’observe sur le plateau, essentiellement dans la partie est du secteur (figure 88-A). Il recouvre par ailleurs le fond des vallées, le bas des versants et, très ponctuellement, le glacis de piémont. Malgré des qualités agronomiques moindres que le précédent, ce sol est favorable à la mise en valeur agricole et surtout à la culture pluviale, de céréales comme de légumineuses.

Ces deux types de sols sont influencés par le modelé et notamment leur localisation dans les fonds de vallées. Ces fonds de vallées sont généralement plats, ce qui permet une épaisse accumulation de colluvions et favorise la pédogenèse 225 . Ils possèdent par ailleurs une forte capacité d’humidification en raison de la proximité de la nappe phréatique du plateau qui génère l’éclosion de sources en amont et alimente des écoulements d’inféroflux. C’est cette présence d’humidité, dans un contexte climatique sec (200 mm à 250 mm de précipitations moyennes annuelles), qui confère aux sols leur potentiel de mise en culture.

La troisième catégorie de sol mise en évidence dans le secteur recouvre des zones situées en majorité dans la moitié est. Il s’agit d’un sol plus mince et surtout plus carbonaté que le précédent, tandis que le pourcentage d’argile et de matière organique est plus faible. L’argile est remplacée par les limons calcaires ou gypseux, abondants sur le piémont. Ce n’est cependant pas un sol uniquement limoneux. Il est aussi caillouteux sur une grande partie du piémont ainsi que sur les versants des vallées, en particulier dans les secteurs où la croûte calcaire est présente (figure 88-A). C’est donc un sol peu évolué, voire un lithosol dans certains secteurs de croûte calcaire. Ses capacités de rétention en eau sont très faibles, hormis dans les secteurs du glacis à couverture limoneuse à proximité du lac Jabbûl. Dans ce secteur, l’absence d’un sol de qualité est surprenante a priori étant donné la nature du substrat, résultant du dépôt d’alluvions et de colluvions provenant des pentes et des vallées du jabal. Mais, en réalité, cette portion de piémont est relativement étroite (entre la base du plateau et la berge du lac) et les alluvions et colluvions ont évolué en des croûtes calcaires qui ne sont que partiellement altérées. Il en résulte que le support de la pédogenèse est, aujourd’hui, de qualité médiocre. Dans la partie sud-est du secteur, c’est la proportion de gypse et d’halite qui limite le potentiel agricole de ce sol, alors que sa capacité de rétention en eau et son épaisseur sont plus importantes (mais là encore, on est plus proche d’un lithosol que d’un sol évolué contenant de la matière organique). La présence de ce type de sol dans les vallées est à mettre en relation avec la proximité des croûtes calcaires en bas de versant ou bien du substrat calcaire, dans les vallées de Samâd ou de Tât par exemple (figure 88-A).

Ce sol mince, à la faible capacité de rétention en eau, n’est cependant pas inadapté à la mise en valeur agricole. La possibilité de l’exploiter en culture pluviale d’orge se vérifie aujourd’hui sur le terrain. Certains secteurs du sud-est ont également été irrigués, mais la présence de sels (dans l’eau d’irrigation comme dans le sol) est une contrainte trop forte qui a provoqué l’arrêt de cette pratique et l’abandon de ces sols. Ce sol est également adapté aux pâturages, mais la pratique de l’élevage n’est possible qu’après la moisson de l’orge, ou bien se concentre dans le secteur sud-est, là où une végétation naturelle très ouverte est encore en place par endroits.

La quatrième classe de sol concerne les sols très minces de type lithosol sur substrat calcaire et gypseux (croûte calcaire, croûte gypso-calcaire et calcaire « crayeux »). Ces sols, ou les zones d’affleurement de roche en place qui en sont dépourvus, ne représentent qu’une faible proportion de l’ensemble de la surface du secteur (8,2 %, soit 22,8 km²). Ils se localisent essentiellement en bas de versant et sur le piémont du Jabal al-Has, dans la zone sud-est du secteur (figure 88-A). La présence de cette classe de sol dans les vallées s’explique aisément par l’affleurement de la roche en place et de croûtes calcaires, dans des secteurs où la pente dépasse 9 %. Elle est plus inattendue sur le piémont du Jabal al-Has, et surtout dans sa partie sud-est où elle est relativement étendue. Ce secteur est caractérisé par la proximité de croûtes calcaires et de croûtes gypso-calcaires affleurantes ou subaffleurantes qui freinent la pédogenèse. Par ailleurs, la zone est plus faiblement arrosée que le reste du secteur en raison de sa position plus au sud et de la barrière que constitue le Jabal al-Has, ici dans sa portion la plus élevée (600 m), pour les vents d’ouest qui pourraient apporter un peu d’humidité.

Ce lithosol et les secteurs d’affleurement du substrat ne sont pas pour autant totalement inadaptés à la mise en valeur agricole, comme nous l’avons déjà signalé. Si le secteur sud-est a connu des tentatives de mise en culture qui n’ont pas été concluantes en raison de la réelle pauvreté de ces sols trop gypseux (gypse hérité d’une phase lacustre), certaines portions de ces surfaces peuvent être exploitées en pâturages. Cependant, ces « pâturages » ne constituent qu’un apport limité et temporaire (beaucoup d’annuelles) pour de petits troupeaux, tant la végétation naturelle est sporadique.

Notes
225.

Rappelons que les sols développés à partir d’alluvions bénéficient d’une plus grande aération et d’une circulation de l’eau plus aisée, ce qui est fondamental dans la qualité d’un sol ; par ailleurs, les éléments résultants de l’érosion du basalte et du calcaire (minéraux ferromagnésiens et carbonates), abondants dans les alluvions qui tapissent le fond des vallées, enrichissent les sols.