D - Le rôle de l’exposition des terrains

La question du rôle éventuel joué par l’exposition des terrains sur le potentiel agricole des sols porte moins sur l’orientation par rapport au soleil que par rapport aux mouvements de l’air. Les vents dominants sont actuellement les vents d’ouest et de nord. Ces vents, en particulier le vent d’ouest, peuvent jouer un rôle favorable pour les cultures étant donné qu’ils sont porteurs d’humidité récoltée en Méditerranée ou dans le nord de la Syrie. Bien qu’ayant parcouru plus de 300 km de régions continentales et franchi l’obstacle du Jabal Alaouite, le vent d’ouest conserve probablement une certaine influence sur le potentiel agricole des sols de la région. C’est sur cette base que l’étude de l’orientation des terrains nous paraît devoir être menée. Cette étude a été réalisée pour les secteurs de Tât - Um ‘amûd Kabirat et de Zabad, secteurs où le relief a une influence sur le passage des masses d’air (figures 91 et 93).

Dans le premier cas, on constate que les deux premières catégories de sols (qui regroupent les sols au potentiel le plus élevé de mise en valeur agricole et en particulier de mise en culture) sont constituées de sols situés sur des surfaces exposées à l’ouest à 28 %, et exposées au nord à 36 %. La nette prédominance de ces directions n’est probablement pas due au hasard, même s’il faut tenir compte de l’exposition générale des terrains qui dépend de la morphologie du Jabal al-Has (incisions nord-sud, d’où l’importance des expositions est-ouest).

L’orientation des terrains recouverts par les sols aux potentiels les moins élevés de mise en valeur agricole (les deux catégories suivantes) est tout aussi significative. En effet, les sols localisés sur des surfaces exposées à l’est dominent : ils représentent 33,4 % de l’ensemble des sols situés sur des terrains non horizontaux ; viennent ensuite les surfaces exposées au nord (32 %).

Sachant que les vents dominants sont d’ouest et de nord et en supposant que ces vents peuvent apporter un certain degré d’humidité aux surfaces rencontrées, ces chiffres (plus de 60 % des sols de bonne qualité agronomique sont localisés sur des surfaces exposées au nord et à l’ouest) semblent confirmer le rôle des vents ou, du moins, de l’orientation, dans la variation du potentiel agricole des sols. À l’inverse, le fait que plus du tiers des sols de mauvaise qualité agronomique se localise sur des surfaces exposées à l’est souligne également le rôle joué par l’orientation. Ici, c’est probablement l’exposition des terrains aux vents desséchants d’est qui contribue à l’aridité édaphique.

Qu’en est-il dans le secteur de Zabad ? Précisons, avant d’analyser les données concernant l’orientation des terrains, que ce secteur se situe plus au sud et plus à l’est, sous le vent du Jabal al-Has pour ce qui concerne les vents d’ouest, les plus intéressants car potentiellement les plus humides. On peut donc s’attendre à ce que leur influence ne soit pas aussi évidente que dans le secteur précédent.

Pour les sols aux potentiels les plus favorables à la mise en valeur agricole, ceux des deux premières catégories, on constate un plus grand équilibre. En effet, si 31 % des surfaces recouvertes par ces sols sont exposées au nord, 26,5 % le sont à l’ouest et 25 % à l’est. Il n’y a donc pas d’opposition franche entre l’est et l’ouest, tandis que l’exposition au nord est logiquement dominante étant donné la morphologie des terrains (grand glacis orienté sud-nord dans l’est du secteur, piémont nord du Jabal Shbayth dans la partie ouest). Ainsi, toutes surfaces confondues, l’orientation nord représente 30 % contre 19 % pour l’orientation sud et environ 25 % pour chacune des deux dernières. Quant aux surfaces recouvertes par les sols des deux autres catégories, les moins favorables à la mise en valeur agricole, un constat similaire peut être établi. L’exposition nord représente environ 30 % tandis que les expositions est et ouest environ 25 % chacune.

Ici, l’orientation ne semble donc pas intervenir sur la répartition des sols et sur leurs qualités agronomiques. Il est fort probable que le contexte climatique aride du secteur ne peut être compensé, en tout cas aujourd’hui, par un air légèrement plus humide qui proviendrait de l’ouest ou du nord. Par ailleurs, si cette humidité existe bien dans les vents provenant de l’ouest, il est fort possible que leur passage sur le Jabal al-Has ait achevé de les assécher.

L’orientation des terrains a donc très probablement davantage d’influence sur la qualité agronomique dans les secteurs situés plus à l’ouest, là où le vent est encore chargé en humidité et où l’aridité est moins prononcée. Dans quelle mesure, les populations ont-elles tenu compte de cette inégale influence ? De très nombreux aménagements de versants couvrent les pentes des Jabals al-Has et Shbayth. Ceux-ci possèdent-ils une orientation préférentielle et si c’est le cas, est-elle conditionnée par l’humidité supposée des vents d’ouest ? C’est ce qu’il s’agira d’envisager dans une seconde partie, où occupation humaine et analyse du potentiel agricole des sols seront associées.