1 - L’occupation sédentaire : le rôle déterminant du Jabal Shbayth

a - L’organisation de l’occupation au Bronze ancien

Ce secteur ne compte que deux sites du Bronze. Un seul a été daté précisément : il appartient à la fin du Bronze ancien. Il s’agit d’un vaste tell situé sur le piémont nord du Jabal Shbayth (figure 97-A) qui témoigne d’une présence importante à cette époque. Ce site, Rasm Ahmar, est localisé en aval d’une portion de glacis surmontée d’une croûte calcaire subaffleurante. Il est vraisemblable que les pratiques agricoles relevant de ce site aient été tournées avant tout vers la culture pluviale, sur le piémont, dont la partie aval possède des sols souvent épais, limoneux, qui ont pu, dans un contexte climatique légèrement moins sec, être cultivés avec un rendement plus important qu’aujourd’hui. Cette pratique a également pu être associée avec de l’élevage, mais il ne reste pas de vestiges d’aménagements sur le piémont qui pourraient en témoigner (comme c’est le cas par exemple au sud du Jabal Shbayth, d’après B. Geyer et Y. Calvet 2001). Cependant, les traces d’enclos en bas de versants, dont certains datent peut-être du Bronze, pourraient avoir été liés à cette agriculture mixte.

La présence de ce vaste tell fait écho aux autres agglomérations de grandes dimension localisées plus à l’ouest (Hûdlû, Tell Monbatah). Mais cette occupation paraît sans commune mesure avec ce qu’il se passe partout ailleurs à la même époque. Ainsi, les travaux réalisés dans les marges arides, au sud de la région du lac Jabbûl, montrent que l’occupation à cette époque est relativement dense vers l’est et le sud 228 dans des secteurs très arides, a priori peu accueillants pour les hommes. La cause de la rareté de l’occupation n’est donc pas propre au contexte climatique qui est plus aride vers l’est et le sud. Il existe une contrainte naturelle mais, comme on l’a montré, celle-ci s’exprime surtout à travers l’aridité édaphique. Si un secteur comporte des zones où le sol conserve un certain degré d’humidité, les conditions de l’occupation changent radicalement pour devenir, même dans un contexte général très aride, plus adaptée à la mise en valeur agricole et à la présence d’une population sédentaire. Il en résulte que, dans le secteur de Zabad et surtout dans ses deux-tiers est, c’est davantage la présence de sols très secs et très caillouteux qui constitue une contrainte à l’occupation sédentaire et à une mise en valeur tournée vers la culture pluviale que les conditions climatiques elles-mêmes. Ce constat est valable pour l’époque du Bronze, en particulier le Bronze ancien qui aurait connu un contexte climatique légèrement plus arrosé qu’au bronze moyen (Willcox 1999), comme pour les autres périodes d’occupation et particulièrement l’époque romano-byzantine qui connaît un optimum climatique. La répartition de l’occupation sédentaire à cette période témoigne du rôle fondamental de l’aridité édaphique dans ce secteur en particulier et dans la région en général.

La localisation de ce vaste site répond peut-être également à un souci de contrôle stratégique de la voie de communication existant entre les régions du sud-est, parcourue par les nomades et certains marchands, et la région du lac Jabbûl et d’Alep. Il s’agirait d’un poste militaire avancé, une forteresse garantissant la sécurité aux marges d’un royaume rattaché à celui de Yamhad, dans la région d’Alep. Ce site aurait également pu faire office de lieu de contact entre les nomades et les sédentaires. Des fouilles archéologiques pourraient confirmer ou infirmer ces hypothèses.

Notes
228.

Voir par exemple B. Geyer et Y. Calvet (2001).