3 - Conclusion : une occupation très dépendante du milieu naturel

L’analyse de l’occupation humaine dans le secteur de Zabad montre, pour les périodes du Bronze ancien, romano-byzantine et islamique au moins, le rôle fondamental du Jabal Shbayth. Ce petit plateau constitue le centre d’attraction de l’occupation dans le secteur, que cette occupation soit sédentaire ou semi-nomade voire nomade.

Les déterminants naturels sont, à cette échelle, les raisons principales de cette localisation. Ainsi, l’étude du potentiel agricole des sols a révélé l’importance des surfaces recouvertes par des sols adaptés à la culture pluviale sur le plateau et dans les vallées qui l’incisent. Plus que la simple qualité agronomique des sols, ce sont également les conditions d’exploitation des sols qui semblent avoir été déterminantes dans la localisation des hommes. Les vallées du Jabal Shbayth sont planes et se prêtent à une irrigation par inondation de petites parcelles en bordure d’oueds. Ces parcelles sont entourées de petits murs qui les protègent du flot violent tout en en retenant une partie pour l’irrigation. Enfin, et il s’agit du point le plus important, l’élément central de l’occupation, qu’elle soit sédentaire ou semi-nomade, est la présence de sources en amont des vallées et d’une nappe d’inféroflux bien alimentée et facilement accessible sous le plancher alluvial. Cette ressource semble avoir également assuré l’alimentation de la grande agglomération (Rasm Ahmar) située sur le piémont. Il existe en effet quelques puits de qanât en amont du site, dans une petite vallée et en bas de versant et il est possible, en l’absence d’autres sites pouvant en tirer parti, que cette qanât se prolongeait autrefois jusqu’au site et en assurait l’alimentation en eau.

Dans le cas du Jabal Shbayth et de ce secteur, l’organisation de l’occupation révèle moins un mode de mise en valeur particulier qu’une détermination liée au contexte naturel, ce qui ne veut pas dire cependant que les hommes aient été totalement dépendant du milieu naturel. L’organisation spatiale montre que si l’environnement naturel pèse d’un poids certain sur la mise en valeur agricole dans l’ensemble de la région, ce poids s’accroît en direction du sud-est et ce en raison de la plus grande aridité édaphique qui caractérise ce secteur. Elle montre également que, dans ce secteur plus qu’ailleurs, un changement même léger du contexte climatique peut avoir un impact très fort sur la mise en valeur agricole. La dynamique agricole de l’époque romano-byzantine est en effet incompatible avec le contexte naturel qui caractérise ce secteur aujourd’hui. L’aridité édaphique s’accompagne d’une aridité climatique importante : le secteur ne reçoit environ que 200 mm de précipitations en année moyenne. La pratique éventuelle de l’arboriculture dans le Jabal Shbayth ne peut donc s’expliquer que par une amélioration des conditions d’exploitation du sol, c’est-à-dire de l’abaissement de l’aridité édaphique et de l’aridité climatique. Or, c’est bien ce qui s’est passé lors de l’optimum climatique qui caractérise l’époque classique. La fin de l’époque byzantine a bénéficié des conséquences de cette longue période d’optimum climatique qui a permis l’établissement de conditions édaphiques favorables à une culture fragile. Cependant, ici comme dans le Jabal al-Has, on a pris soin d’éviter au maximum les versants exposés à l’est, moins pour profiter d’une éventuelle humidité provenant du nord et de l’ouest que pour se prémunir des vents desséchants d’est. Ainsi, dans le cadre d’une mise en valeur agricole déterminée par un contexte naturel contraignant, on constate, en réalité, que l’Homme possède encore une marge de manœuvre importante qui peut conditionner la réussite ou l’échec d’une pratique agricole spécifique.