La variété des unités morphologiques et le potentiel agricole des sols

Les unités morphologiques ont été définies en fonction des héritages morphogénétiques, du climat, de la lithologie, de la topographie. Ces composantes naturelles du milieu influencent, en effet, l’évolution des autres composantes naturelles que sont les sols, les réserves hydriques et la végétation. Il en résulte, ainsi qu’il a été mis en évidence, une juxtaposition de micro-milieux naturels aux potentiels variés de mise en valeur agricole.

Ainsi le nord du lac apparaît-il comme un premier ensemble, constitué tout d’abord d’un vaste glacis à la surface duquel affleure, vers l’aval, une croûte calcaire dure. Certains secteurs se révèlent donc difficiles à mettre en valeur au plan agricole, en raison, essentiellement, du poids de l’héritage morphogénétique. Cependant, cette surface encroûtée est surmontée en amont par un dépôt alluvial et colluvial qui constitue un bon support au développement de sols aux potentiels agricoles élevés. En outre, ce glacis a été incisé et de larges vallées, aujourd’hui sèches, se sont mises en place. Comblées d’alluvions fines, elles-mêmes surmontées d’un sol limono-argileux possédant une bonne capacité de rétention de l’eau, elles forment des secteurs aux potentiels agricoles élevés. Cette partie de la région bénéficie par ailleurs d’un climat légèrement moins aride et d’un apport naturel d’eau (essentiellement par des écoulements d’inféroflux) plus abondant que dans la moitié sud de la région. Ces dernières caractéristiques (climat et sol) sont également celle du glacis de Sfiré, au nord-ouest du lac, vaste surface dont les sols possèdent des potentiels agronomiques parmi les plus élevés de la région.

Les plateaux sont, quant à eux, à l’origine d’une série d’ensembles morphologiques différents, d’où dérivent des micro-milieux naturels variés : le sommet des plateaux, les vallées et les piémonts.

Le sommet des plateaux supporte le plus souvent un sol épais, limono-argileux, à bonne capacité de rétention en eau. Il constitue un ensemble homogène au potentiel de mise en valeur agricole élevé en raison d’une faible aridité édaphique.

Les vallées des plateaux, souvent larges et évasées, sont tapissées d’alluvions à dominance fine en surface, qui constituent des sols limono-argileux épais, à faible aridité édaphique et au potentiel de mise en culture élevé. Le basalte contribue activement, par sa nature, à la constitution de ce sol de qualité (apports latéraux de fer, de magnésium, d’argiles…). Il s’agit d’un type de micro-milieu naturel hérité de l’activité érosive passée, dans un contexte naturel fort différent de l’actuel.

Les piémonts constituent un ensemble morphologique plus hétérogène. En effet, le paysage garde la trace des épisodes morphogénétiques évoqués plus haut, à savoir une série de surfaces plus ou moins anciennes, dont certaines sont recouvertes de croûte calcaire. Ces dernières surfaces, dont l’étendue a été mise en évidence par l’analyse, forment un premier type de micro-milieu naturel qui se révèle souvent difficile à mettre en valeur au point de vue agricole. Emboîtées dans ces glacis, apparaissent des surfaces plus récentes à couverture meuble qui possèdent un sol argilo-limoneux souvent épais. Il s’agit là d’un second type de micro-milieu naturel qui constitue un support de qualité pour la mise en valeur agricole, bien que l’aridité édaphique y soit plus forte que dans les secteurs évoqués précédemment.

Les plateaux jouent un rôle fondamental dans la région en tant que ressource dans le cadre d’une mise en valeur agricole. Cette ressource, qui se répartit différemment suivant les unités morphologiques, est double : il s’agit des réserves hydriques et des sols. Au point de vue régional, les plateaux constituent donc des centres de l’occupation humaine et leur rôle s’avère d’autant plus important que l’on se dirige en direction du sud et de l’est, vers les zones les plus arides autant sur le plan climatique qu’édaphique.

Dans le secteur de piémont, la plaine séparant le Jabal al-Has du Jabal Shbayth apparaît comme une unité morphologique spécifique caractérisée par un micro-milieu adapté à la mise en valeur agricole. Des apports hydriques plus abondants, provenant des deux plateaux et des sols épais plus argileux, contribuent à accroître les potentiels agricoles de ce secteur par rapport au piémont nord du Jabal Shbayth, malgré un climat similaire.

Enfin, le caractère spécifique de l’est et du sud-est de la région, a été souligné : ces secteurs sont marqués par une lithologie à dominance gypseuse et une aridité tant édaphique que climatique plus marquée que dans le reste de la région. Les sols sont souvent très gypseux, caillouteux ; parfois il ne s’agit que de lithosols sur roche calcaire ou croûte gypso-calcaire subaffleurante. Ce sont des zones au potentiel de mise en culture faible, mais qui constituent des espaces potentiellement favorables aux pâturages. Au sein de cet ensemble relativement homogène, les fonds d’oueds s’individualisent comme des micro-milieux naturels dont les sols ont des potentiels agricoles plus élevés en raison de leur plus grande épaisseur et d’une moins forte aridité édaphique.

Par ailleurs, au centre de la région, le lac de Jabbûl s’est révélé être une unité morphologique marquée par les héritages lithologiques (sels), structuraux (subsidence) et influencée par les composantes statiques du climat (en particulier l’aridité). C’est une étendue salée, qui fonctionna longtemps comme une sebkha, tout en étant un lieu de convergence des hommes et de la faune.

Le milieu naturel apparaît donc localement contrasté (ce qui a été mis en évidence dans une première étape de l’analyse) et ce, malgré l’influence des composantes naturelles statiques qui ne saurait être ignorée (en particulier le caractère aride du climat). Les facteurs édaphiques sont à l’origine de ces contrastes locaux et déterminent la variété des conditions de mise en valeur agricole au sein d’une région en apparence homogène.