La mise en évidence du rôle de l’Homme dans les variations de l’occupation

L’étude de l’occupation a fait apparaître les faits historiques comme étant capables de déclencher des changements dans l’occupation au plan régional. Les mouvements de migration des sédentaires en quête de terres supplémentaires auraient une origine double : ils résulteraient à la fois de la conquête d’un espace par une population aux dépens d’une autre (périodes hellénistique, romaine ou islamique par exemple) et de la paix qui en résulte. Cela est d’autant plus caractéristique pour la région qu’elle se situe dans un espace de marge, où se côtoient et se confrontent parfois deux modes de vie spécifiques (nomadisme et sédentarisation), incarnés par des populations différentes. En temps de paix, ces groupes ont pu vivre en bonne intelligence et l’hétérogénéité des populations était sans doute moins marquée en raison de la cohabitation et de la complémentarité des activités agricoles. En revanche, lorsque la situation politique se dégradait sur le plan étatique, les tensions réapparaissaient dans la région, entraînant insécurité et migration. C’est ainsi qu’à l’époque romano-byzantine, la longue phase de stabilité politique et de sécurité, engendrée par la Pax romana, a permis l’extension de l’occupation sédentaire et des mises en cultures dans la région. L’afflux de sédentaires ne s’est pas accompagnée d’un reflux total de l’occupation semi-nomade. Les populations ont partiellement cohabité dans une paix qui a favorisé un développement agricole différentiel de la région. Dans ce cas, ce sont donc bien les faits historiques qui ont été à l’origine des mutations régionales de l’occupation. Bien évidemment, le rôle du milieu naturel a également été fondamental. L’optimum climatique de l’époque classique a favorisé le développement agricole. Cependant, sans la paix et la stabilité, la région n’aurait probablement jamais été investie à ce point par les sédentaires, alors qu’elle se trouvait au contact direct des nomades.

Le plus important, à l’échelle régionale, est donc moins le fait que les espaces plus arides, comme le Jabal Shbayth, aient été fortement occupés par les sédentaires à l’époque romano-byzantine, que le rôle de la stabilité politique, qui a favorisé un accroissement de l’occupation sédentaire, le développement des techniques (par exemple l’irrigation et très probablement l’arboriculture) et l’adaptation des populations aux contraintes naturelles, dans l’ensemble de la région.

L’analyse de l’occupation humaine a souligné l’importance des variations spatiales et chronologiques dans le sud de la région. Un tel constat traduit une réalité caractéristique des milieux de marges arides : plus les contraintes naturelles d’un secteur sont exacerbées (en particulier en raison des composantes statiques du climat), plus l’espace est sensible aux variations des composantes naturelles (en particulier les composantes dynamiques du climat). La sensibilité du milieu naturel trouve un écho dans la variation des modes de mise en valeur agricole et de l’occupation humaine. Ainsi s’explique la plus grande variation de l’occupation dans le sud de la région que dans le nord. C’est bien le poids du milieu naturel au plan local et en particulier celui des facteurs édaphiques qui apparaît en filigrane de la variation de l’occupation.