– L'échantillon des récits généalogiques

Quant à notre échantillon de récits, il dépendait de notre échantillon d'auteurs. Dès la consultation de nos premiers récits, nous avions constaté qu'ils pouvaient être volumineux. Aussi, il fallait compter devoir effectuer nos analyses de contenu sur des textes qui ressemblaient plus à des ouvrages qu'à des généalogies, ce qui augurait d'un travail considérable puisque nous voulions ces analyses très instruites. Nous devions donc choisir une méthode capable de traiter de longs textes en détail.

Pour retenir un auteur dans notre échantillon, il fallait que son récit ait bien les attributs du récit généalogique et non d'une simple suite généalogique. Nous souhaitions voir présenter les événements concernant la vie des membres de la famille dont l'histoire était racontée depuis le premier trouvé, à partir d'archives et de souvenirs, et voir porter des commentaires personnels par l'auteur. Les récits devaient avoir des structures syntagmatique et paradigmatique généalogiques, c'est-à-dire construites à partir d'une énumération des membres d'une même famille selon un ordre – des plus anciens aux plus récents – cet ordre étant diachronique et suivant un plan d'écriture ; ce plan devait correspondre à une logique de déchiffrement et combiner à la fois une lecture horizontale et une lecture verticale en déclinant, pour chaque génération, les branches latérales et leurs descendances, avant de revenir à l'axe des ascendants directs. Nous acceptions qu'ils organisent leur structure syntagmatique sous des formes différentes : unilinéaire ou arborescente, ascendante ou descendante, etc. Ils ne devaient pas être des récits romanesques même partiellement, ni des récits de vie d'un membre de la famille, ni des mémoires restreints à leurs auteurs. Enfin, nous devions vérifier aussi si les auteurs étaient bien membres des familles dont ils contaient l'histoire : notre étude voulait porter sur des productions de familles et non sur des œuvres historiques, à l'exemple de l'histoire des Brac 54 .

Ce n'était pas toujours chose évidente que de savoir dès l'immédiat qui était les auteurs des récits qui nous étaient remis. Il fallait, la plupart du temps, que nous lisions attentivement ceux-ci, car les auteurs n'étaient pas toujours désignés sur les exemplaires que nous avions en main. Et, s'ils l'étaient, ils pouvaient n'avoir pas laissé trace de leur position généalogique. En effet, la plupart des auteurs ne faisaient pas remonter leurs généalogies jusqu'à eux. Ils les faisaient aboutir à la génération de leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents sans qu'ils ne signifient les liens de parenté entre ces derniers et eux. En plus, ils pouvaient ne pas porter le même nom que les dépositaires qui nous les remettaient s'il s'agissait pour ces derniers de généalogies provenant d'un ascendant maternel. Lorsqu'ils s'intégraient dans leur histoire, ils pouvaient parler à la troisième personne d'eux-mêmes et porter un prénom usuel dans leur famille, ce qui rendait difficile leur identification.

Enfin, il fallait que, pour chacun des récits, nous nous assurions de pouvoir consulter les originaux lorsque les dépositaires n'avaient que des photocopies et les différentes versions qu'ils avaient pu avoir dans le cours de leur conception. Nous devions pouvoir être autorisée à en prendre une copie pour effectuer notre analyse de contenu qui exigeait plusieurs mois de travail.

Nous avons donc, au bout du compte réuni un échantillon de 1 060 pages, soit ayant une moyenne de 96 pages par récit. Le plus volumineux compte 211 pages et le plus bref 9 pages (tableau 3).

Tableau 3 : Nombre de pages des récits généalogiques de l'échantillon
Nbre de pages/ Récit 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Total Moy.
Nbre de pages 94 117 131 11 9 187 211 149 39 19 93 1060 96

Nous aurions voulu présenter tous les récits de notre corpus, mais le cumul de leurs nombres de pages et surtout la nécessité de leur anonymat nous en ont empêchée. Néanmoins, nous avons pu en choisir deux, dans notre corpus de référence, à titre d'exemple et en avons fait un volume annexe : il s'agit du récit 3 et du récit 4 55 . Le lecteur pourra observer deux des modalités de leurs grandes diversités, que nous avons décrites dans notre première partie. Il bénéficiera de l'ensemble des énoncés pour exercer sa compétence d'interprète, au sens d'Algirdas Julien Greimas.

Notes
54.

. ZELLER Olivier, SAINT-ROMAIN (de) Michel, et al. (1986 pour le 1er tome), Une famille consulaire lyonnaise de l'Ancien Régime à la IIIe République : les Brac. Racines, Alliances, Fortune, préface de Maurice Garden, 4 tomes (dont un de généalogies).

55.

. Pour le premier récit, nous avons été autorisée par son auteur à le joindre à notre thèse. Pour le second, nous l'avons rendu anonyme.