2 – Le contexte de production des récits bourgeois aux XIXe et XXe siècles

Les récits que nous avons recueillis se conçoivent et trouvent leur destinée dans les linéaments de familles ayant vécu dans les contextes sociohistoriques des XIXe et XXe siècles. Nous allons définir ces contextes en mettant en lumière l'histoire et la sociologie de la bourgeoisie puis de la bourgeoisie lyonnaise de cette époque, dans l'objectif de mieux comprendre les conditions qui ont amené à les produire. Nous montrerons les structures, pratiques et représentations qui identifient cette couche de la société en France, en observant plus particulièrement son statut dans sa localité et les caractères propres à sa sociabilité.

Comme Yves Grafmeyer le remarque en analysant les éditoriaux successifs des annuaires du Tout-Lyon, les manières de qualifier le milieu que les familles bourgeoises lyonnaises composent sont hésitantes : 'familles lyonnaises', 'haute société de Lyon', 'vieilles familles de notre cité', 'personnalités marquantes de la ville' 147 , autant de définitions que relève l'auteur et qui invitent à retenir trois principes : situer cette catégorie hors du seul champ des dominants ou des classes supérieures de nos catégories socioprofessionnelles, tenir compte de leur dimension familiale dans la définition de leur identité et instruire leurs rapports avec leur localité 148 . En effet, non saisissables structurellement par le biais des catégories socioprofessionnelles, on dépend des familles elles-mêmes pour construire leurs contours et raconter leur histoire. Le soutien du Tout-Lyon, pour en décrire les caractères sociologiques de ces cent dernières années, est tout à fait précieux même s'il peut risquer de fournir un portrait irréel et un peu intemporel” puisque défait de déterminants statistiques 149 . A Lyon, comme ailleurs en France, ces principes valent lorsqu'on cherche à identifier sociologiquement les spécificités de la bourgeoisie.

Nous retracerons les grandes étapes qui ont marqué l'histoire de la bourgeoisie et plus particulièrement de la bourgeoisie lyonnaise aux XIXe et XXe siècles. Ensuite, nous décrirons les conditions dont le bourgeois dépend pour maintenir sa place dans sa société. Puis, nous observerons les modes de vie de celui-ci et ses rapports à son milieu. Et enfin, nous mettrons en évidence les caractères de sa mémoire familiale.

Notes
147.

. GRAFMEYER Yves (1993), “Les Lyonnais du “Tout-Lyon” : une population auto-définie par l'inter-connaissance et la parenté” in Milieux et liens sociaux, p. 21. Rappelons que nos auteurs et informateurs se trouvent (ou se sont trouvés) inscrits eux-mêmes, ou comptent (ou ont compté) des parents dans le “Tout-Lyon”.

148.

. ”C'est peut-être bien parce que les appartenances familiales y composent avec d'autres éléments du statut que ces annuaires représentent, à bien des égards, une voie d'accès privilégiée pour l'histoire des élites citadines”. GRAFMEYER Yves (1992), Quand le Tout-Lyon se compte : Lignées, alliances, territoires, p. 12.

149.

. GARDEN Maurice, préface à l'ouvrage d'Yves Grafmeyer (1992), Quand le Tout Lyon se compte.