2 – 3. Un milieu institué

Les familles de la bourgeoisie constituent un milieu social que nous voulons maintenant définir. La notion de milieu renvoie à l'individu et à sa place dans un ensemble de relations interpersonnelles. Ces relations permettent la construction et le maintien de jeux complexes de proximité ou de distance sociale, au-delà de la profession. Les modes d'imprégnation, de reproduction et de transmission d'un milieu se retrouvent dans les familles qui le composent. En effet, il apparaît naturel à l'individu de se comporter de telle ou telle façon ; il lui est même inconcevable de faire autrement, c'est devenu chez lui, une seconde nature. Le milieu infléchit le destin d'un individu. Il a même une force de rappel 190 .

Défini ainsi, le milieu social n'est ni un groupe ni une catégorie. Ce serait plutôt une collectivité, dirait Robert K. Merton, c'est-à-dire des gens qui ont un sentiment de solidarité parce qu'ils partagent certaines valeurs et qu'un sentiment d'obligation morale les pousse à répondre comme il faut aux attentes liées à certains rôles sociaux  ; et d'ajouter : le contrôle social ne s'exerce pas de la même manière dans les groupes et les collectivités”. Le milieu n'est pas une catégorie sociale, car les catégories sociales, à l'opposé des groupes et des collectivités, sont des agrégats de positions et de statuts sociaux dont les détenteurs ne sont pas en interaction sociale ; ceux-ci répondent aux mêmes caractéristiques (sexe, âge, revenu, etc.), mais ne partagent pas nécessairement un corps commun de normes et de valeurs 191 .

Nous allons observer les traits culturels, les valeurs et les sentiments d'obligation du milieu que les familles bourgeoises forment, non pour chercher à définir avec exhaustivité leur spécificité, mais pour en présenter les plus pertinents dans l'objectif de mieux concevoir les besoins qu'ils engendrent, et plus particulièrement ceux qui produisent la nécessité de s'identifier, en son sein, généalogiquement.

Notes
190.

. Les caractéristiques qui permettent de définir un milieu sont par exemple : la façon de parler, le niveau de langage, les manières de table, le savoir-vivre, les goûts (en matière de nourriture, de spectacle, de sortie, d'habillement), mais aussi la façon dont on se comporte dans telle ou telle situation, les valeurs, les attitudes face à la vie et à la mort, les lieux, le mode d'habitation et la conception globale de l'existence. Collectif (1990), Sociologie basique, Eliane COIFFIER, Yves CROZET, Danielle DEHOUX-GRAFMEYER, et al., p. 127. Quant à la force de rappel d'un milieu, on peut la définir ainsi : “lorsqu'un mouvement de promotion sociale est interrompu et qu'un individu revient au point de départ ou n'atteint pas le niveau auquel il pourrait prétendre, on parle de force de rappel”. Le milieu d'origine engage le destin. Ibid., p. 200.

191.

. MERTON Robert K. (1949), opus cit., p. 248-249.