3 – 3. La composition

Les recueils peuvent s'ouvrir directement sur le récit, ou bien présenter une dédicace ou une adresse. Ils peuvent produire des tableaux généalogiques, une iconographie, des cartes, des notes, des annexes, des appendices, des index, ou bien n'avoir rien de tout cela ou seulement une partie. Quant aux récits eux-mêmes, ils font part de problématiques familiales différentes. Mais, tous sont construits selon un ordre généalogique et instruisent des thématiques récurrentes.

Commençons par examiner la présence des dédicaces. On en trouve une dans notre corpus de référence, avec notre récit 1 : elle est placée en seconde de couverture et rendue à la mémoire de deux enfants et d'un neveu du narrateur, décédés à la guerre de 1914-1918. On en trouve une autre dans le reste de notre corpus, mais elle est manuscrite, de la plume de l'auteur à l'adresse de l'informateur qui se le procura.

Quant aux adresses, on en observe 5 dans notre corpus de référence et avec les autres récits, on en compte en tout 9/11. Elles sont toutes écrites à l'attention de descendants : on verra plus avant que ce sont les enfants et petits-enfants des auteurs ou plus largement les descendants vivants d'un ancêtre commun à leur parentèle et à eux-mêmes. On y trouve les intentions et motivations à l'origine des projets d'écriture des auteurs, mais aussi les restrictions qu'ils ont voulu leur donner ainsi que les défauts qu'ils y ont vus.

Puis, tous les récits commencent par relater l'histoire de la lignée patronymique des auteurs. Leurs premiers mots portent sur les origines rurales de celle-ci, mais la priorité est donnée à l'histoire de ses ascendants lyonnais. Des informations sont apportées sur la vie des ascendants les plus directs en suivant un ordre chronologique et de primogéniture. La quantité affectée à chaque ascendant est distribuée inégalement.

On trouve aussi retracée l'histoire de lignées maternelles, mais celles-ci sont très minoritaires. Elles sont situées soit à la suite de la présentation de la lignée patronymique ou en son sein. C'est le cas de tous les récit de notre corpus de référence. Elles sont nourries, comme pour la patrilinéaire d'informations d'abondance diversifiée : dans 3 récits, on observe leur présence pour 10 % et moins du nombre de pages total, dans 2 récits, pour 20 % et dans le dernier pour 60 %. Avec les autres récits, on peut voir que 2 récits ne donnent aucune place à des maternels. Ainsi, au total, 9/11 récits présentent des maternels : 5 récits leur consacrent 10 % et moins du nombre total de leurs pages, 2 récits, 20 % et les 2 autres plus du tiers 242 .

On rencontre aussi bien sûr des tableaux généalogiques synthétisant les informations textuelles données. Ils sont émaillés dans le fil des récits ou bien placés à la fin des recueils ou encore ils peuvent constituer un document annexe. Dans notre corpus de référence, on constate des différences selon les récits. Ainsi, dans nos récits 1 et 2, les tableaux généalogiques sont disposés après les données textuelles et occupent un dixième de l'espace. Le premier récit réunit trois tableaux figurant les informations concernant la lignée patronymique ; le premier indique la descendance des enfants, neveux et nièces du narrateur, le second, l'ascendance unilinéaire de son père et enfin le troisième, sa fratrie : soit 9 pages sur 94. Ils sont placés en fin du récit. Le second récit, lui, propose 8 tableaux manuscrits ajoutés au cahier et collés ; ils instruisent sur les ascendances de chacune des branches des quatre grands parents du narrateur en 5 tableaux et sur leur descendance en 3 tableaux. Ils comptent 14 pages sur 117.

Pour ce qui concerne le récit 3, les tableaux occupent presque la moitié du recueil et sont disposés au sein du texte pour ce qui revient aux lignées patronymiques et aux premiers alliés de la branche lyonnaise, et à la fin pour les alliés suivants. Ils se distribuent sur 60 pages : 16 pages pour les patronymiques et 44 pour les lignées maternelles, sur 131. Il faut ajouter 11 pages citant les quartiers d'un ascendant. Les récits 4 et 5 n'ont pas de tableaux. Le récit 6, par contre, en compte 3 occupant 83 pages sur 187, soit plus de 40 % : ils sont présentés manuscrits sous une forme et dactylographiés sous une autre, et placés en fin du recueil ; ils déploient 2 ascendances, l'une du bisaïeul du narrateur et l'autre de son épouse, et 1 descendance à partir des éponymes des ascendances. Dans le reste de notre corpus, ont constate 1 autre récit n'ayant aucun tableau et 4 en contenant 10 % et moins. En totalité, on peut donc voir des tableaux généalogiques sous forme synoptique dans 8 récits sur 11 : 6 en ayant 10 % et moins de leur nombre de pages total et 2 plus de 40 %.

Mais, si tous les récits ne découvrent pas de tableaux, tous sont construits selon un ordre généalogique. En effet leur armature est organisée par un ordre de déchiffrement qui doit combiner une lecture horizontale et une lecture verticale pour aboutir à ego en déclinant à chaque génération les branches latérales et leurs descendances avant de revenir à l'axe des ascendants directs 243 .

On trouve une iconographie dans notre corpus de référence, mais elle est peu présente. Elle figure prioritairement des portraits d'ancêtres, des armoiries, des photographies de propriétés de famille et de villages des origines, des cartes et des plans. Le nombre de reproductions varie d'un récit à l'autre. Examinons nos récits de référence. Notre récit 1 n'a que son blason en couverture. Notre récit 2 en réunit sur 15 pages et compte 13 pages de portraits, les 2 autres sont les propriétés de la famille. Notre récit 3 a le blason plus 1 page de portraits. Nos récits 4 et 5 n'ont aucune iconographie. Et le récit 6 en a 11 pages dont 4 représentant des propriétés de famille. Avec les autres récits de notre corpus général, on s'aperçoit que 5 sur 11 récits n'ont aucune iconographie, pas même en couverture, et que, sur les 6 qui restent, 3 en ont plus de 10 pages et 3 seulement 1 à 2 pages. Les autres thèmes iconographiques sont rares, mais c'est le village des origines qui occupe le rang suivant dans les choix de nos auteurs.

Quant aux photocopies ou photographies de documents originaux officiels ou de lettres, elles sont très exceptionnelles. Les recueils présentent ceux-ci en les recopiant sous forme de citations ou en en choisissant des extraits. On en trouve soit à l'intérieur du texte, soit en fin de recueil : ce sont par exemple, des actes d'état civil ou notariés, lettres de noblesse, édits royaux, jugements de commissions révolutionnaires, actes de tutelle, passeports, etc.

Enfin, les récits eux-mêmes dévoilent des contenus historiques sur les familles bien différents, même si ceux-ci s’insèrent tous dans une structure textuelle généalogique et s’approchent à partir de thématiques récurrentes. Ils ne racontent pas d’histoires simples, mais instruisent des problématiques identitaires marquées de gravité. Nous verrons, à la lumière de l’analyse de contenus, que ces problématiques, si elles sont diversifiées, visent toutes à interroger les équilibres identitaires sociaux et familiaux ayant structuré la vie des auteurs, et à proposer de nouveaux équilibres.

Notes
242.

. Nous n’avons retenu que les maternels présentés de façon à pouvoir discerner suffisamment leur caractère propre, au-delà donc de la simple information sur les cycles de vie de l’épouse et de ses parents, etc.

243.

. BURGUIERE André (1991), art. cit., p. 784.