2 – 2.3.3. Les alliances des ascendants migrateurs

‘“Une nombreuse famille, comme on en voyait alors beaucoup dans notre vieille France, vint attester la vigueur de la race. Dix-huit enfants, en effet, naquirent de cette union : neuf fils et neuf filles” (5/36).’ ‘“En Thermidor an XII (31 juillet 1803) il se maria avec Agathe Marion, née en 1775, dont le père était notaire à Grigny, (contrat de mariage devant Maître Faugier, notaire à Millery le 12 dudit mois Thermidor)” (3/2).’

Aucune information n'est donnée sur cette épouse. Mais son ascendance est présentée aux côtés de celle de son mari dans le tableau généalogique n° I : le tableau grâce auquel ressort toutes les informations sur l'origine de la famille. Sur la page de gauche, on voit se déployer la branche de l'époux et sur la page de droite celle de l'épouse. On peut voir que les père et grand-père de l'épouse sont tous deux notaires.

‘“… Celui-ci franchit à l'âge de 29 ans une étape supplémentaire dans l'ascension sociale en épousant vers 1808, Marie Scholastique Bonaventure Pavois” (2/5).’

L'épouse est l'aînée de trois enfants. Son père est défini comme bourgeois d'un village environnant dont nous rappelons qu'il se trouve sur la route de Lyon, mais on le verra, ses fonctions professionnelles sont mal définies. On sait que l'identité de cette épouse a les caractères du mythe que fut sa vie 450 . Le narrateur ne désigne jamais cette épouse par le patronyme de son mari : on trouve, soit son nom de jeune fille, soit celui-ci précédé du patronyme de son époux (“leur grand-mère Bonaventure Bétiny-Pavois”). Lorsque le couple est nommé, ce sont les deux patronymes qui sont cités ( le ménage Bétiny-Pavois ). L'alliance est bien visible dans ce récit. L'épouse n'est pas effacée derrière son mari. Les deux lignées sont solidaires dans la lettre comme dans la vie.

On sait que dans le procès d'ascension sociale de la lignée, le narrateur propose une série d'interprétations vraisemblables afin de voir que le bien des patrilinéaires a d'abord été apporté par les lignées avec lesquelles ils se sont alliés. Après le mas apporté par la mère de l'ascendant migrateur et la somme d'argent par sa grand-mère paternelle, on constate que l'épouse du migrateur fait bénéficier à sa lignée d'une somme d'argent aussi mais beaucoup plus importante, et de terres. Le narrateur, comme il l'a fait précédemment, rend compte minutieusement des biens de cette famille alliée. Il montre que celle-ci a fait une ascension sociale.

‘“Il y eut très vraisemblablementcontrat de mariage entre Claude Denis et Scholastique mais dans les papiers conservés par la famille rien ne permet de l'affirmer. Il est néanmoins vraisemblable que la mariée apportait quelques biens car son père François Pavois n'était pas sans fortune ainsi qu'en témoignent deux documents parvenus jusqu'à nous” (2/20).’

En effet, plusieurs actes sont convoqués pour preuves de l'état de la progression sur l'échelle sociale de la lignée alliée jusqu'à la naissance de l'épouse. Examinons le déploiement du procès de montée sociale de cette lignée. Tout d'abord, un premier acte conclut que le père de l'épouse était marchand et avait déjà des terres, avant la naissance de celle-ci.

‘“… huit ans avant (sa) naissance de Scolastique , François Pavois avait donc déjà quelques moyens” (2/38).’

Un second acte indique l'état de la fortune mobilière de la lignée lorsque Scolastique avait 3 ans. Cette somme sert de point de comparaison au narrateur pour évaluer l'écart sur l'échelle de la modestie sociale avec les premiers maternels connus.

‘“3000 livres, c'est encore modeste, mais c'est beaucoup mieux que les 80 livres de Marie Tédor à son mariage” (3/14).’

Enfin, le narrateur indique que le père de l'épouse a fait l'achat de terres mais que deux de ses enfants les revendent après, sans doute, parce qu'ils sont partis s'installer à Lyon.

‘“Si, comme cela apparaît possible, il s'agit des premiers articles de l'achat de terres fait en 1777 par François Pavois, cela pourrait indiquer que dès le début de 1811, les héritiers Pavois, dont deux d'entre eux allaient d'ailleurs s'installer incessamment à Lyon, ne s'intéressaient plus guère à la région bressanne” (3/33).’

Ainsi, on voit que le narrateur démontre plus qu'il ne présente l'histoire de l'ascension sociale de la lignée Pavois. Comme les deux lignées alliées des générations précédentes, celle de l'ascendant migrateur participe à l'élévation de la famille.

Pour ce qui concerne les deux autres cas, on peut voir pour l'un, l'ancêtre migrateur se marier l'année après son installation dans le bourg où il émigre. Il a 26 ans. On ne sait rien de son épouse, si ce n'est les informations de son cycle de vie portées dans un tableau généalogique. On y apprend seulement ses prénom et nom et qu'elle avait 20 ans à son mariage. On y lit aussi qu'ils eurent 10 ou 11 enfants. Dans l'autre récit, l'ancêtre migrateur épouse une fille de gentilhomme verrier , une femme de la noblesse, fait remarquer le narrateur, mais d'une noblesse pour laquelle le travail manuel n'est pas incompatible avec son état : un fait valorisé par le narrateur tout au long de ses lettres à ses fils. Il a à peine 22 ans. On ne sait pas l'âge de son épouse. On apprend qu'elle lui survécut pendant 40 ans et qu'ils eurent 17 enfants

Notes
450.

. Voir, pour retrouver l'énoncé, le chapitre intitulé “Le temps de l'harmonie : le paradis”.