3 – La sortie de l'anonymat des paternels

Après avoir produit les mythes des origines et les valeurs légitimant la mémoire de leurs patrilinéaires pour rendre souhaitable l'enracinement de leur famille dans le groupe d'appartenance de ceux-ci, les narrateurs vont instruire la vie de leurs ascendants lyonnais. Ils présentent d'abord ceux qui les enracineront à Lyon 457 puis les descendants de ces derniers. Nous nous demanderons quelle intentionnalité nos récits ont avec la présentation de ces ascendants. Celle-ci est-elle de poursuivre la logique précédente – à savoir l'enracinement de l'identité familiale dans l'histoire des paternels – ou bien ouvre-t-elle d'autres perspectives ? Notre hypothèse est que nos narrateurs continuent l’œuvre de légitimation de leurs patrilinéaires, en mettant en évidence les preuves de leur droit de bourgeoisie à Lyon, au sens employé par André Burguière, mais ouvrent aussi leur champ au-delà de ceux-ci, c'est-à-dire à leurs alliés et collatéraux pour révéler les modes de vie et valeurs de leurs paternels. Nous verrons qu'ils permettent ainsi de sortir de l'anonymat leur identité attachée à leur patronyme et de produire les conditions dans lesquelles sa conciliation est possible avec celle qu'ils avaient jusqu'alors et avec les contextes sociaux et familiaux dans lesquels ils vivent à l'heure de l'écriture.

Nous examinerons, dans un premier chapitre, le statut des ascendants enracineurs, puis dans un second, les modes de vie et valeurs de leurs descendants lyonnais et enfin dans un troisième, la place donnée à leurs alliés à tous 458 . Nous nous demanderons si la représentation des destins de ces Lyonnais est traversée par la souffrance du déracinement, notamment en ce qui concerne la génération de l'enracineur et de son fils, et chercherons à savoir si cette souffrance est à l'origine de l'écriture généalogique bourgeoise. Nous décrirons les modes de vie et valeurs avec lesquels les narrateurs montrent qu'une conciliation entre les références jusqu'alors contradictoires est possible.

Notes
457.

. C'est le cas aussi dans notre récit 5 même si la réussite sociale est analysée chez l'enracineur à Chatillon et non à Lyon.

458.

. Pour notre récit 5, nous considérerons l'enracinement à Chatillon. Notre souhait est de conserver la possibilité de comparer, à titres subsidiaire et exemplaire, le récit d'un enracinement dans une petite ville à celui d'un enracinement à Lyon, une grande ville. Mais, pour les analyses concernant les descendants lyonnais et leurs alliés, nous tiendrons compte de ceux de l'enracineur lyonnais non explicitement désigné.