3 – 1.2. Les motifs du départ

‘“La grande ville industrielle et commerçante l'attirait, comme elle le fit pour trois de ses frères (...)” (p. 11)’

Si l'on se rappelle les motifs de son père pour transférer son étude du village vers le bourg, on peut constater que les deux ascendants migrateurs ont chacun été l'objet d'un même attrait : l'attrait de lieux de dimensions supérieures aux précédents. Le narrateur ne laisse trace d'aucune autre hypothèse pour expliquer la mobilité géographique de sa lignée, mais il remarque bien qu'un tel attrait a été partagé par d'autres garçons de la même génération et ne tient pas seulement à un homme isolé.

‘“En 1849, son frère Jules qui demeurait encore à Belleville, lui signala que l'étude de notaire de Beaujeu était à vendre. Il s'y présenta trop tard : elle venait d'être vendue. Quelques jours après il se rendait acquéreur d'une étude à Belleville, bien qu'elle fût alors en pleine décadence” (p. 15).’

Ainsi, est-ce par le réseau d'un frère que ce père achète son étude ? Mais, ils se retrouveront dans la même ville une seule année, car ce frère achètera une propriété dans les environs et la quittera.

Lorsqu'il aura 69 ans, une fois closes ses activités professionnelles, il quittera Belleville pour Lyon, devant les insistances de ses enfants. Il ne restait qu'un seul enfant à la maison – le narrateur – qui faisait son droit à Lyon. Les autres enfants résidaient déjà depuis longtemps dans la cité. Le père et le fils emménagèrent ensemble jusqu'au mariage de celui-ci, qui prit un appartement avec sa femme sur le même palier (p. 79).

‘“Sans doute fit-il ses études à Alès, puis, n'étant pas l'aîné, il quitte le pays pour s'établir à Lyon. Pourquoi choisit-il le métier de chirurgien ? Avait-il des attaches à Lyon ?
Un fait est certain, il arrive à Lyon avant 1738. Comment fit-il le voyage de Sainte-Cécile à Lyon ? Sans doute à pied jusqu'à Alès, puis par diligence ou par bateau. Pauvre enfant, tout seul dans l'inconnu. Son arrivée à Lyon a dû être bien triste, comment trouver un gîte ? Il avait sans doute été recommandé à quelques Lyonnais dignes de confiance ? Avait-il de l'argent ? Les débuts furent sans doute bien difficiles” (6/5).’

Le narrateur exprime ses interrogations, ses incertitudes et ses doutes à propos de cet exode. Il tente de reconstituer une image vraisemblable des événements qui ont pu se passer. Les questions sont nombreuses. Il les pose et pour chacune propose une hypothèse. Il ne connaît pas le lieu des études, les motifs répondant au choix du métier de chirurgien et le mode de transport vers Lyon. Il s'interroge sur la façon dont cet ancêtre a été introduit dans la société lyonnaise. Mais, il exprime son émotion devant les incertitudes qu'a dû affronter son ascendant à cause de cette immigration. Le ton du récit est, ici, lyrique. Il fait appel au sentiment de compassion. On retrouvera ce même ton lorsque sera évoquée l'émigration en Suisse du fils de celui-ci, après que la ville de Lyon est tombée en 1793. L'empathie du narrateur pour son ascendant est très forte. Il ne le traite pas comme n'importe quel autre. Il marque une attention toute paternelle : Pauvre enfant, tout seul dans l'inconnu .

  • Récit 4 : L'ascendant enracineur qui fit la fortune de la famille ne vient pas à Lyon de son fait. Il y arrive avec ses parents au cours de son adolescence ou au début de sa majorité. Ce n'est donc pas chez lui que l'on peut trouver les motifs de son émigration à Lyon mais chez eux. Par contre, lui saura tirer profit du temps qu'il aura passé, jeune, dans la ville, car celle-ci est pourvoyeuse d'études poussées et d'éducation sérieuse 466 .
  • Récit 5 : L'enracineur de ce récit, dit son narrateur, se sentait le tempérament d'un commerçant, c'est pourquoi il avait quitté sa montagne pour venir presqu'à la ville.
  • Récit 6 : Cet enracineur, lui, s'installe à Lyon suite à un concours de circonstances. En effet, il devait partir pour Paris, ayant un compagnon de passementerie qui l'invitait à le remplacer dans un magasin. Mais, arrivé à Lyon pour se rendre dans la capitale, il apprend brutalement que la maison qui devait l'accueillir ne pouvait plus le recevoir. Il décide alors de rester dans la ville, ayant honte de retourner dans son village.
Notes
466.

. Il faut remarquer la figure concernant son éducation. En effet, c'est le temps où il demeura à Lyon qui est opératoire pour acquérir les études poussées et la sérieuse éducation telles qu'il eut accès au notariat et à la bonne bourgeoisie lyonnaise. Ce ne sont donc pas directement ses parents qui l'ont doté des qualités requises pour s'élever, comme c'était le cas dans les générations qui l'ont précédé, mais la ville dont il su profiter grâce au temps qu'il put y passer avec eux.