3 – 3. Le poids des alliés

Nous avons vu combien les femmes et les maternels étaient les grands absents de nos récits généalogiques en proportion du nombre d'informations apportées par nos narrateurs, mais aussi combien ils avaient été influents sur les trajectoires et les modes de vie des patrilinéaires. Nous allons maintenant examiner les modalités de ces influences. Tout d'abord, nous nous demanderons quels maternels ont été les plus mis en valeur dans chaque récit, à quelles places on les trouve plutôt dans l’organisation des recueils et enfin quelles valeurs identitaires ils promeuvent.

Ainsi, le narrateur invite ses lecteurs à comprendre que l'identité de leur groupe d'appartenance s'enracine dans leurs patrilinéaires – la branche bourgeoise de la famille – mais que leur filiation ne se restreint pas à cette branche et se puise aussi à des sources alliées, leurs maternels. Ce sont les paternels et pas seulement les patrilinéaires qui font l'identité familiale. Mais ces sources alliés, ils n'y ont accès que pour deux d'entre elles. Le narrateur les a élues comme références pour eux, chacune pour des raisons différentes : la première pour signifier clairement ses idées mais la seconde pour y affilier sa descendance. Associés à l'identité des Delérable, il y a celle des Carme et celle des d’Arras, même si on ne les voit pas dans la résultante du patronyme de la lignée paternelle.

En ce qui concerne le grand-père maternel, le narrateur présente, en premier lieu, les coordonnées de son cycle de vie puis l'identité de son épouse. On ne connaît pas son lieu de naissance, ce n'est que par le tableau généalogique n° 4 que l'on sait qu'il est né à Lyon. On apprend ensuite les coordonnées de ses enfants ainsi que ceux de son épouse. Puis, on découvre la qualité de propriétaire de son père et les termes de la succession des propriétés de celui-ci. On se souvient qu'il eut dans son lot la propriété de Frontenas en contre partie de celui de son frère aîné qui eut le château de Bagnols où leur père avait résidé. Rappelons encore la description de la propriété qui lui revint et la nostalgie que le narrateur en a gardé des séjours qu'il y passa dans son enfance. Enfin, on est averti des qualités de ce grand-père. Elles ressortent de ses responsabilités politiques et sociales et de sa condition de propriétaire. En effet, le narrateur informe ses lecteurs que celui-ci est conseiller général du Rhône et se consacre exclusivement aux affaires du département. Il est très aimé dans les régions proches de Frontenas dont il se préoccupe spécialement. Pour tous, il est très bon et très charitable. Il fait le bien sans ostentation. Il a été nommé chevalier de la Légion d'honneur.

‘“Notre Grand'Père était Conseiller Général du Rhône, et occupait une place prépondérante dans le Conseil, se consacrant exclusivement aux affaires du département et spécialement de la région de Frontenas, Theizé, le Bois d'Oingt, où il était très aimé. Il était Chevalier de la Légion d'honneur.
Très bon, très charitable pour tous, il faisait le biensans ostentation. Après sa mort seulement nous avons su qu'il donnait largement à des familles nécessiteuses (...)” (p. 101).’

Le narrateur décrit, ainsi, son grand père comme un homme qui a du rayonnement et qui se consacre entièrement, à travers ses responsabilités politiques et sociales, aux autres. Il le montre attentif à donner profit de ses biens, avec la plus grande simplicité, au plus grand nombre, qu'ils soient riches ou pauvres, de la famille ou non : en effet, il donne à des familles nécessiteuses les produits de ses propriétés – pommes de terre, vin, et autres – et accueille largement ses enfants et petits-enfants dans sa maison, pour des séjours ou des promenades répétés. Enfin, on apprend qu'il a des sentiments profondément chrétiens. A cette identité manifeste, il faut en ajouter une autre, moins perceptible à première lecture mais qui laisse le lecteur face à une contradiction. On peut voir celle-ci à l'œuvre dans la diversité des orthographes avec lequel il écrit le lexème grand-père : tout d'abord notre Grand'Père, puis Grand'Père et enfin notre Grand'père. Lorsqu'on observe les trois contextes dans lesquels ce même acteur a été placé, on peut penser que son lexème a pu exprimer des sentiments paradoxaux du narrateur : d'un côté, c'est grâce à ce grand-père qu'il a connu l'enfance bien aimée à Frontenas mais aussi c'est à cause de sa descendance que la propriété fut négligée puis licitée 514 . Quoi qu'il en soit, il est l'homme que son père considéra comme son propre père et tout autant exemplaire que ce dernier. Il a un tableau généalogique de son ascendance en annexe (le tableau n° 2), et son épouse et lui se retrouvent dans le tableau n° 4 aux côtés des grands-parents paternels du narrateur comme éponymes de la descendance dans laquelle celui-ci a placé sa fratrie et sa descendance.

On trouve une seconde note sur des alliés. Elle concerne une branche alliée plus ancienne. Il s'agit de la descendance de la sœur de la grand-mère maternelle du narrateur. En effet, cette grand-tante a sa descendance dans un tableau généalogique (le tableau n° 3). On apprend qu'elle épouse un notaire à Lyon dont on saura de lui qu'il a écrit une œuvre dramatique, que son gendre du même nom a éditée. Ils ont deux filles qui, l'une se marie avec un magistrat et demeure dans sa propriété de Grigny, et l'autre épouse un professeur à l'Ecole Centrale de Paris, né à Paris, étant chevalier de la légion d'honneur. Avec ces collatéraux le narrateur situe mieux les alliés de son grand-père noble. Il montre que la sœur de sa grand-mère était lyonnaise et que ses alliés étaient cultivés, que ses filles avec leurs alliés étaient des gens de qualité. Témoin en est encore un article qui a paru dans Le Moniteur judiciaire sur l'un de ces alliés, magistrat – cousin germain par alliance de sa mère – au moment de son décès. On y lit que cet homme est aussi un lyonnais. Il est inscrit au barreau de Lyon, devient substitut à Saint-Etienne, puis avocat général à Lyon et enfin président de Chambre à la Cour d'Appel jusqu'à sa retraite. On y apprend aussi ses qualités.

‘“C'était un Lyonnais d'origine (…).
On ne saurait assez louer la bienveillance de son esprit et la haute indépendance de son caractère. Il conserva jusqu'à la veille de sa mort les plus étroites relations avec les membres du barreau qui l'entouraient d'un respect vraiment filial. “Le Président” était considéré comme le doyen vénéré de cette famille judiciaire (...).
Il faisait depuis quelques années, partie de l'Académie de Lyon.
Le Président Volier était un libéral dans la plus haute conception du mot et aussi un fervent chrétien” (p. 103).’

Ce cousin maternel fut, ainsi, un lyonnais d'origine, un homme respecté et vénéré tel un père pour ses collègues de travail, et un esprit bienveillant. On estimait l'indépendance de son caractère et ses conceptions libérales.

Pour le second allié, professeur à l'École Centrale de Paris, le narrateur reprend les mots d'un article de la Revue Encyclopédique Larousse pour le dépeindre. On y voit un homme né à Paris et élève de l'École Centrale qui, avec son diplôme d'ingénieur, a travaillé dans les chemins de fer puis est devenu professeur de mécanique dans un collège et ensuite à l'École Centrale. Il entre enfin comme professeur de génie rural au Conservatoire des Arts et Métiers. On y témoigne aussi de ses qualités.

‘“Par son enseignement aussi clair que savant, par son talent d'exposition, il se plaça au premier rang. Debroux fut Président de la société des Ingénieurs civils de France, membre du Conseil supérieur de l'enseignement technique et de nombreuses sociétés savantes. Il était chevalier de la Légion d'honneur. Outre de nombreuses conférences et des discours, on lui doit des ouvrages très estimés (...)” (p. 105).’

Cet ascendant est au premier rang dans les compétences de sa discipline. Il s'engage jusqu'aux plus hautes responsabilités administratives dans les nombreuses associations dont il fait partie et est reconnu par ceux de son temps puisqu'il est nommé chevalier de la légion d'honneur et qu'on lui doit des ouvrages très estimés.

Ainsi ces trois hommes issus de lignées maternelles font honneur à la lignée patronymique maternelle, mais aussi à celle patrilinéaire du narrateur. Deux Lyonnais, et un Parisien dont la renommée est nationale, tous, avec leur compétence, sont engagés auprès des hommes de leur temps et reconnus de ceux-ci. Leur présence donne à la famille un passé de haute valeur. A observer sa branche maternelle à leur lumière, le narrateur peut se la représenter autrement qu'avec la connaissance de la seule filiation noble de sa mère ; il peut la considérer aussi avec son côté grand bourgeois.

Enfin, on trouve une dernière présentation de maternels dans le recueil, mais celle-ci sous la seule forme d'un tableau généalogique mis en annexe (le tableau n° 1). Elle expose la filiation de la grand-mère paternelle du narrateur, les alliés de l'ancêtre migrateur à Saint-Etienne. On apprend avec elle que cette branche compte deux générations de notaires.

Dans ce récit, on fait connaissance, même si c'est en peu de termes, de trois branches maternelles dans lesquelles le narrateur invite à voir la notoriété et la hauteur des valeurs de leurs membres ; elles occupent 7 pages du récit sur les 117 avec 5 tableaux en sus. Avec elles, les lecteurs peuvent comprendre que leur identité est bien ancrée dans les racines des Collas mais qu'elle inclut aussi celles de leurs maternels. Ils peuvent voir derrière leur patronyme la mémoire de leurs héritages maternels qui les ont élevés jusqu'à la noblesse, la notoriété, et la culture, etc.

Examinons les 4 notices présentant les maternels des 4 ascendants lyonnais de la lignée, à commencer par celle de l'enracineur. Elle est très courte. On a vu qu'elle informait sur le fait que le père de l'épouse était protestant et a abjuré et embrassé la foi catholique et romaine, l'année de la Révocation de l'Edit de Nantes, un mois avant. On peut évaluer que cette abjuration eut lieu neuf ans avant le mariage. Un oncle paternel de l'enracineur se trouvait parmi les témoins, lors de cette abjuration, ce qui permet de conclure que les familles se côtoyaient déjà bien avant le mariage. Une petite note indique dans les documents annexes que le père de l'épouse a été maire de Sainte-Cécile.

La seconde notice relate l'histoire de la filiation des alliés de l'ascendant enracineur lui-même. Elle occupe 13 pages, comptant 3,5 pages de texte et le reste en généalogies 515 . Textuellement, elle présente trois ascendants qui sont tous trois nés à Lyon. Le premier, baptisé en 1617, est marchand drapier à Lyon comme son père et “fait une grosse fortune dans ce commerce . Le mariage, lui, apporte beaucoup de biens et notamment de nombreuses propriétés dont celle qui restait encore dans la famille lors du mariage de l'ascendant enracineur, deux générations après. L'épouse de cet ascendant est en effet une riche veuve dont l'un des enfants est devenu un célèbre botaniste. Le second ascendant est notaire et achète avec l'aide de sa sœur une étude à Lyon ; il lui est octroyé des armoiries. Son contrat de mariage lui apporte une somme d'argent et une propriété. Son épouse est fille d'un marchand libraire à Lyon. Un de leurs enfants sera anobli. Enfin, le troisième ascendant, le beau-père de l'enracineur, est orphelin très jeune. Il est lui aussi notaire à Lyon mais aussi greffier d'Ainay. Il fait deux mariages mais tous deux se terminent avec une longue maladie des épouses qui l'amènera à la faillite dans toute son horreur.

‘“Poursuivi par ses créanciers, Claude-Joseph part à Paris avec sa femme. Il loge rue de la Tissarderie, paroisse de Saint Jean de Grève, entre 1741 et 1746. Là naquirent au moins deux enfants dont Charles-Claude et Louise. En 1748, il semble qu'il soit à Pollionay, en tout cas, sa fille Louise y meurt à l'âge de deux ans environ” (p. 46).’

La première épouse est née à Lyon ainsi que son père ; son grand-père y était déjà marchand chandelier. On ne sait rien de l'ascendance de la seconde épouse. Enfin, cet ascendant est mort à 58 ans et laisse plusieurs enfants mineurs doublement orphelins. Ainsi, la lignée alliée de l'enracineur fut une lignée bien établie – multi-établie même – à Lyon dont les membres étaient des notables intégrés à l'élite bourgeoise de leur cité. Sa richesse est venue du commerce de draps et de la fortune d'une veuve puis grossit par celle de l'épouse suivante. Mais à la génération de l'enracineur, elle semble avoir disparu.

La notice suivante informe sur les alliés du fils de l'ascendant enracineur. Elle comporte 9 pages, dont 2 sont textuelles. Les autres sont des généalogies. On fait leur connaissance en termes textuels 516 et détaillés sur quatre générations. On remarque, à sa lecture, que cette ascendance montre une famille bien intégrée à Lyon aussi, et ceci au moins sur trois générations, depuis les années 1700. Le premier ascendant est maître charpentier en Bugey, le second fabricant de soie à Lyon et donneur d'eau, et le troisième marchand fabricant d'étoffes de soie, d'or et d'argent. L'épouse de ce dernier est fille d'un bourgeois de Lyon et filleule de Soufflot.

Sur ce troisième, le beau-père, donc, du fils de l'enracineur, la notice indique qu'il devient très riche. Pendant la Terreur, il prend part à la défense de Lyon aux côtés de son fils et de son gendre, et se fait arrêter sur dénonciation, en même temps que son fils, mais tous deux sont libérés.

‘“En 1793, Jean-Claude Mogin, bien qu'étant âgé de 54 ans, prend part à la défense de Lyon comme capitaine dans la force départementale: “aux avants postes ” précise son dénonciateur. Il était aux côtés de son fils Jean-Jacques Etienne et de son gendre, Pierre-Claude Armand. Le 2 décembre 1793, il est dénoncé comme contre révolutionnaire, arrêté, incarcéré, puis jugé et libéré. A-t-il émigré ? Nous ne le savons pas, en tout cas, il est à Lyon en 1796. Il vend son fonds de commerce à son fils mais il semble qu'il soit resté maître apprêteur en donneur d'eau” (p. 51).’

Le narrateur explique longuement, ensuite, les événements que dut vivre cet ascendant à cause de l'un de ses fils. Celui-ci a eu en effet une vie qui obligea son père à le mettre sous curatelle ce qui ne l'empêcha pas de se retrouver forçat.

‘“Le 6 juillet 1793, son père lui avait vendu son fond de commerce pour 26.000 livres (Dussurget notaire) mais Lyon étant en pleine bataille, il ne peut utiliser cette acquisition. Le 10 mars 1797, il est à Paris au n° 370 de la rue de Grenelle, faubourg Saint Germain. Il revend son fonds à son père qui à cette époque demeure rue du Garet. C'est la liquidation et la faillite. Son père prend en charge le recouvrement des dettes actives du dit commerce, il paye les créanciers mais il met son fils sous curatelle.
A cette époque, Jean-Jacques Etienne Mogin devait vivre à Paris avec la comtesse de Choiseul Meuse dont il eut deux filles naturelles. L'une d'entre elle, née le 22 août 1798 s'est mariée en 1822 au chevalier de Boirieux. Jean-Jacques Etienne donne procuration à la comtesse de Choiseul pour l'établissement du contrat, cette procuration a été faite en 1817 à Lyon. Peu après, sans doute sous le directoire, ou peut-être sous le consulat, une note de police indique que le royaliste Pierre-Claude Armand est le beau-frère du forçat Mogin. Que s'est-il donc passé, Jean-Jacques Etienne a-t-il été condamné pour délit politique ou pour faillite ?” (p. 51).’

Ainsi, ce beau-père et son gendre partagent un sort semblable dans leur lutte pour la défense de Lyon comme ils le feront avec une génération de décalage pour le soutien de leurs fils respectifs, ayant chacun fait une faillite retentissante. La famille de la belle-mère, elle, apporte le multi-établissement dans la cité à la lignée patrilinéaire, et par son parrainage, la culture et un réseau de considération et de réputation.

La quatrième notice informant sur les alliés des ascendants lyonnais et la dernière du point de vue textuel occupe 15 pages dont 4 pages de textes 517 . Le narrateur y présente 3 générations d'ascendants. On apprend sur la première seulement quelques informations sur les cycles de vie des parents et de leurs enfants. Sur la seconde, on voit que l'ascendant est maître chirurgien à Lyon, né dans le Lot-et-Garonne et décédé à Lyon, et que son épouse est native de la cité et la fille aussi d'un maître chirurgien à Lyon. Sur la troisième enfin (celle du beau-père de l'ascendant lyonnais), on est informé que l'ascendant a des parrain et marraine de lignées nobles. Il est orphelin de père très jeune mais élevé avec beaucoup de soin par le second mari de sa mère, lui aussi chirurgien. Il fait ses études de droit, devient juge de paix puis, après la Révolution, avoué. Son mariage n'apporta pas beaucoup de bien à cause de la révolution, mais sa famille s'était engagée dans la défense de Lyon et plusieurs de ces membres furent même guillotinés. Il prend part lui aussi à cette défense et est dénoncé.

‘“Jean-Jacques traverse la révolution non sans quelques difficultés. Il prend part à la défense de Lyon, comme membre de la section du Gourguillon, et fut dénoncé et poursuivit pour avoir été l'un des députés contre révolutionnaire qui voulait la dissolution de la convention. Il échappe néanmoins au tribunal et nous le retrouvons “homme de lois” sous le directoire. Ses biens qui avaient été séquestrés lui furent rendu.
Vers 1795, il fait faire sa miniature en jeune muscadin avec une plume en main. Le 8 novembre 1801, il a 34 ans, il épouse Elisabeth Sophie Biffat en l'église Saint Paul. Le contrat est fait par maître Ducruet et la dot de la mariée est bien faible, 2.500 livres, la révolution était passée par là. Elle était fille de Jean-François Biffat et de Marie Sollère. Pendant la révolution deux de ses oncles ont été guillotinés, Alexis et Hubert Biffat.” (p. 69).’

On sait la passion de cet ascendant pour la peinture des grands maîtres et la collection d'objet d'art, la menace de saisie et de prison qui s'en suit et sa fuite en Suisse. Loin de sa famille qui l'a beaucoup critiqué, se sentant seul et malade, il se lamente torturé par sa ruine durant presque deux années chez un ami, puis revient en Savoie chez une tante maternelle de son gendre.

‘“Jean-Jacques est maintenant en Suisse, son gendre Pierre-Gilbert s'installe dans l'appartement de son beau-père et réussit à sauver une partie du mobilier. Jean-Jacques est bien reçu par son ami Antoine Mébat, mais il est malade et torturé par sa ruine. A la fin, son ami est excédé par ses lamentations. Jean-Jacques Citet est seul, il appelle au secours, sa femme, sa fille, il se lamente, se traite de misérable. Tant et si bien que sa famille, après l'avoir sévèrement critiqué, prend pitié. Une âme charitable, madame Quinsier, née Mogin, sœur de madame Pierre-Claude Armand, lui propose de venir chez elle à Marchangy en Savoie (...).” (p. 70). ’

Encore une fois, la vie en exil affecte le ton du narrateur. En fin de compte, cet ascendant meurt très vite après son retour à Lyon, réconcilié avec la religion, qu'au grand désespoir de sa femme, il avait un peu oublié depuis la Révolution . La notice se termine sur l'annonce de l'héritage de la propriété de Collonges venue de l'hôte de Suisse, à l'attention de sa femme et qui reviendra à leur fille qui épousa le petit-fils de l'enracineur. Ainsi, cette lignée maternelle renforce encore le multi-établissement à Lyon de la lignée patrilinéaire. Elle apporte finalement du bien avec la propriété de Collonges et le goût de l'art même s'il coûta cher.

Ainsi, la filiation du premier ascendant lyonnais est dédouané du doute sur son appartenance à la religion catholique avec la preuve qui est donné à son sujet, la seule information textuelle qui concerne cette alliance. On est assuré aussi qu'elle fut bourgeoise au même titre que les patrilinéaires du même village. Les filiations des alliées suivants sont toutes multi-établies à Lyon et possèdent une mémoire généalogique d'aïeux sur au moins trois générations, ce qui redouble à chaque génération la légitimité de la place des patrilinéaires dans l'élite de la cité et son ancienneté dans la bourgeoisie. D'autre part, chacune a un ascendant qui vécut sous la Révolution et qui participa à la défense de Lyon en endossant des responsabilités qui leur valurent de grandes difficultés. Comme les ascendants patrilinéaires, ils sont des héros de la contre-Révolution et en cela les patrilinéaires peuvent se reconnaître de leurs familles : alliés politiquement, alliés familialement. Enfin, s'il y a du bien à des générations anciennes, les pères des épouses, eux, se sont tous trouvés en difficultés financières suite à des faillites, ce qui fit de ces épouses des femmes peu fortunées au début de leur mariage. Mais l'équilibre, dans tous les cas, est revenu avec le temps, par l'intermédiaire du réseau familial, amical ou allié. Les professions des hommes sont le négoce ou les professions juridiques. Tous les beaux-pères, au moins, ont eu des fonctions politiques ou sociales dans leur localité. La culture est présente notamment pour le beau-père le plus récent qui fut un grand esthète mais peu manifeste dans les autres cas qui supposent pourtant la présence de savoirs chez des ascendants de professions juridiques, mais aussi chirurgiens et libraire.

En fin de compte, au regard de l'histoire de cette dernière alliance, on peut constater que la résultante des apports de ces quatre lignées maternelles peut laisser penser que la filiation du dernier ascendant lyonnais présenté est à la hauteur de celle de ses alliés dont une partie est issue de l'aristocratie. On a repéré cette résultante, nous l'avons vu, au contrat de mariage de ses parents qui montre des comptes équilibrés quant aux sommes apportées au mariage par les deux parties, des propriétés respectives possédées en nombre égal et un mode de vie commun de grand bourgeois lyonnais satisfaisant chacun. Ainsi, les lecteurs peuvent se reconnaître dans leurs maternels et porter un autre regard sur leur filiation paternelle, c'est-à-dire la concevoir au-delà de la seule agnatique, en comprenant leurs maternels : avec les Lyonnais, la référence est toujours bourgeoise, mais elle ne fait pas regretter la race aristocratique perdue puisque celle-ci va revenir par l'héritage des alliés de la 4e génération lyonnaise préparée qu'elle a été par l'histoire des 3 générations de branches paternelles et maternelles précédentes.

Après ces quatre générations d'alliés, on ne trouve plus de filiations textuellement rapportées. Pour autant, on observe plusieurs autres tableaux généalogiques, à commencer par les alliés de cette dernière génération lyonnaise présentée (bisaïeul du narrateur). Ces alliés, en effet, font revenir l'appartenance de la famille à l'aristocratie 518 . Pour les alliés suivants – ceux du grand-père du narrateur comme ceux de son père – on voit que les tableaux ont une branche grande bourgeoise et l'autre noble 519 . Le narrateur rassure ainsi ses lecteurs qui ont beaucoup perdu à découvrir que leur filiation agnatique n'appartenait pas à une vieille aristocratie ; ceux-ci ont les deux sangs : le grand bourgeois et le noble depuis plusieurs générations 520 .

Quant à la dernière alliée présentée, on se souvient que sa vie avait subi les conséquences de la faillite notoire de son père, au point que le narrateur avait cherché à prouver, dans sa quête de transparence, une séparation des biens entre les lignées. Les lecteurs peuvent constater que deux ascendants, dans leur filiation, ont été soupçonnés chacun pour leur compte dans la gestion de leur patrimoine, l'un de façon officielle et l'autre familialement : l'enracineur et son beau-père. Les deux branches de la filiation de cette génération se ressemblent donc, même si l'une est bourgeoise et l'autre noble. Mais, en fin de compte, on ne peut soupçonner ni l'une ni l'autre, à cette génération, de n'avoir pas fait ce qu'il y avait à faire concernant la gestion des fortunes respectives qu'ils ont laissées à leurs descendants.

Pour ce qui concerne la génération postérieure à l'enracineur, on ne sait rien des alliances si ce n'est des informations sur les responsabilités que prit l'époux de sa fille aînée qui fut notaire et qui promit à son beau-père – et tint sa promesse – de diriger son étude s'il meurt avant que son fils ait fini son notariat. Le narrateur indique qu'il avait de l'autorité dans la famille et qu'il était écouté de leur chef de famille. Il n'y a donc pas seulement cette grand-mère qui laissa après le décès de l'enracineur une dette à ses descendants, son petit-fils par alliance aussi. Ainsi, dans ce récit, le narrateur rétablit le poids des hommes dans la gestion de la fortune familiale. Il n'y eut pas qu'une femme qui la géra mais aussi son mari, l'enracineur et son gendre. En fin de compte, patrilinéaires et alliés se sont non seulement conjoints pour permettre à l'enracineur de laisser une fortune mais aussi, ils ont continué après celui-ci leur solidarité malgré la division des biens qui avait commencé. Mais, on peut se demander pourquoi cette association semble s'être arrêtée. Il semble n'être resté après que la division de la fortune et le soupçon !

L'alliance suivante – celle du grand-père du narrateur – s'est aussi contractée avec une famille de la noblesse, plus exactement avec une famille de l'aristocratie savoyarde mais qui n'avait plus leur particule à cause de la Révolution française au moment du mariage en 1845. Il s'agit d'une famille de verriers depuis de nombreuses générations tant du côté paternel que maternel. Elle a produit le groupe Boussois-Souchon-Neuvesel et compte des parents engagés socio-politiquement. En 1868, elle est autorisée à reprendre sa particule. De l'épouse, on sait seulement qu'elle tint un journal mais qui ne relate avant tout, estime le narrateur, que des événements familiaux sans intérêt pour l'ensemble de la famille.

La dernière alliance de la ligne directe est celle du père du narrateur qui, on s'en souvient, épouse sa nièce à la mode de Bretagne, résidant à Lyon et issue d'une aristocratie née aux confins des Monts du Lyonnais et du Forez. Sa présentation est la plus ample parmi les alliés des patrilinéaires ; elle occupe 2 pages. Le père de l'épouse est zouave du pape. C'est un homme de grande culture, excellent cavalier, au tempérament vif qui savait concilier la plaisanterie gauloise, la plus extrême distinction et la piété la plus solide. On se souvient qu'il fait profiter sa famille de sa propriété de la Nièvre dans laquelle il vit en permanence avec grande largesse mais sans luxe ni ostentation. De cette propriété et de celle de son père qui la jouxtait, le narrateur garde le souvenir de lieux accueillants et gais. Quant à la mère de ce dernier, il nous dit qu'elle a aussi écrit un journal. Celui-ci montre d'elle une âme à la recherche de Dieu et dans l'attente d'être unie à lui. Mais, elle n'était pas repliée sur elle et même était avec son père très gaie. Elle consacrait une grande partie de son temps à des œuvres multiples et à des associations pieuses : elle avait des protégées.

Cette alliance est de loin celle qui touche le plus le narrateur et qui appelle le plus les lecteurs à s'y identifier. Ainsi, les alliances de l'ascendance lyonnaise du narrateur et des lecteurs ne furent pas seulement bourgeoise. Elles furent bourgeoise ou aristocrate pour la première génération – le narrateur concédant à ses lecteurs la petite noblesse – puis bourgeoise dans les apparences, ayant perdu sa particule, mais aristocrate selon l'ascendance et la loi, à la deuxième génération et enfin, bourgeoise et aristocrate, à cause de leur alliance accomplie, à la troisième génération. La famille a donc bien été finalement bigarrée comme le narrateur le disait. En fin de compte à la dernière génération, l'équilibre est trouvé même si des différences coexistent : la réserve et le sérieux du bourgeois ont trouvé à s'allier avec la liberté et la gaieté de l'aristocrate et tous deux sont proches dans leurs modes de vie comme dans leurs propriétés ; ils se retrouvent en grands bourgeois.

Conclusion

Nous avons vu dans notre corpus de référence que tous les narrateurs instruisaient leurs lecteurs sur des lignées alliées de leurs patrilinéaires. Il en est de même pour les autres récits, hormis deux exceptions que nous pouvons nous expliquer pour le cas de la lignée des peintres, mais difficilement pour l'autre cas, dans lequel aucun maternel n’est présenté, si ce n'est, en deux énoncés, les alliés lyonnais qui permirent de donner le droit de bourgeoisie en sa forme accomplie au fils de l'ascendant enracineur, avec les seules indications de leur position sociale et de la profession qui les lia au même sort. Ainsi, 9 sur 11 narrateurs invitent leurs lecteurs à visiter aussi les maternels de leurs ascendants lyonnais. Nous l’avons fait remarquer dans notre première partie, ils informent peu sur ces lignées au regard du traitement des patrilinéaires. 5 ne leur font pas dépasser 10 % des informations totales traitées dans les recueils, mais à l'autre extrême, 2 leur consacrent pour l'un les deux tiers et pour l'autre un tiers des informations. Les 2 derniers se trouvent entre les deux 523 . Mais dans ces plages qui leur sont consacrées, on doit concevoir qu'il se trouve des données concernant plusieurs lignées et pouvant être réduites à de simples suites généalogiques, sans commentaire.

Les 9 narrateurs aménagent différemment la place des maternels : certains leur réservent des notices ou chapitres spéciaux, d'autres les dépeignent dans le fil du développement diachronique de leur récit, soit au moment de parler de l'alliance de l'ascendant patrilinéaire concerné, soit après avoir fini le procès de celui-ci. Ils traitent seulement des maternels des ascendants lyonnais. Ainsi, on voit que ce sont ceux des bourgeois lyonnais qui sont visés, qu'ils aient appartenu à la bourgeoisie ou à la noblesse, qu'ils aient été lyonnais ou non.

En ce qui concerne les alliés renseignés, ayant appartenu à la bourgeoisie, on a vu, dans notre corpus de référence, qu'ils portaient tous la marque de leur intégration dans l'élite de leur localité, qu'ils aient été de l'époque du bourg des origines (les maternels des enracineurs) ou de Lyon. Les épouses qui ont contracté les alliances sont quasiment toutes natives des localités dans lesquelles leurs époux sont aussi nés. Il en est de même pour les autres récits de notre corpus. Les alliés, qu'ils aient vécu dans les villages ou bourgs ou petites villes ou encore à Lyon, ont appartenu à des familles établies jouissant du crédit de leur ancienneté et de leur notabilité. Ils honorent les patrilinéaires. Tous sont des gages de crédits et leurs mémoires des preuves de leur bonne conduite, même si le soupçon a pu paraître les toucher parfois.

Pour les alliés lyonnais, on a vu que le degré d'intégration à leur élite était variable. Cependant, on a pu constater qu'en plus des épouses natives de Lyon, au moins leur père avait sa résidence dans la cité avant leur naissance. Il en est de même pour les autres récits. Ainsi, à chaque génération, grâce à leurs alliés et au nombre de branches de leurs maternels lyonnais, les patrilinéaires et leurs enfants redoublent de crédit. Ils peuvent, à l'évocation des noms maternels, avoir accès à la confiance qui règne à leur endroit dans la mémoire collective de la cité.

En ce qui concerne les alliés ayant appartenu à la noblesse, on a observé qu'ils avaient ou non un ancrage à Lyon, mais cela n'a pas empêché les patrilinéaires de s'intégrer à la cité. On a enfin constaté que les narrateurs ne s'attardaient pas plus sur eux que sur les bourgeois lyonnais. Il en est ainsi pour les autres récits. En effet, l'hétérogamie est souvent tue et même lorsqu'elle est soulignée par quelques mots, elle est toujours tempérée par des indications des narrateurs permettant d'en réduire les effets imaginaires.

Ce qui est le plus intéressant dans la présentation de ces alliés – bourgeois ou nobles – ce sont les perspectives que les narrateurs ont sur eux. Nous avons vu qu'ils laissaient tous apparaître une adéquation entre leurs valeurs et celles de leur lignée patrilinéaire. Ils les montrent se comportant en plusieurs points de même que leurs patrilinéaires se seraient ou se sont comportés ou devraient se comporter encore. Tous les autres narrateurs de notre corpus général ont cette perspective. On peut noter par exemple que l’un voit des alliés en adéquation avec ses patrilinéaires sur la défense de l'Eglise et des institutions religieuses, chacun à leur manière, et qu’un autre, à l'image de notre récit 3, constate cette adéquation dans l’investissement pour défendre Lyon pendant la Révolution.

S'il est facile de nuancer les attributs par lesquels les narrateurs caractérisent leurs ascendants et leurs alliés bourgeois pour aboutir à leur donner des traits de ressemblance, il est plus difficile de finaliser cet objectif avec des alliés appartenant à la noblesse. En effet, les patrilinéaires peuvent être confondus, fusionnés ou faire un seul corps avec des alliés bourgeois, et apparaître tels dans la mémoire des lecteurs. Mais pour les alliés nobles, il faut trouver des moyens pour réduire la distance due à l'hétérogamie entre les deux lignées. On a vu dans notre corpus de référence que ces nuances se trouvaient par exemple dans la mention que les deux familles étaient amies depuis longtemps, bien avant même que l'alliance ne se contracte, ou bien dans le commentaire d’un narrateur sur l'origine de l'appartenance des alliés de son bisaïeul enracineur à la fois bourgeois et noble. On rencontre les mêmes tendances dans le reste de notre corpus. On trouve ces nuances par exemple pour un récit, aussi dans le lien d'amitié entre les familles, mais encore dans un autre, on les lit dans l'expression de la volonté chez un beau-père d'accueillir le jeune homme qui fréquentait sa maison s'il se présentait pour sa fille, bien avant que celui-ci ne déclare son inclination, etc. Toute la question est, pour les narrateurs, de ne pas ignorer les valeurs apportées par leurs maternels et même de montrer qu'elles ont concouru à l'élévation de leur filiation, mais paradoxalement de ne pas trop marquer les identités de ces derniers. En effet, ils veulent les laisser voir par leurs lecteurs à un niveau de l'échelle sociale permettant de les imaginer partager le destin de grand bourgeois et non de noble, car si la lignée bourgeoise patrilinéaire fait une ascension sociale avec ces alliances, la lignée noble, elle, fait une descente 524 . L'identité noble de leurs maternels les distingue des autres bourgeois, ce que leur nom ne fait pas d'emblée : on peut se souvenir de leur distinction à la génération de l'alliance, mais au fur et à mesure que les générations passent, l'oubli gagne et le nom ne véhicule plus, sous son paradigme bourgeois, un imaginaire adéquat aux traits identitaires des générations descendantes. La mémoire généalogique a pour fonction de rappeler à la descendance, mais aussi à la mémoire collective de l'élite locale, cette distinction identitaire qui coule dans les veines de leur famille.

On a constaté que parmi ces alliés, les narrateurs en situaient toujours un ou deux à une place privilégiée que l'on a remarquée dans notre corpus de référence par le nombre de pages ou de lignes qui leur était offert, et par l'implication affective qui se manifestait dans leur énonciation. Il en est de même pour les autres récits qui ont présenté des maternels. En effet, tous en donnent un portrait tel qu'ils les rendent exemplaires aux yeux de leurs lecteurs. Ils les désignent comme socialement et individuellement accomplis et comme sources d'affection, qu'ils soient grands bourgeois ou nobles, fortunés, ayant eu des revers de fortune ou au niveau économique inconnu : ils ont une fonction symbolique centrale. Ils témoignent tous des traces durables que ceux-ci ont laissées dans leur imaginaire. Ils dévoilent à leurs lecteurs des univers immortalisés par les bienfaits qui en sont provenus, se manifestant en termes de biens financiers et immobiliers, mais aussi de confiance ayant abouti à des associations commerciales et encore de sentiments d'affection, de stabilité et d'harmonie.

Mais, ces lignées alliées ne sont représentées dans nos récits que par l'intermédiaire quasi exclusif de leurs membres masculins et de la branche patrilinéaire de l'épouse par laquelle l'alliance a été contractée. L'épouse elle-même est rarement identifiée en détail, de même sa mère, ses grands-mères, etc. Les exceptions vont aux femmes appartenant à la noblesse, à celles qui ont pris part activement à la gestion des affaires et des biens familiaux, suite aux décès de leur mari ou de leurs enfants, à celles qui eurent elles-mêmes un destin tragique et aux religieuses. Les traits de toutes ces femmes dépeintes, si brièvement soit-il, montrent leurs valeurs maternelles, culturelles, morales et religieuses.

On a remarqué, dans notre corpus de référence, que les alliés des frères et sœurs des patrilinéaires ont aussi leur place, soit parce qu'ils les ont soutenu, soit parce qu'ils les ont honorés, soit encore parce qu'ils ont apporté le trouble. Etant des beaux-frères, ils font les cousins de demain. Mais leur présence reste subsidiaire. On peut voir, dans les autres récits de notre corpus, par exemple, l'importance de ces relations dans le cas d’une belle sœur de réputation nationale qui a bien voulu ouvrir à ses neveux et nièces son réseau parisien.

Avec ces alliances, les lignées patrilinéaires ont vu leur renom prendre de l'ampleur, mais encore le plus souvent sous les auspices et le couvert de leurs alliés qui ont permis leur élévation. A l'heure de l'écriture, les narrateurs veulent déplacer leurs pères de cette seule position, puisqu’ils souhaitent les sortir de l'anonymat. Ils se doivent donc de ne pas omettre la responsabilité que leurs alliés ont pris, pour leur part, dans les mérites qu'ils ont accumulés de génération en génération. Car, maintenant que le récit est écrit, il s'agit que la mémoire n'oublie pas, à l'inverse, que derrière le renom des pères, il y a eu aussi celui de mères, tenues à discrétion pour laisser place entière à ces derniers, mais présents et ayant influé. Les lecteurs sont invités à voir, en fin de compte, que les lignées patronymiques dans lesquelles ils sont invités à s'enraciner sont des paternels, c'est-à-dire incluent leurs maternels et pas seulement des patrilinéaires. C'est ainsi que si leur groupe d'appartenance est bien patrilinéaire, leur ascendance lyonnaise, elle, a plusieurs branches. Elle est plurilinéaire et, nous allons le voir, d'autant plus manifestement, dans les récits, qu'elle porte des branches nobles dont on peut s'honorer.

Notes
513.

. Voir le chapitre sur les ancêtres enracineurs.

514.

. Cet acteur grand-père est désigné tout d'abord comme notre Grand'Père lorsque son identité est présentée, puis comme Grand'Père lorsqu'il est question de son décès et de la licitation de la propriété de Frontenas (99/20), et enfin, en dernier ressort, comme notre Grand'père (101/1) quand le narrateur va lui rendre visite à la propriété. Pourquoi l'indication de possession disparaît-elle au second procès ? Pourquoi la majuscule du lexème père est-elle perdue dans le troisième procès ? L'absence du possessif au moment où il est question de la liquidation de l'héritage est-elle le fruit du hasard ? Sans doute, non ! En tout premier lieu, ce lexème indique d'une part un lien d'appartenance par le possessif qui lui est adjoint mais aussi d'autre part une élévation de l'acteur qu'il représente avec ses deux majuscules. Puis, ce lexème Grand'Père devient un appellatif ; il appelle alors à une intimité dans le discours énonciatif, mais sans son possessif il exclut le lien d'appartenance et fait valoir donc plus de distance entre lui et son petit-fils narrateur, et ceci au moment de la perte du lien avec la propriété et du décès de ce grand-père ! Nous pouvons penser que le narrateur traduit le partage de ses sentiments envers celui-ci. Ces sentiments se font-ils paradoxaux lorsque, finalement et imperceptiblement, le narrateur fait perdre à son grand-père un trait de son élévation avec la disparition de la majuscule au lexème père ? Il sera “notre Grand'père “ alors qu'avant, il était “notre Grand'Père” !

515.

. 3,5 pages sont consacrées à cette lignée, dans cette notice. A celles-ci, il faut ajouter la généalogie détaillée de 2,5 pages de chacun des 4 ascendants du nom et celle de la mère de l'épouse, ainsi que deux tableaux synoptiques, l'un de la descendance du plus ancien des ancêtres de celle-ci en lignée patrilinéaire et l'autre de l'ascendance de l'épouse. Enfin, il faut conjoindre aussi 3 tableaux déployant 3 branches maternelles du tableau principal. En tout, 13 pages informent sur cette lignée alliée (pp. 34-47).

516.

. 7 autres pages concernent la descendance détaillée de chaque membre de la lignée patrilinéaire de cette branche alliée et 4 tableaux généalogiques concernant des rameaux de celle-ci.

517.

. Les tableaux généalogiques comprennent une descendance à partir d'un éponyme de ces alliés, puis les filiations de la mère de l'épouse et de la grand-mère de celle-ci, ensuite celles de la mère et de la grand-mère du père de cette épouse, et enfin celles de trois rameaux de ces alliés.

518.

. Ces dernières généalogies sont séparées des premières par les documents annexés et les quartiers du grand-père du narrateur, le fils né de cette alliance.

519.

. La seule lisibilité de la généalogie ne suffit pas à déduire une telle information, même si la présence des particules marquant la noblesse et la notoriété des patronymes bourgeois en font signe. Nous-mêmes savons par ailleurs que la représentation rencontre les faits par des documents croisés.

520.

. Le narrateur n'a pas introduit la généalogie de son épouse. Celle-ci appartient à une lignée noble par ses deux branches.

521.

. Ce gendre portait le même patronyme que celui de jeune fille de sa belle-mère.

522.

. Ces pages comprennent une ascendance de 12 pages intitulée “Ascendance d'Eugénie Guilbert”. L'épouse est ici présentée sous le patronyme de son mari, au titre de son lien d'appartenance à la lignée patrilinéaire. Mais, dans la généalogie, elle-même, elle est désignée par son nom de jeune fille. Certaines branches remontent jusqu'au Xe siècle. Il s'ajoute à ces pages, 4,5 pages intitulées “notice sur les ascendances” donnant plus de détails sur ces branches. On reverra ces points dans le chapitre suivant.

523.

. Nous n'avons retenu que les maternels présentés de façon à pouvoir discerner suffisamment leur caractère propre, au-delà donc de la simple information sur les cycles de vie de l'épouse et de ses parents, ainsi que sur la profession du père de celle-ci.

524.

. L'hétérogamie existe aussi bien sûr dans les alliances entre bourgeois, mais on peut l'estimer imaginairement moins importante et les nuances à apporter pour atténuer la distance sociale moins soumises à des paradoxes.