4 – L'institution d'héritiers de la tradition paternelle

Ecrire pour faire reconnaître l'héritage paternel et pour dire l'esprit avec lequel le recevoir ne suffit pas à se faire entendre. Les narrateurs, nous allons le voir, le supposent bien. Aussi, ils profitent largement des fonctions opératoires – testamentaires, sublimatoires, performatives et structurantes – que leur offre l'écriture généalogique. En effet, nous allons montrer comment celle-ci leur prête un cadre socialement recevable pour faire part de leurs désirs au sujet de leur famille ; comment elle peut les assurer des meilleures chances de trouver parmi leurs descendants des héritiers pour leurs legs sans dévolution ; comment elle leur permet d'élever à un rang d'exception les qualités et les actes de certains membres de leurs familles pour provoquer des transferts identificatoires et des sentiments de dette ; et enfin, comment elle les transforme dans la mesure où elle a satisfait à leurs attentes.

Nous allons voir, dans un premier chapitre, les transformations que l'écriture a engendrées chez les narrateurs. Puis, dans un deuxième chapitre, nous observerons comment ceux-ci provoquent chez leurs lecteurs le souhait de prendre en compte leur héritage paternel ; nous mettrons en lumière les fonctions de la dette. Enfin, dans un troisième chapitre, nous instruirons les compétences qu’ils développent pour emporter l'adhésion de leurs lecteurs à leur rattachement à la filiation qu’ils ont choisie ; nous mettrons en évidence le modèle identitaire et la fonction socialisatrice de ces filiations électives.