Le contrat de confiance

Pour solliciter la confiance de ses lecteurs, le narrateur énonce les évidences qui ont cours dans leur famille. Avec deux énoncés tout d'abord, il s'adresse directement à eux sur ce qu'ils sont censés savoir sur elle. D'une part, ceux-ci doivent savoir qu'il a une fratrie de huit frères et sœurs, c'est-à-dire que, sous-entendu, ils ne sont pas cinq car trois sont décédés. D'autre part, ils doivent savoir ce que fut la vie matrimoniale de leurs parents, c'est-à-dire, précise-t-il, le sacrifice que fut la vie de leur mère.

‘“Comme vous le savez, nous étions huit frères et sœurs (…)” (p. 19).
“Vous savez ce que fut notre vie matrimoniale qui dura 43 ans, au cours desquels votre Mère fut toute de dévouement, d'abnégation, de travail sans relâche, bonne et indulgente pour nous. (…) Aimable, bonne, s'effaçant et se sacrifiant toujours. Sa vie a été un exemple pour tous” (p. 89-91).’

Une troisième évidence est aussi introduite comme naturellement dans le récit, à savoir le sort malheureux qui se porta – comme chacun sait – sur toutes leurs propriétés de famille.

‘“A la mort d'Antoine, le Potêt fut vendu : ce qui est malheureusement le sort de toutes nos propriétés de famille” (p. 13).’

Nous nous étions attendue à voir apparaître comme une évidence la mort de la mère de l'auteur. Or, ce n'est pas le cas. Par contre, ce qui vient à la place, c'est le sacrifice d'une autre mère. Nous chercherons à comprendre.

A partir de ces évidences, le narrateur va faire la part des choses. Il va indiquer comment chaque génération a réagi au poids de ces malheurs en revisitant leur histoire et en remettant chacune de celle-ci à la place où elle doit être à ses yeux, concernant la mémoire de ceux-ci. Il opérera une séparation, au fur et à mesure qu'avancera son récit, entre ce qui lui revient de conserver, ce qui revient à sa fratrie et à la génération qui le précède et enfin ce qui revient à ses enfants et petits-enfants. Il va se faire le guide, comme dans le récit précédent, d'une visite dans l'univers familial de son passé et appeler ses lecteurs à le rejoindre (sous le vocable du nous) pour constater que leur histoire n'a pas été qu'une suite de malheurs.