Les positions de l'énonciation

Le narrateur implique ses lecteurs en terme de nous dans la découverte de ces faits. Il commence par citer deux preuves indéniables parvenues jusqu'à eux montrant que les représentations de parvenu qui étaient projetées, jusqu'alors, sur le seul fils, se retrouveraient plutôt chez la mère 560 . Mais, il apporte ce point de vue au moyen de litotes pour ne pas bousculer les censés sus de la famille. Ainsi, il constate qu’ils n'hésitèrent pas à donner deux prénoms peu communs à l'époque. Il propose deux documents à témoins pour faire valoir que ces parents n'étaient pas sans fortune.

‘“Il est néanmoins vraisemblable que la mariée apportait quelques biens car son père François Pavois n'était pas sans fortune ainsi qu'en témoignent deux documents parvenus jusqu'à nous” (2/24).’

Le narrateur présente ensuite deux testaments qui leur sont aussi parvenus, leur donnant l'état de la fortune de son fondateur lorsqu'il avait 55 ans : une fortune qui allait bien au-delà de ce que le lecteur pouvait croire à lire les lignes jusque là écrites. En effet, celui-ci ayant des ennuis de santé se préoccupa de faire son testament ; il n'en reste dans les papiers de famille qu'un codicille. Puis il l'annula 3 ans plus tard pour en refaire un autre.

‘“Deux documents de cette nature sont parvenus jusqu'à nous, qui montrent que la fortune immobilière constituée par F.F.B. allait bien au-delà que ce que les quelques lignes précédentes pourraient laisser croire” (p. 6).’

Le narrateur cite les contenus des documents. Ainsi, le lecteur peut constater que le fondateur de leur fortune était un homme sérieux et rigoureux dans sa gestion, attentif à ses enfants et discret sur l'ampleur de ses biens : un tel portrait est contraire à l'image de parvenu. Les preuves contredisent les soupçons qui ont pu porter sur lui.

Le transfert affectif des lecteurs sur le narrateur peut se faire à cause du soin particulier qu'il donne à resituer la vérité sur un homme qui semble avoir été l'objet d'une injustice. Le narrateur se fait juge impartial de cette époque de leur histoire. Il peut d'autant plus l'être qu'il est un allié à la famille, et pas un héritier direct. Il ne s'engage d'ailleurs jamais comme sujet singulier dans cette histoire, ni ne s'adresse à ses lecteurs directement. Il ne les appelle pas à identification mais à un indu envers la mémoire du fondateur de leur fortune.

Notes
560.

. Il est difficile de penser que le narrateur ait fait deux fois le choix du lexème parvenu pour parler des documents qui lui ont été transmis alors qu'il fait la démonstration que son ascendant est le contraire d'un parvenu. Bien sûr, il ne prononce jamais ce terme, mais tous ses commentaires et ses preuves y répondent !