IDE en R&D et accès aux marchés : les hypothèses traditionnelles

Il a généralement été admis que le rôle des unités de R&D était déterminé, pour l’essentiel, par des facteurs liés à la demande et l’accès aux marchés étrangers. Dans cette optique, c’est la localisation des activités de production qui est censée influer sur la décentralisation de la R&D. C’est ce qu’expliquent J. Howells et M. Wood : ‘[There is a] strong evolutionary time sequence involved with the build-up of technical and engineering know-how which the establishment of a manufacturing plant introduces into an area’ (Howells & Wood [1991], p. 47). En d’autres termes, la production servirait de ‘plate-forme’ à l’expansion internationale des activités de R&D des FMN (ibid.). La dispersion internationale des unités de production et celle des unités de R&D obéirait ainsi à une ‘séquence évolutionniste’ : les activités de R&D tendraient à suivre l’implantation des activités productives à l’étranger avec un certain délai.

Cette ‘séquence évolutionniste’ a été mise en évidence dans de nombreuses études empiriques. Ainsi, dans l’étude menée par Mansfield et al. [1979] sur un échantillon de 55 grandes firmes américaines entre 1970 et 1974, le pourcentage de ventes réalisé par les filiales étrangères d’une firme paraît avoir une influence positive directe sur son pourcentage de dépenses de R&D entreprises à l’étranger (p. 190). De façon similaire, sur la base d’une enquête concernant 24 industries manufacturières menée en 1966, Hirshey & Caves [1981] ont mis en évidence que la proportion des dépenses de R&D des firmes américaines étudiées, réalisée sur un marché étranger, était positivement corrélée à la présence d’unités de production sur les marchés étrangers concernés (p. 128).

Plus récemment, de nombreuses autres études empiriques, concernant des firmes triadiques et pas uniquement des firmes américaines, sont venues accréditer la thèse de la séquence évolutionniste. Ainsi l’étude menée par F. Warrant, sur la base d’un inventaire des unités de R&D des 150 plus grandes entreprises listées dans Fortune, a-t-elle souligné l’importance des facteurs de marché dans les motivations de l’IDE en R&D : le besoin d’intégrer davantage la R&D à d’autres activités des firmes à l’étranger, notamment la production et le marketing, arrivait en troisième position des motifs de l’internationalisation de la R&D (Warrant [1991], p. 35). Le facteur ayant le plus d’influence sur le choix de localisation de la R&D expatriée était la ‘proximité aux unités de production’ (ibid., p. 93). L’hypothèse de ‘la production expatriée comme une force induisant la décentralisation de la R&D’ est, de même, largement confirmée par les résultats présentés dans Pearce & Singh ([1992], pp. 107-9), sur la base de l’étude d’un échantillon de 432 FMN. Une étude plus récente, relative à l’analyse des déterminants de l’internationalisation de la R&D de FMN suédoises, révèle également que la nécessité d’adaptation des produits et des process sur les marchés étrangers ciblés influe sur les choix de localisation des activités de recherche des firmes étudiées (Fors & Zejan [1996], p. 14).