IDE en R&D et considérations technologiques : de nouvelles pistes de recherche

Une hypothèse alternative, voire complémentaire, concernant les motivations de l’internationalisation des activités d’innovation a cependant émergé récemment. Un certain nombre d’études contribuent à suggérer que les facteurs de l’IDE en R&D ont évolué fortement au cours des dernières années, les unités de R&D localisées à l’étranger adoptant de façon croissante une ‘orientation à vocation technologique’ (‘technology-oriented posture’), pour reprendre les termes de Florida ([1997], p. 86). Cette tendance est mise en évidence dans l’étude conduite par Miller [1994] et relative aux facteurs motivant les choix de localisation des unités de R&D de 20 firmes automobiles en Amérique, en Europe et en Asie. R. Miller montre ainsi que les facteurs décisifs sont liés à l’établissement de postes d’écoute (‘listening posts’) en ingénierie dans des ‘poches d’innovation’ (pockets of innovation) localisées hors des marchés nationaux, l’objectif étant d’évaluer non seulement la concurrence, mais également d’anticiper les nouvelles tendances de style (ibid., p. 37).

L’étude menée par Almeida [1996], sur un échantillon de 22 firmes asiatiques et européennes, fournit des résultats similaires. L’auteur a analysé les brevets américains déposés dans le domaine des semiconducteurs par les unités de production que ces firmes ont établi aux États-Unis, sur la période 1980-1990. Les résultats montrent que l’IDE est destiné à pallier le désavantage technologique dont souffrent les firmes dans leur pays d’origine ; en d’autres termes, les firmes asiatiques et européennes étudiées utilisent leurs unités établies aux États-Unis pour avoir accès à la technologie américaine (ibid., pp. 162-3). De même, l’étude des déterminants de l’internationalisation de la R&D de 254 firmes industrielles japonaises, réalisée par Odagiri & Yasuda [1996], révèle que les motivations d’ordre technologique apparaissent au premier plan pour les investissements en Europe et aux États-Unis : de nombreuses firmes de l’échantillon ont ainsi établi des unités de recherche sur les marchés américains et européens ‘afin de se tenir informées des derniers développements technologiques’ dans leur domaine d’activité (ibid., p. 1074). L’étude de R. Florida, portant sur un échantillon de plus de 200 laboratoires de R&D établis aux États-Unis par des firmes non américaines, conclut également à la primauté des facteurs d’ordre technologique :

‘Gaining access to scientific and technical talent and developing links to the US scientific and technical community are the only factors that are significantly associated with R&D spending for the sample as a whole. (Florida [1997], p. 101)’

Plus récemment, Miotti et al. [2001] ont cherché à tester l’hypothèse selon laquelle l’IDE est susceptible de constituer une stratégie d’accès à la technologie sur le cas des firmes coréennes. Dans cette optique, les auteurs ont réalisé des tests statistiques sur une base de données coréennes sur les implantations manufacturières à l’étranger, comprenant 339 cas aux États-Unis. Les résultats obtenus soutiennent l’hypothèse d’accès à la technologie de la part des firmes coréennes par l’intermédiaire de prises de participations minoritaires (ibid., p. 52) : les firmes coréennes tentent de puiser dans les ressources technologiques américaines et choisissent, pour ce faire, de localiser leurs investissements dans des régions qui concentrent les partenaires les plus intéressants (ibid., p. 53).

L’ensemble des études empiriques évoquées ci-dessus contribue ainsi à accréditer l’idée selon laquelle le rôle des unités de recherche ‘expatriées’ ne serait plus confiné à la réalisation de simples tâches d’adaptation des produits ou process de la FMN, mais tendrait à évoluer vers la réalisation d’activités technologiquement créatives.