À l’opposé de la conception de la firme comme ‘processeur d’informations’, une conception alternative a progressivement émergé au cours de la période récente, qui repose sur l’hypothèse suivante : l’attribut essentiel de la firme est constitué par ses ‘compétences’. Elles traduisent ce que la firme est capable de ‘bien’ faire, notamment par rapport à ses concurrents. Cette perspective analytique est partagée par un certain nombre de contributions 9 qui peuvent être rassemblées sous le label générique de ‘théorie des compétences de la firme’ (TCF), que nous présenterons dans la seconde Partie. Le point de départ commun à l’ensemble de ces approches est admirablement bien résumé par B. Loasby :
‘The obsession of economists […] with the need for principals to control agents has diverted attention from the need for them both to improve their knowledge. Suppose that we start our analysis of organization and management not with the Walrasian problem of efficient allocation among people who are narrowly self-interested, but with the problem of knowledge. This immediately suggests […] specialization as a means not only of making more effective use of existing skills and knowledge (or ‘knowing how’ and ‘knowing that’) but also of facilitating the development of greater, and perhaps novel, skills and knowledge. (Loasby [1995], p. 482)’Les mécanismes cognitifs des membres de la firme jouent donc un rôle prépondérant dans cette approche :
‘[L]a firme est ainsi essentiellement conçue comme un lieu d’agencement, de constitution, de sélection et d’entretien des compétences. Cette conception suppose de privilégier l’acquisition, la production et la distribution des connaissances indispensables au maintien des compétences : c’est en ce sens que l’on peut parler de firme comme ‘processeur de connaissances’. (Cohendet & Llerena [1999], p. 214)’Dans cette approche, ce ne sont plus les coûts de transaction qui déterminent, de façon exclusive, la nature de la firme ; les questions de coordination jouent un rôle prépondérant, en particulier les questions de coordination ‘qualitative’ : elles renvoient à l’harmonisation des connaissances des parties coopérant à la réalisation d’une activité productive, ce qui suppose des interactions allant au-delà du simple transit par les prix et les quantités (Langlois [1998a], p. 6). La TCF insiste ainsi sur la nécessité pour les firmes de développer non seulement une organisation interne, mais également une ‘organisation externe’ destinée à accéder aux compétences qui font défaut à la firme (Loasby [1995a], p. 50).
Le thème de la localisation des activités d’innovation des FMN s’en trouve enrichi : l’analyse de l’organisation ‘externe’ des firmes conduit la TCF à aborder la question de la décentralisation géographique comme solution d’accès à des compétences ‘externes’ internationalement dispersées. L’extension de la TCF au cas de la firme multinational permet ainsi de rendre compte d’une logique centrifuge d’organisation des activités d’innovation.
Parmi les contributions les plus significatives, on peut citer, entre autres : Langlois [1992a], Loasby [1996], Teece et al. [1997], Langlois & Foss [1999].